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Actualités - REPORTAGE

ROUTES - Une première étude sur la dimension spatiale de la récurrence des accidents dans la capitale Beyrouth, ville dangereuse pour automobilistes et piétons, surtout en été(PHOTOS)

Avec 723 accidents de la route enregistrés dans la capitale libanaise en 1999, faisant 260 blessés et 78 morts, on peut sans nul doute considérer Beyrouth comme une ville dangereuse. Certes, les chiffres sont à eux seuls significatifs, mais une étude préparée par une jeune doctorante du département de géographie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph, Valérie Lakkis, offre une perspective intéressante et nouvelle : l’analyse de ces accidents selon leur localisation géographique. Cette méthode permet de déterminer les zones à risques et, surtout, d’intégrer la dimension spatio-temporelle dans le traitement de cet épineux dossier. L’une de ses conclusions inattendues : les rues quasi vides de la capitale en été s’avèrent plus mortelles qu’en périodes de mauvais temps. Pour rédiger cet article dans le cadre de son DEA (une thèse préparée en cotutelle avec l’Université de Nice devrait suivre), Valérie Lakkis s’est basée sur les chiffres bruts obtenus auprès des Forces de sécurité intérieure (FSI), qu’elle a ensuite élaborés en statistiques au département de géographie. L’étude, qui couvre une période allant de 1998 à 2001 et qui est réalisée en collaboration avec la municipalité de la ville, tient compte de la région métropolitaine de Beyrouth, qui regroupe la capitale administrative, une partie des cazas de Baabda, du Metn, du Chouf et de Aley (une superficie de 23 000 hectares). Le champ d’étude comprend trois axes : un axe nord reliant Beyrouth à Tripoli, un axe du sud-est vers Damas et un axe sud allant vers Saïda. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas sur les grands axes mais à l’intérieur du réseau routier très enchevêtré et souvent mal aménagé de la capitale qu’ont lieu les accidents les plus graves. Les régions qui détiennent le record en matière d’accidents mortels sont la Quarantaine et la Corniche du Fleuve, suivis de près par la place des Martyrs. Ces trois-là forment un vrai triangle de la mort. La Corniche de Manara, le rond-point de l’Unesco, le tronçon côtier allant de Ramlet el-Baïda à Ouzaï, la route de l’aéroport sont également des points très chauds. Pour ce qui est des axes extérieurs à la capitale administrative, c’est l’autoroute nord qui paraît être la plus dangereuse, notamment au niveau de Dbayé. L’axe du sud-est représente également de forts risques, surtout dans la région de Hazmieh, de Fayadieh, de Baabda et de Jamhour. C’est la route du sud qui semble la plus calme, avec relativement peu d’accidents dangereux à Khaldé, au Chouf et à Damour. Pourquoi cette répartition géographique ? L’étude a fourni de premiers éléments de réponse. Il faut constater tout d’abord que la Quarantaine est une zone particulièrement délicate. En un an, vingt accidents recensés ont fait vingt morts. La configuration du réseau routier y est pour quelque chose: les conducteurs sont trompés par l’aspect faussement rectiligne de cette artère, et surpris par le mauvais aménagement urbain ainsi que par les voitures qui font demi-tour au milieu de la chaussée. Si l’on ajoute à tous ces éléments le facteur de la vitesse, on obtient un cocktail mortel. Les nombreux croisements de la Corniche du Fleuve peuvent également s’avérer périlleux. Par ailleurs, la corniche côtière de Beyrouth, qui comprend aussi de nombreux virages en épingle à cheveux, est de nature à prendre de court un conducteur pressé. Pour ce qui concerne la nature des routes sur lesquelles ont généralement lieu les accidents, celles qui comprennent deux sens séparés par des blocs de béton viennent en tête (53%), suivies des voies à sens unique (non respecté par une grande partie des conducteurs), puis des voies à deux sens sans aucune séparation (18%). Un environnement urbain hostile Pour ce qui est des axes extérieurs, le record d’accidents détenu par l’autoroute du nord s’explique par la structure même de cette artère qui ne répond pas aux normes internationales en vigueur pour les autoroutes, mais tient davantage lieu de voie express doublée d’une rue marchande. D’où le fait que les arrêts fréquents des automobilistes peuvent causer des collisions. L’axe du sud est conçu d’une façon qui respecte davantage les normes internationales et les commerces y sont inexistants. Par ailleurs, il est logique que le Chouf soit le moins touché par ce problème puisqu’il est bien moins peuplé que les autres régions. Mais Beyrouth demeure la zone la plus risquée, malgré les trafics denses et continus. Aux facteurs spatiaux qui influent sur la situation des routes s’ajoutent des facteurs temporels: en matière de saisons, c’est surtout l’été qui s’avère mortel, quand les rues de la capitale sont quasi vides. Cela signifie que le mauvais temps n’est pas pour grand-chose dans ces tristes statistiques, contrairement au non-respect des limites de vitesse. Par ailleurs, c’est surtout durant les heures de pointe et pendant la nuit (notamment au petit matin les week-ends) que les chocs meurtriers ont lieu. Les accidents mortels sont plus récurrents au sein de la population jeune de sexe masculin, entre 18 et 25 ans. Mais, selon les chiffres rapportés par Valérie Lakkis, environ 15% des chauffeurs décédés ne seraient même pas détenteurs d’un permis de conduire, et ne seraient par conséquent pas majeurs. Une constatation effrayante… Venons-en aux causes: parmi celles invoquées par les FSI, les excès de vitesse (46%) viendraient en tête, ainsi que le non-respect du code de la route (27%). Mais certaines causes moins évidentes sont évoquées dans cette étude et sont, justement, en rapport avec le facteur spatial. Parmi ces causes, la configuration du réseau routier, souvent complexe et enchevêtré, joue un rôle primordial. Mais il faut également évoquer la notion très complexe de l’environnement urbain et des problèmes qui peuvent en résulter: panneaux publicitaires distrayants, signalisation routière inadaptée voire inexistante, routes mal entretenues, infrastructure défectueuse, transport public mal organisé… Ces causes viennent s’ajouter aux facteurs de vitesse et de non-respect du code de la route. L’intérêt de cette étude est de définir une typologie du réseau, souvent en mauvais état, avec beaucoup de sens interdits non respectés, un aménagement quasi inexistant… Sans compter une population particulièrement vulnérable à ces dangers rencontrés sur la route : les piétons. Afin de mieux délimiter les zones à risques et de comprendre le fonctionnement d’un environnement urbain qui favorise une multiplication des accidents, Valérie Lakkis sillonne les routes du Grand Beyrouth pour en recenser les moindres détails. Les noms et numéros de rue souvent inexistants, les constantes modifications du paysage ne lui facilitent pas la tâche, et elle est souvent obligée de se baser sur des cartes géographiques préparées par elle. L’étude et la thèse qui suivra pourraient comporter des recommandations pour une meilleure politique de prévention. Mais ce qui est sûr, selon l’auteur, c’est que ces problèmes ne sont pas faciles à résoudre puisqu’ils nécessitent une intervention sur deux niveaux : l’éducation populaire et la sensibilisation à l’application du code de la route d’une part, et l’aménagement cohérent de la ville d’autre part. Ce second aspect est évidemment bien plus difficile à aborder… Suzanne BAAKLINI
Avec 723 accidents de la route enregistrés dans la capitale libanaise en 1999, faisant 260 blessés et 78 morts, on peut sans nul doute considérer Beyrouth comme une ville dangereuse. Certes, les chiffres sont à eux seuls significatifs, mais une étude préparée par une jeune doctorante du département de géographie de la faculté des lettres et des sciences humaines de...