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Actualités - OPINION

Sélim Azar juge la loi « floue » et « incomplète »

La controverse sur l’article 68 de la loi électorale venait à peine de commencer, qu’une nouvelle polémique juridique est apparue à propos de la loi sur « l’enrichissement illicite », mettant en cause les législateurs qui sont à l’origine de lois « imprécises et entachées d’irrégularités », comme le soulignent plusieurs experts. En l’espace de quelques semaines, deux textes de lois, plus ambigus l’un que l’autre, sèment ainsi la confusion dans l’esprit des juristes et ouvrent la voie à une multitude d’interprétations. La lettre adressée mardi par le président du Conseil constitutionnel, Amine Nassar, au chef de l’État, Émile Lahoud, au président de l’Assemblée, Nabih Berry, et au Premier ministre, Rafic Hariri, a suscité un nouveau tollé au sujet du contentieux qui oppose depuis un certain temps le député Gabriel Murr à ses adversaires politiques. Dans sa lettre, M. Nassar a informé les trois présidents que le nouveau député du Metn n’a pas présenté, dans les délais requis, à savoir trois mois, une déclaration de revenus conformément à la loi 154/99 « sur l’enrichissement illicite ». Sur la base de ce texte, le contrevenant perd ainsi « un des éléments constituants de sa députation et est considéré comme démissionnaire ». Or, disent les experts, ce texte de loi, aussi bien sur le fond que sur la forme, comporte des lacunes majeures. Au niveau de la forme d’abord. Pour Me Sélim Azar, ancien membre du Conseil constitutionnel, dont l’avis rejoint d’ailleurs celui de l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, « il n’est pas du ressort du président du Conseil constitutionnel d’informer de l’existence d’une irrégularité ». C’est, en principe, au Parlement de le faire, souligne Me Azar. « D’ailleurs, dit-il, la loi ne précise même pas qui est l’instance habilitée à invalider l’élection du député, si invalidation il y a. » Au demeurant, poursuit le magistrat, l’article 6 de la loi ne stipule à aucun moment que cette mesure s’applique aux nouveaux députés. Dans sa forme actuelle, « elle concerne uniquement le président de la République, les ministres et les députés qui étaient en fonctions à l’époque. La loi précise que ces derniers doivent soumettre au Conseil constitutionnel leur déclaration dans les trois mois qui ont suivi l’adoption de la loi ». Autant de lacunes qui, selon l’ancien magistrat, expliquent clairement l’intention des législateurs. « Ces derniers ont sciemment voulu que cette loi soit entourée de flou, puisqu’elle a été faite dès le départ pour ne pas être appliquée. » Évoquant les circonstances dans lesquelles avait été votée la loi 154/99, Me Azar affirme qu’il s’agissait à l’époque d’une tentative de « résorber le mécontentement populaire alors que la corruption faisait rage. Le texte visait simplement à calmer la colère des gens. Il ne devait pas être pris au sérieux », d’où son imprécision. Il relève en outre ce qu’il considère être un second point litigieux, à savoir que les déclarations de revenus, une fois faites, ont un caractère « confidentiel ». Or, à quoi sert cette mesure si de telles informations doivent rester secrètes ? s’interroge Me Azar. « Par définition, elles sont faites pour être rendues publiques. Je me demande d’ailleurs lequel, parmi les députés ou les ministres en présence, a déjà présenté une déclaration en ce sens. On ne le saura jamais », dit-il. Rappelant que la loi de 1999 devait en principe corriger la loi de 1953 sur « l’enrichissement illicite », le magistrat fait remarquer que rien n’a été fait, la nouvelle loi s’étant avérée « floue » et « incomplète ». Celle de 1953 prévoyait au moins que les déclarations soient examinées par un comité formé de hauts magistrats, qui devait interroger le responsable et le poursuivre en cas d’irrégularité, indique Me Azar. Estimant que le Liban n’a jamais connu une telle « hérésie » en matière judiciaire, il affirme que cette affaire n’est rien d’autre qu’une « exploitation pernicieuse des lois et de la justice à des fins politiques ». « N’ayant pas trouvé d’arguments valables pour justifier une invalidation de l’élection de Gabriel Murr par le biais du recours intenté (par Myrna Murr), le Conseil constitutionnel a usé d’un nouveau subterfuge. Comment, sinon, peut-on expliquer le retard mis par cette instance à trancher cette affaire ? » se demande le magistrat, qui assure la défense du député dans ce dossier. Selon lui, le Conseil constitutionnel aurait dû annoncer sa décision dans les deux semaines qui ont suivi la présentation du recours. Quant au vice de fond invoqué par certains observateurs, il n’est pas moins « grave », disent-ils. C’est en effet la Constitution et non une loi spécifique qui définit « les éléments constituants de la députation », affirment certains juristes. D’où le caractère anticonstitutionnel de cette loi qui vient se substituer à la Constitution. « Nous ne pouvons pas encore parler de loi anticonstitutionnelle, dans la mesure où il n’y a pas eu un recours en abolition de cette loi », commente Me Azar. D’ailleurs, dit-il, cette question suscite des interrogations sérieuses sur les prérogatives du Conseil constitutionnel, qui ne peut pas s’autosaisir, et dont la fonction reste limitée à l’examen de la validité des élections et la constitutionnalité des lois. À condition que cette instance soit saisie par le candidat lésé, dans le premier cas, et par au moins dix députés, dans le second cas, conclut-il. Jeanine JALKH
La controverse sur l’article 68 de la loi électorale venait à peine de commencer, qu’une nouvelle polémique juridique est apparue à propos de la loi sur « l’enrichissement illicite », mettant en cause les législateurs qui sont à l’origine de lois « imprécises et entachées d’irrégularités », comme le soulignent plusieurs experts. En l’espace de quelques...