Tribune Éteignez donc M. Kandil

J’emprunte ce titre à feu Georges Naccache qui avait écrit « Faites donc taire M. Chamoun », dans un de ces fameux éditoriaux qui l’ont si souvent conduit en prison. Dans quel pays vit-on donc ? Dans ce pays qui a vu la « double négation » en faire quand même une nation en 1943 ? Dans ce pays qui a tout bravé pour demeurer uni dans son essence et si différent dans ses composantes, au point d’être l’exemple de toutes les nations ? Dans ce pays où tant et tant de libertaires des pays arabes se sont réfugiés pour vivre en liberté, pour vivre leur liberté, pour goûter à la liberté d’expression, de croyance, de foi et de religion. Dans ce pays qui a donné vie à toutes les idées modernes dans les pays arabes, par son théâtre, son art, sa télévision, ses principes, sa fronde, sa liberté, sa soif d’horizons nouveaux, sa passion de futurisme, son aspiration au modernisme ? Est-ce bien là que nous vivons ? Ou bien est-ce un pays où la victoire d’une négation sur une autre va en faire un vassal à l’aube du 60e anniversaire d’une indépendance chère et cher payée ? Ou le pays de la désunion dans notre essence et l’éparpillement de toutes nos composantes au point d’être la risée de toutes les nations ? Ou bien faut-il que les gens libres de ce pays aillent se réfugier ailleurs pour vivre en liberté, vivre leur liberté, regoûter à leur liberté d’expression, de croyance, de foi et de religion. Ou bien doit-on importer toutes les idées obscures pour les appliquer dans notre vie quotidienne, notre art, nous servant d’horizons nouveaux et nous ramenant au statut d’inféodé, de vassal et de « à vos ordres, monsieur ». Si nous voulons être ce que nous voulons être, Si nous sommes attachés à nos valeurs, à nos libertés, à notre expression indépendante, Si nous voulons vivre demain dans nos logis et non plus dans nos geôles, Alors, éteignez donc M. Kandil. Jean-Claude BOULOS