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Actualités - CHRONOLOGIE

CELLULAIRE - Le Conseil supérieur pour la privatisation met en vente les deux réseaux GSM La (très) mauvaise surprise que risquent les Libanais, au matin du 1er septembre

Les cellulaires des Libanais vont-ils continuer à fonctionner au 1er septembre 2002 ? « À moins que l’État ne fasse un miracle, il est très possible que les téléphones mobiles cessent après le 31 août (la date butoir à laquelle Cellis et LibanCell ne pourront plus gérer le réseau). » Dixit une source parlementaire, spécialiste dans le domaine. Revenir en arrière pour pouvoir comprendre. Milieu des années 90. Lorsque, sous le mandat d’Élias Hraoui, le gouvernement Hariri a signé, par le truchement du (très haririen) ministre des Télécommunications de l’époque, Mohammed Ghaziri, les accords avec FTML-Cellis et LibanCell. L’État pensait en ce temps-là, tout comme les deux sociétés en question, qu’il n’y aurait que 100 000 lignes à gérer. Or il s’est vite avéré que le marché a largement atteint, voire dépassé, les 800 à 900 000 lignes. « Ce sont des gains illégitimes », s’est étouffé l’État. Après s’être rendu compte, au fil des ans, de la profondeur du puits de pétrole et des largesses de la poule aux œufs d’or. L’État a voulu rompre les contrats. Exproprier les deux entreprises, renflouer, substantiellement, son Trésor. Ce qui, en soi, est évidemment loin d’être une mauvaise chose. « Sauf que ce sont des gains inattendus. » Et qu’il aurait pu le faire tout en évitant de léser gravement les consommateurs, en évitant les litiges honteux avec la France, et en permettant aux deux compagnies de continuer à enregistrer leurs bénéfices. « C’est-à-dire que l’État aurait pu augmenter la taxe imposée sur chaque communication (elle est aujourd’hui de 6 cents). Il aurait pu trouver un accord avec les deux sociétés qui satisfasse les deux parties, plus le consommateur, et ne pas en arriver à cette crise. » La source précitée va plus loin. « L’État aurait pu rompre le contrat. Mais à condition que l’ensemble des responsables soit d’accord sur tout. Or ils s’opposent sur tout. » Faisant par là allusion au conflit patent entre le chef du gouvernement et son ministre des Télécommunications. Lequel ministre est inconditionnellement soutenu par l’autre pôle de l’Exécutif : le chef de l’État. D’où la très vive polémique (une fois de plus), hier en Conseil des ministres. Que d’aucuns résumeraient par le conflit entre la survie (et les bénéfices) des deux sociétés d’une part, et les intérêts de l’État de l’autre. Sauf qu’à en croire Ghazi Aridi, tout le monde est d’accord sur le fait que « l’argent de l’État doit revenir à l’État ». Et maintenant ? La source précitée estime qu’il est désormais « trop tard pour une adjudication ». Rapportant que le ministre des Télécommunications a envoyé « hier matin un cahier des charges de deux cents pages qui n’ont pas été remplies. Dans tous les cas, d’ici à ce qu’il soit mis sur pied, que l’offre soit envoyée à la presse étrangère, que les sociétés qui seraient intéressées étudient le dossier, etc., il est impossible qu’une société accepte de gérer le réseau pour le compte de l’État. Quant à la seconde option, celle qui permettra, par le biais des enchères internationales, à deux sociétés de prendre la place de Cellis et de LibanCell, son cahier des charges n’a même pas été préparé », ajoute notre interlocuteur. Résultat des courses : si, comme cela semble être le cas, au 31 août, l’État n’a ni vendu ni chargé une société d’exploiter, pour son propre compte, le réseau, ce sera l’hallali. D’autant plus qu’il serait tout à fait illégal de signer un contrat avec une société donnée (qui exploiterait pour le compte de l’État) « de gré à gré ». Reste l’autre option : que l’État prenne en charge le réseau. Une fois que les deux sociétés lui auraient remis tout leur matériel, au 1er septembre 2002. Mais comment garantir que Cellis (par exemple), qui considère que l’État « a été de très mauvaise foi » avec lui, ne réagisse pas œil pour œil et dent pour dent ? Qu’elle ne livre à l’État que les équipements, et pas les (plus qu’) indispensables logiciels ? « Des logiciels incroyables sans lesquels aucun accès au réseau ne peut avoir lieu. » Tout cela sans parler des salariés de chaque société (en fait : les cerveaux – ceux grâce auxquels le consommateur peut profiter des services les plus actuels de la téléphonie mobile), laquelle pourra les indemniser ou les réembaucher ailleurs. Donc, au problème légal (le contrat de gré à gré), s’ajoute le problème technique. Tout aussi grave, sinon plus. Quelles solutions, alors ? La source parlementaire est sereine. « Il n’y en a qu’une : que l’État signe un nouvel accord avec les deux compagnies. » Que les deux sociétés continuent