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Actualités - CHRONOLOGIE

Liban-Sud - Les menaces israéliennes sont à prendre au sérieux, affirment les responsables libanais Le Liban appelé à former une cellule de crise pour défendre son droit sur les eaux du Wazzani(PHOTOS)

Une guerre pour l’eau ? Raymond Eddé doit se retourner dans sa tombe, lui qui, pendant des années, n’avait cessé de dénoncer les visées israéliennes sur les eaux du Liban-Sud. Aujourd’hui, les menaces du Premier ministre israélien se font encore plus précises. Et le Liban se contente de déclarations, musclées certes, mais en ordre dispersé, comme si, même pour une cause aussi grave, responsables et hommes politiques n’arrivaient pas à faire front commun. Pourtant, tous les experts affirment que le dossier du Liban pourrait être solide, s’il sait le préparer et le défendre devant les Nations unies, surtout qu’il a signé en 1999 la convention de l’Onu sur les cours d’eau. Mais, pour cela, il faudrait d’abord former une cellule de crise... Depuis des années, le dossier de l’eau constitue une menace pour le Liban, Israël n’ayant jamais caché son problème de sécheresse. Tant qu’il occupait le Sud, il pouvait se servir à volonté, revendant l’eau du Liban aux Libanais vivant dans les villages occupés. Mais depuis la libération du territoire, le Liban a voulu profiter de son eau, surtout dans une région qui en a grandement besoin. Et les problèmes se sont multipliés, généralement réglés au cas par cas, par le biais des représentants de l’Onu présents dans la région. Toutefois, selon les responsables, les menaces proférées mardi par le Premier ministre israélien Ariel Sharon sont à prendre au sérieux. D’abord parce que Israël a effectivement besoin de l’eau du Wazzani et ensuite parce que la situation internationale et régionale pourrait lui permettre de se lancer dans des aventures militaires, dans la foulée de la guerre américaine contre le terrorisme et contre l’Irak. Pourtant, le Liban n’utilise à l’heure actuelle que 7 millions de m3 et les travaux qu’il a entrepris lui permettront d’obtenir un million de m3 de plus, alors que, selon les conventions internationales, il aurait droit à bien plus. L’« équitabilité » de l’utilisation de l’eau Selon un expert, le Liban possède une arme de taille qui consiste dans la ratification, le 13 mars 1999, par le Parlement, de la convention sur les cours d’eau, alors que la Turquie et Israël ont refusé de la signer. Cette convention définit des principes généraux, sous le grand titre de l’équitabilité de l’utilisation de l’eau. Elle donne aussi des éléments pour interpréter cette équitabilité, en tenant compte de plusieurs facteurs. À ce stade, il faut distinguer entre les eaux surfatiques et les eaux souterraines. Si, pour les premières, le partage est relativement facile, pour les secondes, le mécanisme est plus compliqué et fait intervenir le facteur technico-économique. Ainsi, la priorité dans le partage des eaux va toujours au pays qui en a besoin pour son eau potable, et ensuite pour l’irrigation. Or, le Liban est actuellement en train d’installer un réseau de 16 kilomètres de long qui devrait alimenter en eau potable une vingtaine de villages. L’eau du Wazzani, il en a donc un besoin urgent, surtout dans le Sud, région agricole et pauvre. Généralement, le partage de l’eau est défini par les pays concernés, par le biais de traités (comme c’est le cas avec la Syrie, par exemple), mais, avec Israël, les négociations directes sont impossibles. Il faudrait donc, toujours selon l’expert, recourir à des négociations indirectes et le Liban a tout à fait le droit, si ce n’est le devoir, de faire appel aux Nations unies, puisqu’il a signé la fameuse convention. Réaction ferme des responsables L’heure serait donc à l’action, non aux déclarations. Certes, le Premier ministre Rafic Hariri a très vite réagi. Le ministre des Affaires étrangères se trouvant à New York, il a rapidement contacté l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth, Vincent Battle, pour protester vigoureusement contre les menaces de Sharon. De même, il a demandé au secrétaire général du palais Bustros, Mohammed