Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Ce qui est resté du Ier congrès national des libertés d’août 2001

Le Ier Congrès national des libertés s’était tenu il y a un peu plus d’un an, le jeudi 16 août 2001, au Carlton. Le IIe Congrès national des libertés s’est tenu hier lundi 9 septembre, au siège de l’Ordre de la presse. Les Libanais pouvaient tout naturellement attendre du second des ambitions au moins à la hauteur du premier. Tout en étant conscients que le maximum auquel pouvait prétendre ce genre de réunions était des mots, des prises de position. Aussi fermes et forts soient-ils. Sauf qu’à part, jusqu’à hier 11 heures, ce titre générique, alléchant, nécessaire et trop large à la fois – la défense des libertés –, les points communs entre ces deux congrès s’arrêtent là. Et même là, les Libanais ont été trompés sur la marchandise : c’était, hier, tout sauf un Congrès national des libertés. Le contexte Dans les jours qui ont précédé le 16 août 2001, il y a eu : les rafles dans les rangs de l’ensemble de l’opposition chrétienne ; l’arrestation puis l’emprisonnement de Toufic Hindi (après des « aveux » filmés qui auraient reçu l’approbation souriante d’un Ceaucescu) et des journalistes Antoine Bassil et Habib Younès ; l’incroyable ratonnade (qui a fait le tour du monde des télévisions) des jeunes manifestants devant le Palais de justice ; le désistement du Conseil des ministres qui, au bout de six heures de débats houleux, avait fini par noyer le poisson et réaffirmer, déjà, sa confiance dans la justice ; et, enfin, le putch contre le Parlement qui s’était scandaleusement dédit en votant, malgré lui, l’amendement du code de procédure pénal. Pour devenir (toujours malgré lui ?) l’énième fossoyeur, au Liban, de la démocratie. Dans les jours qui ont précédé le 9 septembre 2002 (hier, donc), il y a eu : le jugement « gracieux » du tribunal des imprimés : fermeture « définitive » de la MTV, de RML, de Radio Nostalgie. La cire rouge pour sceller les portes de la chaîne de télévision de Gabriel Murr. Les employés vidés à coups de crosse. La flagrante et scandaleuse vengeance du clan de Michel Murr. Le (très) gros habit politique dont a été recouverte la justice. Les jeunes tabassés devant la MTV, au centre-ville, devant les touristes. L’opposition qui déclare que le dialogue qu’elle a enclenché avec le chef de l’État est devenu « inutile ». Puis toute manifestation et tout sit-in interdits par le ministère de l’Intérieur. La forme Kornet Chehwane, le Renouveau démocratique, le PSP, le Forum démocratique appellent à la tenue du Ier Congrès. Amine Gemayel, Walid Joumblatt, Nassib Lahoud, tous les membres de Kornet Chehwane, Misbah Ahdab, Bassem Sabeh, Habib Sadek, Mohammed Baalbaki, Michel Lyan (à l’époque bâtonnier de Beyrouth), Talal Salmane, le bloc des députés haririens, etc. Des hommes politiques, des gens des syndicats, des journalistes, et face à eux, un millier de personnes, qui se sont déplacées comme un seul homme, agglutinées dans la salle du Carlton, qui les écoutaient, presque religieusement, et qui les applaudissaient. Douze intervenants, présents avaient-ils répété, pour « éviter que les institutions militaro-sécuritaires – qui sont le garde-fou du pays, le symbole d’unité nationale – ne se transforment en instrument de répression, d’humiliation. En milice qui bafoue la Constitution et la loi. Nous sommes là pour demander au gouvernement d’être un véritable gouvernement ou de s’en aller ». Douze intervenants donc, et des Libanais sur la même longueur d’ondes. Les hommes des Services gardaient le profil bas. Le Ier Congrès des libertés du Carlton était cohérent, et dans sa forme, totalement réussi. Les images sont encore là, pour rappeler. Les syndicats, tous les syndicats, ont appelé à la tenue du IIe Congrès des libertés, au siège de l’Ordre de la presse. Sur le papier, c’était très cohérent : il y aurait les journalistes, les avocats, les pharmaciens, les ingénieurs, les enseignants, les professions libérales, etc. Qu’ils soient membres de l’opposition (KC, Forum, RD) ou pas. Les hommes politiques n’étaient pas exclus, mais aucune intervention de l’un(e) d’entre eux n’était prévue. Il