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Actualités - CHRONOLOGIE

Vie universitaire - Cérémonie de remise des diplômes des facultés de sciences sociales de l’USJ Boutros : L’abolition du confessionnalisme serait plus destructrice que le mal lui-même

L’ancien ministre Fouad Boutros a souligné hier soir qu’une éventuelle abolition, pure et simple, du confessionnalisme politique serait « un remède plus destructeur encore que le mal » lui-même. Affirmant qu’en dépit des problèmes et des difficultés actuels, « les perspectives d’avenir ne sont pas bouchées », M. Boutros a déclaré que l’abolition du confessionnalisme politique « éliminerait le seul antidote à la marginalisation et à l’exclusion des minorités confessionnelles et viderait leur citoyenneté de tout contenu ». M. Boutros a tenu ces propos dans un discours prononcé au cours de la cérémonie organisée par l’Université Saint-Joseph, au centre Biel, dans le centre-ville, à l’occasion de la remise des diplômes de la faculté de droit et des sciences politiques (116 diplômés), de la faculté de sciences économiques (119 diplômés), de la faculté de gestion et de management (269) et de l’Institut supérieur des sciences de l’assurance de l’USJ (80). Prenant la parole au début de la cérémonie, le recteur de l’USJ, le père Selim Abou, a déclaré, en s’adressant aux nouveaux diplômés : « Vous abordez la vie active à un moment où, au Liban, la vie économique est bloquée et la vie politique aliénée. » « Vous savez qu’à maints égards, c’est l’aliénation politique qui est le facteur principal de l’étranglement économique », a souligné le père Abou qui a ajouté sur ce plan : « La situation actuelle n’est pas éternelle et c’est aujourd’hui à votre génération de rétablir l’indépendance et la souveraineté du Liban pour lesquelles vos prédécesseurs ont tant lutté, parfois au prix de leur vie. » Et le père Abou d’ajouter : « S’il est vrai que la démocratie est le moins mauvais des régimes politiques, il faut sans cesse combattre ses principes de corruption (...). Le premier consiste à céder à la fascination de la communication (...). Le second consiste à céder à la fascination de la pensée unique que l’État de tutelle et ses puissants agents libanais tentent d’instiller dans nos esprits sous prétexte de nous procurer le confort d’une vie sans risque et sans inquiétude, sans responsabilité et sans conflit. » Le père Abou a conclu par une citation de Raymond Aron : « Nous préférons le désordre et le tumulte des sociétés libres au calme apparent des régimes où les détenteurs du pouvoir suprême prétendent détenir la vérité et imposent à leurs sujets-citoyens une discipline de pensée et de parole en même temps que d’action. Nous choisissons les sociétés où l’opposition passe pour un service public et non un crime. » Prenant à son tour la parole, M. Boutros a déclaré notamment : « À l’échelle de la planète, la mondialisation hante les esprits. Face à des antagonismes politiques, raciaux, religieux et économiques exacerbés, à une intensification des échanges et des communications qui modifie le caractère des relations internationales, la nation – dans son acception classique – semble devenue trop petite pour les problèmes à l’échelle mondiale et trop grande pour les petits problèmes (...). « Les retombées de la mondialisation dans les domaines politique, socioéconomique et culturel ainsi que sur la politique d’immigration font l’objet de polémiques passionnées, d’autant plus qu’elle représente, aux yeux de la plupart des pays du tiers-monde, un facteur d’appauvrissement et de perte d’identité et qu’elle contribue à renforcer la mainmise de l’hyperpuissance américaine (...). « Il n’en reste pas moins, cependant, que ce mouvement de l’histoire me paraît irréversible et qu’il convient pour un pays comme le nôtre de ne pas l’ignorer et d’y faire face avec réalisme, pour ne pas être marginalisé et de veiller en revanche à sauvegarder l’essentiel de son identité et de ses valeurs morales, en même temps que de bénéficier des avantages qu’il peut entraîner. « D’autre part, suite à l’avancée foudroyante de la science et de la technologie dans le domaine génétique et biotechnique, on a tenté de mettre en cause le principe d’humanité et la nature de l’homme au point de voir en celui-ci un robot. Une telle entreprise tend à détruire les valeurs morales et humaines qui sont à la base de notre culture, de notre civilisation et de nos croyances... » L’absence de l’État Et M. Boutros d’ajouter : « La crise du Moyen-Orient traverse une période de tension politique et militaire qui en complique la solution et assombrit l’horizon. D’un côté, le caractère impérialiste et agressif de la politique israélienne, son occupation des territoires palestiniens et arabes, l’appui qu’y apportent les États-Unis, l’impuissance des Organisations internationales, les hésitations et faiblesses de l’Union européenne. De l’autre, le défaut d’harmonie réelle entre la politique et les objectifs des États arabes, malgré les professions de foi en sens contraire de telle sorte que, dans cette confusion, la solidarité totale du Liban avec la Syrie pour tout ce qui touche à la paix et au processus des négociations fait figure d’exception. « S’il est normal que cette crise affecte la stabilité tant politique qu’économique et sécuritaire du Liban, il y a eu lieu de relever que les opinions divergent entre Libanais quant à la nature et à l’imminence des risques que court notre pays auquel il est plus ou moins directement