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Actualités - OPINION

Après la « défection » de Joumblatt, l’Est opposant de nouveau isolé

Sur l’air de Vaya con Dios, une variante de Ray Charle : It’s crying time again... Ou, si l’on préfère Roméo : Parting is such sweet sorrow... Devançant l’automne de peu, Joumblatt joue encore une fois sur la fibre attendrissante des adieux. Lors du meeting des partis libanais et des cellules palestiniennes tenu, à Aïn el-Tiné, sous l’auguste présidence de Berry, le leader de la montagne a confirmé son divorce avec l’Est. Alors qu’il y a quelques petites semaines encore, il regrettait de n’avoir pas été convié aux assises postélectorales (chrétiennes) de Sodeco. Joumblatt défend maintenant à fond la version prosyrienne des « constantes nationales », axée sur le jumelage plutôt que sur la souveraineté. Il appelle à la libération de Chebaa par le biais de la Résistance armée, entendre du Hezbollah, dont il rejette toute association avec le terrorisme. Et il indique que sa ligne présente se situe dans le droit fil du positionnement normal de son parti, de son environnement naturel et de son appartenance ordinaire. Tout revient donc dans l’ordre habituel de son côté. Ce qui signifie qu’il n’a plus d’atomes crochus avec Kornet Chehwane et encore moins avec les idées dites indépendantistes. Une page est donc tournée. Et force est de constater que le rêve, pour l’Est, de sortir de son isolement en rebondissant à l’Ouest sur un tremplin aussi pulsif que Joumblatt, est dorénavant dissipé. En même temps, le revirement du leader progressiste accroît le doute dans les cercles opposants en ce qui concerne la possibilité de voir des changements se produire sur la scène locale, suite à des bouleversements dans la région. Le statu quo paraît, pour ainsi dire, se durcir. Ce que confirme d’ailleurs, si besoin était, la campagne multiforme lancée contre l’opposition. Que cela soit par le truchement de cheikh Taha Sabounji, et autres flamboyants, zélotes, qu’à travers les crocs-en-jambe genre MTV. Tous ces thèmes se regroupent, pour les loyalistes et les prosyriens, en un même combat intensifié contre l’Est, foyer d’un courant triplement hérétique, indépendantiste, libertaire et démocratique, c’est-à-dire hostile à la pensée unique. La césure se redessine dès lors en fort relief. Et nul ne la dépeint mieux que Joumblatt, quand il relève qu’un clivage national et arabe vient de prendre corps, à partir notamment du Syria Accountability Act. À ce sujet, il faut bien le reconnaître, il y a également fracture à l’Est même. On sait en effet, depuis le fameux manifeste-brûlot de Los Angeles, que les radicaux sont loin d’être en phase avec les modérés. Les premiers soutiennent le Syria Accountability Act. Pour eux, la priorité des priorités va à la lutte contre la présence syrienne, militaire et surtout politique. Ce qui implique, évidemment, un changement du système et du personnel qui va avec. La deuxième partie, largement majoritaire, n’est pas aussi pugnace, tant s’en faut. Elle réaffirme certes son attachement à l’indépendance. Mais convient de délais rendus nécessaires par des impératifs de conjoncture et de stratégie commune. Pour elle, la Syrie reste une sœur avec laquelle il faut arranger les relations. Du même coup, ces opposants ne sont pas contre Taëf. Et tout comme les rapports avec la Syrie, le système en place est à leurs yeux réformable plutôt que dynamitable. En gros, cependant, l’Est campe sur une ligne qui ne peut se confondre ni avec celle des prosyriens convaincus ni avec celle du pouvoir actuel, dans sa praxis courante. Bien entendu, les loyalistes pour leur part, tout en convenant que l’on peut toujours améliorer un peu le tableau, ne voient qu’une chose : plus que jamais, il faut faire cause commune avec la Syrie et la serrer de près, face à Israël. Il y a donc bel et bien deux camps globaux distincts dans le pays, comme le dit Joumblatt. Schématiquement, ils se cristallisent l’un autour des trois sites du pouvoir (Baabda, Koraytem, Aïn el-Tiné), l’autre à proximité de Bkerké ou de Kornet Chehwane. La tension atteint parfois des sommets. Comme lorsqu’on entend certains vitupérer contre les USA, Israël et l’Est mis dans un même sac, en traitant à l’occasion les opposants de traîtres. Ou comme lorsqu’on organise en plein Achrafieh un meeting de soutien à la Syrie. Mais, redisons-le, dans la phase présente, les rapports de force ne sont pas très favorables à l’opposition classique. Elle est en effet privée d’unité véritable, d’autant qu’il existe des formations qui ont participé au colloque d’Achrafieh ou, dernièrement, au meeting de Aïn el-Tiné, à l’instar des Kataëb, le parti de la Solidarité, le parti du Front national (Ernest Karam), etc. Aux côtés de la récente mais déjà fameuse, ou fumeuse, cellule de Hamad coagulée par les anti-Kornet comme cheikh Taha Sabounji. Dans ce magma, on note enfin que les prosyriens s’efforcent, habilement, de neutraliser Bkerké en redoublant d’éloges à son égard et en louant son modérantisme. Dans l’espoir, douteux, que tout comme Joumblatt a rompu avec Rencontre, le patriarche pourrait prendre ses distances par rapport à ce groupe. Philippe ABI-AKL
Sur l’air de Vaya con Dios, une variante de Ray Charle : It’s crying time again... Ou, si l’on préfère Roméo : Parting is such sweet sorrow... Devançant l’automne de peu, Joumblatt joue encore une fois sur la fibre attendrissante des adieux. Lors du meeting des partis libanais et des cellules palestiniennes tenu, à Aïn el-Tiné, sous l’auguste présidence de Berry, le...