y avait, hier, douze ministres, une flopée de députés, hétéroclites, représentant une très large partie de l’hémicycle (Baas, PSNS, députés prosyriens, haririens, lahoudiens, etc). Et... Michel Murr. Sa seule présence, aussi courte fût-elle, a donné à elle seule toute l’étendue de la grotesque mascarade. La scandaleuse intervention du député Nasser Kandil, pendant le laïus certes un peu maladroit du bâtonnier Raymond Chédid, puis l’altercation verbale éructante entre les aficionados du député syro-hariro-lahoudo-berryiste (ses collègues Assem Kanso et Assaad Hardane en tête) et le tandem Chédid-Klimos (l’ancien bâtonnier membre de Kornet Chehwane) a fini par tranformer la mascarade en véritable cirque, noyant encore davantage de honte les Libanais (et les autres) rivés aux écrans des télévisions qui leur restent pour l’instant. Et qui n’ont retenu, au lieu de la défense de la démocratie et des libertés, et l’appel à la réouverture de la MTV, que la très surprenante intervention de Sleimane Frangié, autoproclamé arbitre et grand parangon des libertés. Ou les altercations entre les défenseurs de la MTV et les sbires de certains ministres, ainsi que des hommes des Services en civil. Le fond Cet évident et ostentatoire noyautage du IIe Congrès des libertés par les représentants du pouvoir et les zélotes a doublement réussi son but. Montrer les syndicats encore plus impuissants et divisés qu’ils ne semblent l’être réellement, montrer, d’une façon encore plus flagrante, la différence, dans le fond, entre les deux événements d’août 01 et de septembre 02, et, last but not least, ôter à ce même congrès sa propre nature, sa propre définition. Ainsi dénaturé et mutilé, le IIe Congrès des libertés était donc tout, hier, sauf un Congrès national des libertés. Au Carlton l’an dernier, les opposants à la militarisation galopante du pays avaient appelé, entre autres, à la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées en raison de leurs opinions politiques, le jugement des responsables des abus commis par les agents des services de sécurité en habits civils et militaires, et le lancement d’un appel aux magistrats afin qu’ils défendent l’indépendance de la magistrature à des fins politiques. L’histoire se répète. Le décevant (mais Mohammed Baalbacki et Melhem Karam, tous deux au-dessus de tout soupçon, étaient-ils en mesure de faire autrement ?) communiqué publié par l’Ordre de la presse et le syndicat des journalistes, quant à lui, après s’être « désolé » de ce qui s’était passé au cours du congrès, a appelé à la révision de l’article 68 et à l’accélération du traitement du recours introduit par les avocats de la MTV. C’est, malheureusement, tout. Et maintenant ? Qui est sorti gagnant de ce Congrès national des libertés ? Les libertés ? Si tel doit être le cas, la majorité des Libanais sera ravie de manger ses chapeaux. Le pouvoir et son allié syrien ? Bien maigre, bien illusoire et, souhaitons-le pour la survie de la spécificité libanaise, bien éphémère victoire. Les personnes présentes, dont une grosse partie a usurpé les rares places disponibles, savent parfaitement qu’elles ne tireront aucune gloire de ce déplacement somme toute inutile. Seuls, et encore, les absents sont peut-être sortis grandis de toute cette histoire. En gros : tous les absents d’hier, présents jeudi dernier au pré-congrès, toujours au siège de l’Ordre. À savoir les ténors politiques de KC, du RD et du Forum, Hussein Husseini, Omar Karamé, Sélim Hoss... Et Walid Joumblatt. Mais si. Ces absents ont désormais toute la latitude de penser, chacun comme il peut, ou veut, à une solution, un moyen, maintenant que le dialogue est inutile, les congrès torpillés, les manifestations interdites et toutes les voix opposantes muselées ou rendues obsolètes. Bon courage... Ziyad MAKHOUL
Le Ier Congrès national des libertés s’était tenu il y a un peu plus d’un an, le jeudi 16 août 2001, au Carlton. Le IIe Congrès national des libertés s’est tenu hier lundi 9 septembre, au siège de l’Ordre de la presse. Les Libanais pouvaient tout naturellement attendre du second des ambitions au moins à la hauteur du premier. Tout en étant conscients que le maximum...