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Actualités - OPINION

Dialogue - Rien n’est encore clair du côté du pouvoir local L’Est réagit prudemment aux propos du président Assad

Devant ses derniers visiteurs libanais (chefs de parti, députés et autres politiciens), le président Assad a développé des ouvertures certaines en direction des différentes composantes de l’arc-en-ciel libanais. À l’Est, c’est cependant avec pondération, sinon avec circonspection, que l’on accueille cet exposé. Qui suscite, soulignent les opposants, une kyrielle d’interrogations : en termes concrets, cela donnerait quoi ? Qui va assurer la matérialisation de ces orientations ? L’État libanais ? Les autorités syriennes ? Va-t-il y avoir un dialogue (ou plusieurs) interlibanais ? Le pouvoir s’en chargerait-il ? Faudrait-il un congrès national ? Passerait-on ensuite à des échanges libano-syriens ? Etc., etc. Bien entendu, ou plutôt sous-entendu, ce questionnement traduit une assez forte dose de scepticisme. De fait, ces pôles opposants soutiennent que le pouvoir local n’est pas en mesure de donner corps aux aspirations que reflètent les déclarations du chef de l’État syrien. S’il en était autrement, relèvent-ils, il y a belle lurette que les dirigeants du cru se seraient mis à l’œuvre. Ils ont leurs raisons propres pour s’y refuser. Mais il faut reconnaître également, soupirent ces sources, que les positions de base des divers camps en présence sur la scène locale sont pratiquement inconciliables. Aussi, on risquerait fort d’engager un dialogue de sourds, si l’on s’obstinait à courir après une impossible entente. Par contre, ajoutent ces personnalités qui n’y voient aucune contradiction, il est loisible à la Syrie elle-même de donner corps aux idées de son président. Elles en veulent pour preuve que la mission confiée naguère à l’ancien ministre Fouad Boutros l’avait été sur sollicitation syrienne. Le mentor conciliateur développait certes des contacts sur place et en informait scrupuleusement les trois présidents. Mais les appréhensions d’une fraction de Libanais, ainsi que nombre de problèmes majeurs, ne peuvent vraiment se traiter qu’à Damas. Comme les circonstances ne semblaient pas s’y prêter, M. Boutros a interrompu ses efforts. Cependant aujourd’hui, enchaînent les mêmes sources opposantes, on entend derechef le président syrien encourager l’édification au Liban d’un État du droit et des institutions. Ce qui, à leurs dires, reste de l’ordre du mirage. Car le personnel dirigeant local, actuel ou virtuel, ne compte que peu d’éléments animés du sens de l’État. Les autres, de loin plus nombreux, ne prennent en compte que des intérêts particuliers, communautaires ou politiques. De même, pour ce qui est du modérantisme prôné par le président Assad qui condamne l’extrémisme, il faut noter, poursuivent ces opposants, qu’il n’y a pas moyen de faire prévaloir la raison quand un minimum de justice, d’équité, d’égalité, n’est pas assuré. C’est la discrimination qui engendre le radicalisme et en favorise l’enracinement dans tous les milieux. Il est ainsi évident que c’est une longue marginalisation marquée par de lourdes privations qui avait permis l’émergence, çà ou là, de mouvements quasi fanatiques. Entrant dans les détails pour ce qui se rapporte à leur propre expérience, ces opposants de l’Est affirment qu’après Taëf, le premier geste discrétionnaire autant que discriminatoire avait consisté à nommer des députés, sur des bases d’intérêts claniques. Il y avait eu ensuite la loi électorale inégalitaire, déséquilibrée de 1992, qui avait provoqué un boycott dépassant les 83 % des électeurs inscrits. Le scrutin avait produit des députés si représentatifs que certains d’entre eux avaient recueilli d’énormes paquets de voix allant de 45 à 145. Un exploit digne du livre Guiness des records. Bien entendu, dès ce moment, l’Est avait été mis sur la touche, désactivé, sclérosé, tout en restant économiquement et financièrement pressé comme une poire. En 1996 puis en 2000, l’on avait resservi le même plat, en imposant toujours l’élection de députés dont bon nombre n’avait rien à voir avec la population. Des parachutés, pour ne pas dire des hommes de paille. Bref, pour ces opposants, s’il faut commencer quelque part pour corriger la trajectoire, c’est au niveau de la représentation populaire, donc de la loi électorale. Ils la souhaitent, juste, égale, équilibrée. Et ils pensent qu’on ne peut y arriver sans la Syrie. En rappelant que, de l’aveu du président Sélim Hoss en personne, c’est Damas qui avait concocté le dernier code électoral. Dans un sens, faut-il le rappeler, qui avait suscité le mécontentement des responsables eux-mêmes. Et très loin des préceptes de justice recommandés auparavant par Baabda. Ces opposants soulignent ensuite, et en vrac, que Taëf a été détourné ; que la participation n’y est pas ; que l’entente nationale reste un vœu pieux ; que toutes les milices n’ont pas été désarmées ; qu’il y a eu un train de naturalisations antiparitaire ; que la décentralisation est encore lettre morte ; que le partage des fonctions est inégal ; que rien n’a été fait pour abolir le confessionnalisme politique. Et que la Syrie n’encourage pas ici la laïcisation de la rue comme chez elle. Et de conclure en se redemandant qui doit prendre l’initiative en matière d’assainissement des relations bilatérales libano-syriennes. Émile KHOURY
Devant ses derniers visiteurs libanais (chefs de parti, députés et autres politiciens), le président Assad a développé des ouvertures certaines en direction des différentes composantes de l’arc-en-ciel libanais. À l’Est, c’est cependant avec pondération, sinon avec circonspection, que l’on accueille cet exposé. Qui suscite, soulignent les opposants, une kyrielle...