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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - L’ancien chef du parti Kataëb ne désespère pas d’une éventuelle réconciliation E. Karamé : « La radiation de Gemayel, une erreur politique monumentale »

Élie Karamé croit dur comme fer en la réconciliation au sein du parti Kataëb. Ou, du moins, s’est-il obstiné à y croire, avant que les événements ne viennent, une fois de plus, saper cette foi, à travers la radiation, mercredi, de l’ancien président de la République, Amine Gemayel, par le bureau politique du parti. Cette volonté de réunifier les Kataëb sur des bases nationales, de « renouer avec le rôle historique du parti », l’ancien chef des Kataëb l’avait exprimée à L’Orient-Le Jour, qui l’a rencontré avant que les sanctions ne soient prises à l’encontre d’Amine Gemayel. Lorsque la radiation n’était encore qu’une rumeur. Interrogé sur l’éventualité d’une telle décision, M. Karamé avait appelé la direction à ne pas commettre une « erreur politique monumentale » et « à éviter de porter un coup fatal » au parti, estimant qu’elle démontrerait que la direction du parti est vraiment « l’objet des manipulations des Services ». L’objet d’une telle décision serait, avait-il dit, de « vider les Kataëb de leur substance », en poursuivant un « processus d’amputation des opposants ». M. Karamé avait lui-même été le premier opposant à être radié du parti en 1994 par Georges Saadé, à l’époque chef du parti. L’avocat Antoine Moarbes, aujourd’hui membre de l’opposition Kataëb, avait de son côté écopé d’une lettre de remontrances. D’autres aussi avaient été touchés par le « processus d’épuration » : Chaker Aoun, Antoine Jazzar... À l’annonce de la radiation d’Amine Gemayel, M. Karamé a vivement condamné la décision, estimant qu’elle vise à empêcher la « résurrection du parti ». « La direction de Saïfi avait le devoir d’œuvrer dans ce sens, elle vient de faire exactement le contraire », sur instigation des « inspirateurs de l’ombre que tout le monde connaît (...) et qui essayent de détruire les partis et organisations qui militent pour le Liban indépendant et souverain en provoquant les dissensions et en stimulant les divisions ». Et d’estimer qu’« on ne peut dissocier le président camarade Gemayel de l’histoire du parti ». « De toute façon, une telle décision renforcera Amine Gemayel, comme par le passé Georges Saadé m’avait rendu service en me radiant. Il s’agit également d’une mesure qui augmentera l’impopularité du bureau politique », a-t-il ajouté. La réconciliation au point mort ? Dans l’optique d’Élie Karamé, la radiation du président Gemayel ne change rien. Dans le sens où il s’agit d’abord d’une mesure illégitime et illégale. L’opposition Kataëb a intenté un procès en 1994 qui frappe d’illégalité et d’illégitimité toutes les décisions et les directions du parti depuis 1987, date à laquelle, dit M. Karamé, la direction a dévié de ses principes et s’est mise sous la coupe de Samir Geagea, avant de tomber, en 1992, dans l’orbite des forces de facto – de la Syrie. « Nous étions en conflit avec Geagea parce qu’il voulait créer un État chrétien à Beyrouth-Est. Nous pensions que c’était un projet suicidaire, qui aurait pu prolonger indéfiniment la guerre. Nous voulions au contraire que le Liban reste un État unitaire, consensuel. Mais la direction du parti a marché avec Samir Geagea, avant d’accepter Taëf et la maimmise syrienne sur le Liban », souligne-t-il. Au plan légal, un dossier élaboré par M. Antoine Moarbes conteste toutes les élections internes depuis 1989, notamment au niveau de la nomination des membres du corps électoral et de loi électorale inique. Selon Élie Karamé, la « rupture » est le maître mot entre loyalistes et opposants, depuis les dernières élections au sein du parti. Des négociations étaient en cours avant l’arrivée au pouvoir de Karim Pakradouni sur base d’un document, en vue d’une réconciliation et d’une réunification autour d’une politique nationale, des statuts du parti et d’un accord consensuel autour de la nouvelle direction. « Mais la victoire de Pakradouni a tout changé. La nouvelle direction ne représente pas grand-chose au niveau de la masse Kataëb et de l’opinion publique chrétienne », contrairement