Issa, de convoquer les ambassadeurs des pays membres permanents du Conseil de sécurité. Sans compter le fait que le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Hammoud, a pris lui-même l’initiative de protester violemment, à partir de New York, contre les menaces israéliennes. Hammoud a demandé à son équipe de préparer un mémorandum sur les droits du Liban concernant l’eau du Wazzani, mémorandum qui sera distribué aux ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité. Il est d’ailleurs en contact permanent avec le chef de l’État et le président du Conseil, pour étudier ensemble les mesures à prendre. De même, lors de sa rencontre hebdomadaire avec le président Lahoud, le chef de l’Assemblée, Nabih Berry, a évoqué le dossier, assurant que le Liban est totalement dans son droit, en cherchant à augmenter sa part des eaux du Wazzani. Berry s’est aussi entretenu avec l’ambassadeur des États-Unis, toujours sur la même question, et le ministre des Ressources électriques et hydrauliques, Mohammed Beydoun, a, lui aussi, condamné les menaces israéliennes, expliquant que, selon les conventions internationales, le Liban a droit à au moins 70 millions de m3 (il n’en prend que 7) des eaux du Wazzani, alors qu’Israël en exploite 150 millions. Toutefois, la déclaration du ministre s’adresse aux Libanais, alors que ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est s’adresser à la communauté internationale. La voie est ouverte, puisque le Liban a signé la convention sur les cours d’eau et que, il y a un an, l’émissaire personnel du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, Terjé Roed-Larsen, avait reconnu les droits du Liban aux eaux du Wazzani. Pourquoi, dans ce cas, ne pas mettre à contribution le représentant de M. Annan à Beyrouth, M. Staffan di Mistura ? se demande un expert en droit international. Selon lui, le Liban peut constituer un dossier très solide, en se basant entre autres sur le projet établi par l’Américain Johnston en 1952 et qui, déjà, accordait au Liban 35 millions de m3 des eaux du Wazzani. Les travaux se poursuivent Aujourd’hui, le Liban a sans doute droit à bien plus, mais 35 millions, c’est bien plus que les 7 qu’il pompe actuellement et le million supplémentaire qu’il s’apprête à pomper, à travers les installations qu’il met en place et qui ont poussé à Sharon à brandir la menace d’une guerre. D’ailleurs, en dépit des menaces israéliennes, les travaux d’installation du réseau se sont poursuivis, hier, dans la région du Wazzani, à quelques centaines de mètres de la frontière, sous la surveillance étroite des Israéliens qui ont intensifié leurs patrouilles dans le secteur. En fait, la source du Wazzani se trouve à 700 m à vol d’oiseau de la ligne bleue, tracée par l’Onu. Son eau court sur 2 km, avant de se jeter dans la rivière Hasbani qui prend sa source une vingtaine de km plus au nord, en plein territoire libanais. Un expert libanais, Nazem Nasrallah, a précisé à ce sujet que le Wazzani fournit une partie importante de l’eau du Hasbani, qui, dans sa partie supérieure, est pratiquement à sec de mai à novembre. Ce qui ne peut qu’augmenter les droits du Liban sur l’eau de cette source. Au lieu donc de multiplier les déclarations politiques, c’est un véritable dossier, basé sur des points de droit et des calculs en mètres cubes et truffé d’exemples choisis dans d’autres régions de la planète, que le Liban devrait s’employer à préparer, dans les plus brefs délais, avant de l’envoyer à l’Onu, avec une équipe chargée de l’expliquer et de le défendre. Face « au général de la guerre, assoiffé de sang », selon l’expression de Nabih Berry, il faut brandir le droit international, le plus vite possible, car dans cette région, malheureusement, la guerre est toujours l’option la plus facile. Scarlett HADDAD
Une guerre pour l’eau ? Raymond Eddé doit se retourner dans sa tombe, lui qui, pendant des années, n’avait cessé de dénoncer les visées israéliennes sur les eaux du Liban-Sud. Aujourd’hui, les menaces du Premier ministre israélien se font encore plus précises. Et le Liban se contente de déclarations, musclées certes, mais en ordre dispersé, comme si, même pour une...