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Actualités - REPORTAGE

Femmes ...Jacqueline Massabki, « un p’tit bout de femme ! »(photo)

Son mètre cinquante et quelques centimètres n’a jamais empêché Jacqueline Massabki de se faire remarquer dans un monde où les « grands hommes » portaient la robe et les femmes restaient dans les coulisses ! Bien au contraire... Jacqueline Massabki est entrée sur la pointe des pieds dans ce monde très sérieux où les robes noires et les hommes, défenseurs des droits, impressionnaient la jeune étudiante en droit qu’elle était. « Je ne rêvais que d’une chose, faire ce métier. À 12 ans, j’avais vu un film avec Danièle Darrieux, elle y portait la robe. C’est peut-être ça, je ne sais pas ! » Le ton est donné, optimiste comme toujours ; et c’est toujours avec beaucoup d’énergie et d’humour que ce p’tit bout de femme se raconte, cinquante ans plus tard. Un anniversaire qui se célèbre, qui a été célébré, hommage organisé par trois avocates à Jacqueline qui fut, il faut le rappeler, la première femme élue au conseil de l’Ordre, il y a trente-cinq ans. Mais revenons à la jeune étudiante, fan de Danièle Darrieux, qui travaille, en même temps que ses études, comme « employée de municipalité », cautionnée par Riad el-Solh, dont la fille, Alia, était et demeure la grande amie de « Jacquot ». « C’était Byzance ! », précise-t-elle. Puis, fouillant dans ses petits bouts de papier où elle a pris soin de répertorier les détails importants qui résument son CV et sa vie, elle poursuit : « Après avoir obtenu ma licence, j’ai fait un stage chez Henri Jalkh et Roger Najjar. » Premier contact avec de « grands maîtres » qu’elle poursuivra en collaborant avec d’autres, aussi grands et aussi maîtres à penser, à écrire, qui tenteront de lui apprendre la discipline. « J’avais toujours des retards, ou je disparaissais sans prévenir ! » Ils réussiront à lui communiquer l’art et l’amour du métier. « J’ai beaucoup travaillé, jusqu’aux années de guerre ; j’ai tellement travaillé que j’ai oublié de m’occuper de moi-même. » Elle prendra toutefois soin de se présenter aux élections du conseil de l’Ordre des avocats en 1965. Première femme, p’tit bout de femme, à rivaliser avec ses confrères, tenter l’aventure et relever le défi. Sa stratégie de campagne est simple et spontanée, ses premières promesses, « changer les rideaux, acheter de nouvelles armoires, dépoussiérer ! » Et, plus sérieusement, donner enfin la parole à une femme, lui donner sa place et un rôle dans cette profession où elles étaient encore très rares à murmurer leurs revendications. « Si l’on est honnête, pas complètement bête et que l’on a un peu de chance, tout le monde peut réussir. » Maître Massabki reprend ses petits bouts de papier qu’elle fouille du bout de ses lunettes, ouvre des albums où des centaines de coupures de presse jaunies par le temps témoignent de sa surprenante démarche. On peut y lire, rédigés lors de son élection, des titres tels : « Révolution chez les gens de robe », « Il se pourrait que cette année soit mémorable dans les annales du conseil de l’Ordre des avocats », « Avec Jacqueline Massabki, la femme fait son entrée au conseil de l’Ordre » ou encore « Jacqueline au pays des hommes. » Jacqueline ne se contente pas de ce seul succès, elle se présente trois ans plus tard et remporte une deuxième fois cette victoire pas assez savourée. « J’étais toujours seule au pays des hommes. » Et de poursuivre : « Je n’ai plus voulu me présenter une troisième fois, il faut savoir laisser la place aux autres. » La mémoire de Jacquot « J’ai poursuivi ma carrière d’avocate, je la poursuis toujours, mais plus timidement, j’ai beaucoup voyagé, et puis j’ai écrit mon livre ; j’ai toujours voulu être écrivain ; d’ailleurs, j’ai longtemps fait du journalisme dans ma jeunesse. » Pour se motiver durant ses longues journées où, confinée dans les abris, il ne lui reste plus que sa mémoire, elle « pense » son livre. La mémoire des cèdres sera écrit à quatre mains, avec la collaboration de François Porel, un ami journaliste et scénariste qui saura « tricoter tout le matériel qu’il a eu entre ses mains ». Il faudra dix ans pour mettre sur papier cette histoire de femmes, d’amour, de conflits, de terre, « dans ce pays de l’autre côté de la mer qu ’on appelle le Liban. » Le roman, sorti le 10 octobre 1989 chez Laffont, va glaner de nombreuses récompenses, le prix des Maisons de la presse, le prix du journal La Vie et enfin le prix RTL Grand public. Un livre en cours cherche encore ses mots, empruntant la mémoire de sa mère, après celle des Cèdres. Avec cette énergie intacte, Jacqueline Massabki, p’tit bout de femme avec quelques rides et souvenirs en plus, s’occupe enfin d’elle-même, satisfaite d’une carrière et d’une vie qu’elle résume en quelques mots : « C’était très agréable ! » Carla HENOUD
Son mètre cinquante et quelques centimètres n’a jamais empêché Jacqueline Massabki de se faire remarquer dans un monde où les « grands hommes » portaient la robe et les femmes restaient dans les coulisses ! Bien au contraire... Jacqueline Massabki est entrée sur la pointe des pieds dans ce monde très sérieux où les robes noires et les hommes, défenseurs des droits,...