à ce que ne cesse d’affirmer le locataire de Saïfi, qui cherche à jouer actuellement un rôle de médiateur entre le patriarche maronite et la présidence de la République. M. Karamé reproche à la direction du parti de « s’aliéner les masses, de vider la structure de son essence. Le parti n’est pas celui du président de la République. Il appartient au Liban. Dans ce sens, il peut appuyer le chef de l’État en fonction des objectifs et des circonstances », dit-il. La direction de Saïfi considère qu’il est nécessaire de faire front commun avec la Syrie au vu des circonstances régionales. Qu’en pense l’ancien leader du parti ? « Ceci ne doit pas signifier qu’on doit être docile en toute chose aux desiderata syriens. Peut-être pouvons-nous aider la Syrie par d’autres moyens. » Si M. Karamé parle d’instrumentalisation, c’est parce qu’il est persuadé que les Services ont tout fait pour saboter la réconciliation qui allait bon train au sein du parti. « Peut-être ont-ils eu peur d’Amine Gemayel », confie-t-il. Concernant l’éventualité d’un front commun entre différentes figures Kataëb, Élie Karamé rappelle qu’il « est solidaire d’Amine Gemayel, très proche de lui au plan politique et national », mais qu’il « garde toutefois sa liberté de décision dans l’attente de la réunification du parti ». Les Kataëb, un « monopole gemayelien » ? Élie Karamé réfute le point de vue actuel de la direction selon lequel les Gemayel ont toujours eu le monopole du parti. Il réfute aussi d’autres « falsifications de l’histoire » , commises par la direction dans son règlement de compte avec le président Gemayel. Il rappelle par exemple, au titre de vérité historique, qu’en 1978, M. Pakradouni a été impliqué dans la tentative de radier Béchir Gemayel du parti. Il nie aussi avoir été « nommé » chef du parti par cheikh Pierre Gemayel, en 1984, comme le prétend Pakradouni. « J’ai été recommandé par cheikh Pierre, mais il y a eu des élections au sein du bureau politique », souligne-t-il. Au sujet de l’affaire de la radiation des membres Louis Aboucharaf et Edmond Rizk, Karamé rappelle que « la grande majorité du bureau politique était pour la radiation des deux » alors que lui-même et le président Amine Gemayel « auraient préféré une autre solution, plus consensuelle ». Mais, en même temps, il fallait maintenir une certaine discipline au sein du parti, ajoute-t-il. « Georges Saadé en particulier était pour la radiation des deux, pour des raisons politiciennes », dit-il. Karamé rejette aussi l’affirmation de Pakradouni, selon laquelle, durant son mandat de chef du parti, il a « complètement été docile aux injonctions » du président de la République, Amine Gemayel. « C’est faux. Sur le plan national, j’ai appuyé le président Gemayel. Au niveau du parti, la décision ne lui appartenait pas. Exemple concret : lorsqu’Amine Gemayel a voulu que je nomme Élie Hobeika chef de la milice du parti Kataëb, j’ai refusé. Et l’histoire m’a donné raison puisqu’il y a eu d’abord l’intifada Geagea-Hobeika-Pakradouni contre Gemayel, qui a sapé l’unité des chrétiens et qui constitue le début de la fin du parti Kataëb, puis l’accord tripartite juste après entre Hobeika et les Syriens. » Et il évoque également l’alliance de 1986 entre Geagea et Gemayel via Georges Saadé pour l’évincer lui-même du parti... Ce qu’il appelle « l’erreur stratégique » du président Gemayel au niveau du parti. Même s’il insiste sur la nécessité de rétablir la vérité historique, Élie Karamé ne veut pas jeter de l’huile sur le feu. Sa politique reste celle de la main tendue. Pour le dialogue. Et, surtout, pour un front commun avec tous les opposants, dans le respect des spécificités de chacun et dans l’intérêt suprême du parti Kataëb. Sans pour autant créer une nouvelle structure. Sur ce plan, Élie Karamé est clair : l’objectif, le seul, reste malgré tout la réconciliation. Michel HAJJI GEORGIOU
Élie Karamé croit dur comme fer en la réconciliation au sein du parti Kataëb. Ou, du moins, s’est-il obstiné à y croire, avant que les événements ne viennent, une fois de plus, saper cette foi, à travers la radiation, mercredi, de l’ancien président de la République, Amine Gemayel, par le bureau politique du parti. Cette volonté de réunifier les Kataëb sur des bases...