fait grief de sa solidarité avec la Syrie et de l’activité de la Résistance à partir de son territoire. Si une évaluation lucide et équilibrée de ces risques ne débouche ni sur le catastrophisme ni sur une quiétude parfaite, il convient néanmoins que les citoyens et l’opinion se gardent contre deux genres de dérives antinomiques dont le pays ne peut que pâtir. « D’une part, s’emballer jusqu’à faire feu de tout bois contre la Syrie, sans tenir compte des circonstances régionales exactes et de la nécessité d’éviter toute interférence avec son rôle dans la crise du Moyen-Orient, c’est risquer de prêter le flanc à l’équivoque et au soupçon de connivence plus ou moins directe avec l’ennemi. D’autre part, en sens inverse, prendre prétexte de la crise du Moyen-Orient pour faire barrage à toute réclamation ou critique libanaise contre les abus et les empiètements de la Syrie au Liban, quelque justifiée qu’elle soit, équivaut à bâillonner toute opposition ou liberté d’opinion. « Devant un tel dilemme, l’absence de l’État, l’absence de programme politique dans le sens propre du terme, se fait lourdement sentir. « D’où la soif qu’éprouve l’opinion de l’émergence d’un État de droit, à tel point qu’elle en arrive à fantasmer sur un tel État qu’elle considère d’office, comme une panacée à tous nos maux et, cela, au mépris de toute nuance... » Une crise nationale « En tout état de cause, a ajouté M. Boutros, il est impératif de gouverner, c’est-à-dire faire de la politique. Cela signifie, en démocratie, être souverain dans le respect de la séparation des pouvoirs et avoir un programme. Cela signifie en gros effectuer des options, modifier ou rétablir des équilibres, atteindre des objectifs nationaux, gérer la cité dans le respect de la règle de droit et des garanties aux citoyens, combattre la criminalité et la corruption, tenir compte de l’opinion et lui rendre compte. « Il est évident que ces thèmes qui impliquent l’indépendance, la souveraineté, la liberté, le consensus, la transparence et la justice relèvent aujourd’hui, hélas, soit du vœu pieux, soit de la pétition de principe. « La multiplication des dérives des autorités et de maintes forces 0politiques est de nature à déboussoler les esprits. Prises une à une, ces dérives ne constituent, malgré leur importance, que les épiphénomènes d’un mal profond qui vise le Liban dans son essence. « Ce qu’on qualifie à tort de crise politique est en fait une véritable crise nationale. C’est pourquoi un changement d’équipe, en soi, est un coup d’épée dans l’eau. Ce qu’on est convenu d’appeler les constantes nationales sont bafouées de tous côtés, y compris par l’État et le Tuteur, au mépris des dispositions de l’accord de Taëf et de leur esprit. « À cela il n’y a qu’un remède : un véritable consensus interconfessionnel, pierre angulaire de l’unité nationale et condition d’un dialogue indispensable avec l’État d’abord, sur l’ensemble du contentieux, puis de l’État avec la Syrie, sur les relations privilégiées et le contentieux qui en découle. « C’est à cette seule condition que les relations avec la Syrie peuvent être redressées de manière à revêtir un caractère exclusivement stratégique ; ce qui, les mettant à l’abri des interférences, des pressions et combines issues de la politique interne, garantirait une atmosphère de respect réciproque dans la dignité. « À ce stade, je voudrais signaler que la solution prônée par certains à la crise, par le biais de l’abrogation du confessionnalisme politique, n’en est pas une. S’il est certain que le dévoiement dans la pratique de cette institution est l’une des causes du dysfonctionnement du système, il n’en est ni la seule ni la principale. « D’autre part, il convient de rappeler que cette institution puise ses racines dans l’état des mentalités et des mœurs concrétisé par la nature des relations entre la religion des citoyens et l’exercice de leurs droits dans la cité. Ce n’est donc pas par la voie d’un traitement de choc que l’on peut y remédier. « Au contraire, si l’on n’est pas en mesure d’agir au préalable sur les mœurs, à travers des pratiques et des moyens adéquats touchant plus d’un domaine, à commencer par le statut personnel, l’abrogation pure et simple du confessionnalisme politique est un remède plus destructeur encore que le mal, en ce qu’il éliminerait le seul antidote à la marginalisation et à l’exclusion des minorités confessionnelles et viderait leur citoyenneté de tout contenu. Le traitement de cette question exige sagesse et pondération et la précipitation nous ferait tomber de Charybde en Scylla ». Les perspectives d’avenir Et M. Boutros de conclure : « Pour terminer, je crois qu’en dépit des problèmes et des difficultés susvisées, les perspectives d’avenir ne sont pas bouchées. « L’esprit libéral et volontariste, le dynamisme et le courage dont les Libanais n’ont cessé de donner des gages sont encourageants. Il est temps de se regarder en face, de ne pas louvoyer et d’aborder avec calme et maturité les sujets les plus brûlants, dont la plupart, aujourd’hui en suspens, sont soit l’objet d’un malentendu, soit d’un fait accompli, soit d’une ignorance préméditée ... »
L’ancien ministre Fouad Boutros a souligné hier soir qu’une éventuelle abolition, pure et simple, du confessionnalisme politique serait « un remède plus destructeur encore que le mal » lui-même. Affirmant qu’en dépit des problèmes et des difficultés actuels, « les perspectives d’avenir ne sont pas bouchées », M. Boutros a déclaré que l’abolition du...