leur travail. Jusqu’à ce que l’État soit prêt, soit à vendre les deux sociétés, soit à confier l’exploitation du réseau pour son propre compte. « Qu’on prolonge la durée de leur contrat. » L’intérêt, pour Cellis par exemple, est évident aux yeux de la source précitée. « Pourquoi cette société va-t-elle se priver d’un, deux, quatre ou six mois de bénéfices ? » Et à cette question-là, la réponse semble être toute trouvée. Cellis, justement. Une source autorisée à FTML, interrogée par L’Orient-Le Jour, répond clairement, et sans ambages, à la proposition qui a transpiré hier des milieux officiels du côté de Baabda (c’est-à-dire que dans le cas où l’adjudication et les enchères échoueraient, c’est Cellis et LibanCell qui pourraient gérer ce réseau pour le compte de l’État). La réponse est la suivante : que la balle est désormais dans le camp de l’État. « On ne s’entend pas sur un contrat, on ne le signe pas, par la presse interposée. Nous n’avons reçu aucune condition, aucune proposition, on ne peut pas juger et se décider sur ce dont ont parlé les médias. Il faut que l’État nous dise clairement ce qu’il veut. » Chez Cellis, on attendait donc hier, en fin d’après-midi, de voir ce que donnerait le Conseil des ministres. Et, en toile de fond, logiquement donc, ces quatre mots très souvent répétés : « Nous ne savons pas. » Si les citoyens ont toujours un cellulaire qui fonctionne. Ce qui adviendra au cas (le plus probable jusqu’à ce jour) où FTML s’en va, au soir du 31 août. En remettant à l’État les équipements, le réseau, la liste des employés, celle des fournisseurs, etc. On ne sait rien, chez FTML, de ce qui se passera pour les salariés. Chez FTML, on attend. Pour sa part, Jean-Louis Cardahi a indiqué que son ministère « avait terminé tout ce qu’il avait à faire », et que tout est désormais dans les mains du secrétariat général du Conseil supérieur pour la privatisation (CSP). Quant à Ghazi Youssef, le secrétaire général du CSP, il a évoqué la réunion qui se tiendra la semaine prochaine, et à laquelle sera conviée l’équipe qui a travaillé avec le ministre des Télécoms (conseillers, avocats, etc. – dont ceux de la HSBC). Ajoutant enfin que le CSP a mis en vente les deux réseaux GSM, en appelant les investisseurs intéressés à se faire connaître. Le texte de l’annonce, qui doit paraître aujourd’hui dans la presse, a été distribué par le bureau de Rafic Hariri. Les investisseurs ont jusqu’au 9 août pour se déclarer, en leur qualité individuelle ou en tant que consortium. Le détail des transactions proposées sera soumis aux candidats qui répondent aux critères de préqualification, qui seront rendus publics ultérieurement. Un appel tout ce qu’il y a de plus officiel. Mais en fait bien naïf et bien pieux, puisque la loi autorisant le gouvernement à lancer ces appels d’offres internationaux a été adoptée depuis le 30 mai dernier, et qu’une majorité de parlementaires l’avaient qualifiée de « bâtarde et d’illogique ». Des parlementaires qui auront (tout se tient en fin de compte…) à « éclaircir » l’article 3 de cette loi. Sur demande du Conseil des ministres (voir par ailleurs). Finalement, ce sont malheureusement les prévisions de tous les Cassandres (bien inspirées au moment du vote de la loi) qui ont l’air de devoir se réaliser dans un peu plus d’un mois. Des prévisions de très mauvais augure, que les Libanais auraient eu envie d’ignorer, sauf qu’ils ont su pertinemment, à la lecture de la loi concoctée puis votée pour faire plaisir au binôme de l’Exécutif, que tout cela risquait fort bien de se terminer, comme d’habitude, à leurs dépens. Surtout, parce que l’État va aussi pâtir de tout cela. En imaginant que le secteur de la téléphonie échoit dans l’escarcelle de l’État, les Libanais auront tous les droits de penser que ce secteur-là finira bien vite par ressembler à tous ceux gérés par les autorités publiques. Que l’un ou l’autre des responsables, à quelque niveau que ce soit, voudra bien vite y faire embaucher l’un de ses proches. Mille fois moins qualifié que ceux qui y sont actuellement. Que ce secteur considéré comme une indispensable source de revenus pour les finances publiques d’un pays aussi surendetté que le Liban ne devienne pas, lui aussi, une tour de Babel inefficace et corrompue. Parce que lorsqu’il y a partage d’un gâteau, les dirigeants libanais oublient, miraculeusement, de batailler et de se disputer comme de vieux chiffonniers. Ziyad MAKHOUL
Les cellulaires des Libanais vont-ils continuer à fonctionner au 1er septembre 2002 ? « À moins que l’État ne fasse un miracle, il est très possible que les téléphones mobiles cessent après le 31 août (la date butoir à laquelle Cellis et LibanCell ne pourront plus gérer le réseau). » Dixit une source parlementaire, spécialiste dans le domaine. Revenir en arrière pour...