Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Encore et toujours, la question aiguë des camps

Homo homini lupus. L’homme est un loup pour l’homme. Et le surhomme islamiste pour le superman intégriste. C’est ainsi que les Athéniens s’atteignirent, et qu’Isbat el-Ansar se retrouve à couteaux tirés avec le Hamas. Dans cet antre suprême de l’extraterritorialité agitée qu’est le camp de Aïn el-Héloué. Une résurgence, une séquelle de l’affaire Abou Obeida. Au cours de laquelle l’on avait souligné, dans ces mêmes colonnes, que les îlots palestiniens posent depuis Taëf un double problème. D’abord leurs relations avec le pays hôte, et notamment avec l’État. Ensuite leur gestion intérieure, dans un quotidien marqué par de forts clivages autant que par la misère. Sans espoir d’oxygène, puisque les fameuses, autant que fumeuses et alambiquées, considérations régionales interdisent au Liban de prendre le contrôle des camps, comme la Jordanie ou la Syrie en ont le droit. Pour leur quiétude, comme au bénéfice des réfugiés eux-mêmes. Mieux sécurisés et mieux lotis socialement. La chape du tabou est si lourde, si compact le rideau de fer, que rien, ou presque, ne filtre à l’extérieur de ce qui se passe vraiment dans les venelles de Aïn el-Héloué. Certes, des renseignements parviennent à flots aux services intéressés. Mais les sources d’information, qui sont aussi parties prenantes sur le terrain, ne sont évidemment pas très fiables. Il n’en reste pas moins évident que le fractionnement perpétuel que connaissent les mouvements palestiniens, éternellement sujets à des dissidences internes, a produit un microcosme qui grouille de groupuscules. D’autant plus hostiles les uns aux autres qu’ils procèdent d’une même souche d’origine. C’est-à-dire que les avatars du Fateh, par exemple, engendrent de fortes rivalités entre l’organisation d’Abou Ammar, le Fateh-intifada, le Fateh Conseil révolutionnaire. Tandis que le FPLP, le FPLP-Commandement général, le FDLP s’entrelardent régulièrement. Tous ces débats d’idéologues s’accompagnent régulièrement, comme on sait, de véritables batailles rangées. Ou d’assassinats furtifs et réciproques. Dans le même esprit, la mouvance fondamentaliste se trouve actuellement en pleine crise de mues successives. Et ce sont paradoxalement les laïcisants, ces groupes progressistes que la pensée intégriste condamne comme déviants, qui tentent de calmer le jeu, de ramener à la raison les frères séculiers ennemis. Mais la marmite bouillonne d’autant plus qu’en filigrane des incidents actuels se profile une double lutte pour le pouvoir. Entre les islamistes qui montent en puissance, d’abord. Ensuite entre les partisans d’Arafat et la nébuleuse de ses opposants, qui va des organisations de gauche dont le centre de gravité se situe à Damas, aux radicaux de tout poil dont les leaders se trouvent dans les Territoires. Une vraie-fausse coalition, qui ne se coagule qu’autour d’une poignée de thèmes conjoncturels, comme la poursuite des attentats au nom de l’intifada. Sans jamais s’organiser ni même songer à des rencontres de coordination. De ce fait, comme grâce au vieux système de partage des fonds qui en font le grand argentier des camps, le mouvement arafatiste garde la tête hors de l’eau. Et domine, plus ou moins, l’ensemble hétéroclite des formations palestiniennes. Pour les (relativement) modérés, la tâche est cependant de plus en plus ardue. L’intifada puis l’indéniable phénomène Ben Laden ont favorisé l’expansion de groupements activistes plutôt brouillons. Ainsi d’ailleurs que, est-il besoin de le souligner, la criminalité ordinaire et le grand banditisme cosmopolite. C’est-à-dire que sous couvert de lutte de résistance, ou de soutien à une telle lutte, de nombreux gangsters, dealers ou racketters trouvent un refuge commode dans les camps et en font la plaque tournante de leur business. Comme le cas d’Abou Obeida l’a montré avec éclat. Évidemment, il arrive souvent que les motivations se confondent. Et que des opérations, des raids de rapine ou de vol, des chantages, des braquages soient organisés pour renflouer les caisses d’organisations activistes. C’est ce que l’enquête sur divers casses dans la région de Saïda ou de Tyr a révélé : les fonds de la sorte collectés étaient destinés à Abou Mahjane et aux groupes subversifs en partie démantelés à Denniyé par l’armée. Bref, l’amalgame est total, ou presque. Et l’anarchie est aux portes des camps, mais de l’intérieur. Aussi, selon des responsables palestiniens, un effort commun a été décidé récemment pour bouter hors des camps autant d’éléments troubles que possible. Mais cette convention tacite, tout le monde n’y souscrit pas. Et c’est pourquoi l’on a pu voir Isbat el-Ansar reprocher au Hamas, arme au poing, d’avoir livré des purs aux mécréants. C’est-à-dire d’avoir permis la livraison d’Abou Obeida lui-même ancien de Denniyé semble-t-il, aux autorités libanaises. Ou plutôt, dans l’esprit des fidèles d’Abou Mahjane, au grand satan américain. Car, est-il besoin de le rappeler, Isbat el-Ansar est classée sur la liste noire US comme un succédané de la Qaëda de Ben Laden. Dans les faits, les pondérés souhaiteraient aujourd’hui livrer encore d’autres anciens de Denniyé, des activistes redoutables réfugiés à Aïn el-Héloué. Les noms d’Ahmed Mikati et de Ghandi Sahmarani, connus pour être des cadres actifs, sont cités. Leur arrestation avait été sollicitée par des parties étrangères, qui avaient également parlé aux Syriens. En relevant que sans toucher au statut proprement politique, ou stratégique au choix, des camps palestiniens du Liban, on pouvait tout de même trouver des arrangements pour qu’ils cessent d’être des repaires, des antres. À loups. Philippe ABI-AKL
Homo homini lupus. L’homme est un loup pour l’homme. Et le surhomme islamiste pour le superman intégriste. C’est ainsi que les Athéniens s’atteignirent, et qu’Isbat el-Ansar se retrouve à couteaux tirés avec le Hamas. Dans cet antre suprême de l’extraterritorialité agitée qu’est le camp de Aïn el-Héloué. Une résurgence, une séquelle de l’affaire Abou Obeida....