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Actualités - OPINION

Les privatisations facilitées par leur dépolitisation... momentanée

À chaque jour suffit sa peine. Et à chaque dossier ses complications propres. Mais les gouvernementaux se frottent – pour le moment – les mains. Aucun obstacle, à leur avis, n’est plus dur à affronter, et à franchir, que les haies, les haines ou les champs magnétiques opposés des pôles Nord et Sud du pouvoir exécutif. Maintenant que, grâce en grande partie au troisième homme, le ménage est fait et se refait, au niveau des compatibilités présidentielles, le chapelet des privatisations (trente, comme les ministres !) va pouvoir dévider ses grains sans problème majeur. C’est du moins ce que pensent, répétons-le, les haririens. Oubliant sans doute un peu vite, dans les vapeurs de la persistante euphorie de la réconciliation, que qui dit grain dit orage. Ô désespoir, ô vieillesse ennemie de ces habitudes qui ne dorment jamais que d’un œil, comme le financier de la fable. C’est-à-dire, toute parodie mise de côté, que lorsque des intérêts aussi sordides que puissants sont en jeu, comme le relève Ghassan Tuéni, les (re)disputes ne sont jamais loin. Mais peut-être pas, cette fois et la prochaine, entre les mêmes protagonistes. Et le conciliateur du proche hier pourrait bien se retrouver demain en position de pugiliste, l’arbitrage se trouvant dévolu au membre de la troïka qui serait le plus éloigné du secteur à revendre. On sait en effet, pour donner un tout premier exemple sous la main, que le ministre en charge de l’électricité (dans l’air ?) est berriyiste. Et que le courant risque de ne pas bien passer entre lui et d’autres piliers du pouvoir. Que la revente de l’EDL risque de mettre en appétit. Sinon sur le plan directement matériel, du moins sur celui de son exploitation politique. Ou démagogique, ce qui constitue ici un synonyme ou un pléonasme, au choix. Tentation d’autant plus facile, et difficile à rejeter, que le projet de privatisation de l’office donne déjà lieu à des convulsions sociales, du côté des employés comme du côté des consommateurs, menacés de pénurie. Cependant, redisons-le, les dirigeants en sont encore actuellement à savourer leur trêve. Et les mêmes haririens qui vitupéraient contre le ministre des Télécoms il n’y a pas si longtemps, le couvrent aujourd’hui d’éloges. Tandis que lui-même ne rate aucune occasion, même pas par exemple une conférence dans la lointaine Békaa, pour mettre en exergue la toute nouvelle harmonie entre les pouvoirs. Indirectement, il convient de le souligner, à travers des positions nettement plus amènes au sujet du cellulaire comme de ses opérateurs délégués, Cellis et LibanCell. Qui vont, comme on sait, gérer le réseau jusqu’à fin janvier, en attendant une éventuelle adjudication. Mais un clou chasse l’autre. Et les tensions naissantes autour du dossier de l’EDL laissent mal voir comment le plan de privatisation va pouvoir être élaboré avant la fin de l’année en cours, comme le gouvernement s’y engage. Le ministre qualifié, M. Mohammed Abdel-Hamid Beydoun, précise d’abord une évidence qui saute aux yeux : la procédure envisagée diffère de celle adopté pour le cellulaire. Pour la simple et bonne raison que les deux secteurs ne sont comparables qu’en termes de gros (de très gros) sous. Pour alimenter les caisses du Trésor, M. Beydoun songe à ouvrir le capital de l’EDL au public. Comme cela se pratique en Angleterre, dit-il. En réalité, cette méthode n’est qu’une litote juridique. C’est-à-dire que les actions émises ne sont évidemment pas destinées au tout venant, comme de vulgaires bons du Trésor. Mais à des compagnies spécialisées, donc forcément internationales. Qui prendraient en charge tel ou tel compartiment du train marchandises, entendre de l’entreprise bien fractionnée qu’est l’EDL. Nul n’ignore en effet que la production est une chose, le transport une autre, la distribution une troisième et la perception une quatrième. Sans oublier les subdivisions intéressantes comme les barrages, le matériel et son entretien (maintenance en termes d’aujourd’hui). Cependant, comme en Angleterre, une petite part de titres resterait réservée au public ordinaire. Rien de pesant, juste assez pour que les gens aient le sentiment gratifiant de participer à une grande et belle aventure nationale. Et juste assez pour que l’État pompe un surplus de fonds d’autant plus appréciable qu’il ne serait plus responsable des problèmes du réseau. Il reste à savoir, grande question, si l’EDL, en tout ou en partie, est un parti alléchant. Il y a quelques mois, on le sait, le président du Conseil, qui avait commencé à démarcher discrètement, à titre préparatoire et à tout hasard, des Occidentaux, avait fait chou blanc. Mais, on ne sait par quelle mystérieuse alchimie peut-être obscurément liée aux retombées du 11 septembre, aujourd’hui les responsables locaux se montrent résolument optimistes. Des sociétés européennes auraient fait savoir qu’elles seraient intéressées. Et devraient confirmer, ou non, fin novembre, une fois que le cahier des charges, dont l’élaboration a été confiée à Paribas, leur aura été remis. Cependant, le ministère indique que le transport de l’énergie continuera à rester la propriété de l’État, sa gestion forfaitaire étant assurée par une entreprise spécialisée. Toujour est-il que le ministre (haririen) de l’Économie, Bassel Fleyhane, affirme que l’opération des privatisations a maintenant bel et bien démarré. Il ajoute qu’elle ne va pas sans difficultés, mais qu’elle est nécessaire pour aborder Paris II. Le ministre confirme par ailleurs les données de son collègue des Finances : le prochain budget sera réduit, au niveau des dépenses, de 10 à 20 % selon les ministères. Il rend hommage enfin, et peut-être surtout, au ministre des Télécoms. Qui a été également applaudi, on le sait, par l’ambassadeur des États-Unis. Peut-être un peu parce qu’à la même époque on grognait un peu du côté de Paris. Philippe ABI-AKL
À chaque jour suffit sa peine. Et à chaque dossier ses complications propres. Mais les gouvernementaux se frottent – pour le moment – les mains. Aucun obstacle, à leur avis, n’est plus dur à affronter, et à franchir, que les haies, les haines ou les champs magnétiques opposés des pôles Nord et Sud du pouvoir exécutif. Maintenant que, grâce en grande partie au troisième...