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Actualités - CHRONOLOGIE

Architecture - Une nouvelle tendance : combler les cinq sens Les villes à force de grandir ont perdu leur identité

Construire un habitat individuel ou collectif rime désormais avec le confort des sens de l’utilisateur de ces espaces, notamment son ouïe, d’où une nouvelle tendance à humaniser les édifices. « Les nouvelles sensibilités et exigences dans les projets contemporains » ont été longuement développées par M. Alberto Maria Prina, designer, et Mme Simone Kosremelli, architecte, au cours d’une conférence organisée par l’Institut italien de commerce extérieur (Ice) à Biel. La conférence s’inscrit dans le cadre du « Festival italiano » qui se poursuivra jusqu’au 4 juin. La perception de l’espace, de l’ouïe, de l’odorat, de la lumière, de la couleur et de la musique sont, selon M. Prina, les nouvelles exigences dont doit tenir compte le « concepteur moderne » dans l’exercice de sa profession, d’où la nécessité d’étendre « le concept de design à certains secteurs qui, d’habitude, n’étaient pas pris en considération dans ce contexte ». « Le décor auquel doit se référer le concepteur est celui des aires métropolitaines, l’habitat avec les différentes ethnies qui s’y pressent ; le travail avec la masse d’objets et d’informations qu’on y produit », poursuit M. Prina qui cite, dans ce contexte, l’architecte et le théoricien Ernesto Rogers. Considérant inutiles les limites de l’action du designer, Rogers avait déclaré, il y a plus d’un demi-siècle, que le champ d’action du concepteur s’étend « de la cuillère à la ville ». « À l’instar des sociétés qui les créent et les habitent, les villes sont un organisme vivant qui se développent au fil des années, tout en gardant leurs racines à travers le temps et l’histoire », souligne M. Prina. « Aujourd’hui, elles sont devenues trop grandes, sujettes à de véritables migrations et affligées par des constructions spéculatives insensées », déplore-t-il. « Elles s’agrandissent à en perdre leur identité et leur nom. Ce ne sont plus des villes, mais des aires métropolitaines anonymes, de plus en plus semblables dans les quatre coins du monde. » Le problème qui se pose à ce niveau est, d’après M. Prina, de trouver de nouvelles identités et de nouveaux lieux dans lesquels tout un chacun pourra se reconnaître. « Une vision globale projetée dans le futurible et soustraite au tragique des exigences immédiates devient de plus en plus nécessaire », note-t-il. « Il faudrait redécouvrir la valeur de l’utopie, non pour imaginer des villes idylliques en dehors du temps et de l’espace, mais pour pouvoir avancer des hypothèses de développement susceptibles d’influencer le projeteur contemporain ». Le défi serait donc celui de définir les bases sur lesquelles seront construites les nouvelles villes et animer, autant que possible, ce qui existe. M. Prina considère, par ailleurs, que le tourisme représente une grande conquête sociale à laquelle « personne n’est disposé à renoncer ». « Ce secteur a toutefois porté atteinte à des écosystèmes naturels en recréant souvent cette quotidienneté et ce chaos auxquels on entendait échapper à travers le voyage », reproche-t-il. « L’idée d’un tourisme intelligent commence donc à faire son chemin. Il sera basé sur la conservation des valeurs sociales et sur la reproductibilité des ressources naturelles », conclut-il. Se basant sur une expérience de plus de vingt ans dans le domaine de l’architecture, Mme Kosremelli a, pour sa part, insisté sur les différentes étapes du processus de design, rappelant que les bonnes décisions architecturales découlent directement de la bonne satisfaction des cinq sens. Le travail commence par une visite du site afin « d’étudier l’accessibilité au site et de déterminer les meilleures orientations », indique-t-elle. Ces dernières sont choisies suivant la position du soleil pour avoir une meilleure luminosité et celle du site pour définir la vue la plus intéressante qui ne sera pas obstruée avec le temps. Dans une deuxième étape, l’architecte trace les grandes lignes de son programme de travail conjointement avec les futurs utilisateurs de l’habitat. La réunion commence par l’énumération des différentes fonctions de la maison et du nombre de pièces désiré pour chacune d’entre elles. Alors que tous les membres de la famille sont d’accord sur les détails cités auparavant, Mme Kosremelli explique que « soudainement chacun d’entre eux se positionne par rapport aux autres ». En effet, chacun exige avoir un espace qui soit isolé du bruit provoqué par les autres. Ces récriminations reflètent donc, selon l’architecte, le besoin inconscient des utilisateurs de gérer le problème du bruit interne inhérent à son habitat. « Inconsciemment, il est demandé à l’architecte de créer un habitat propice au sens de l’ouïe des différents usagers », note-t-elle. Arrivé à la troisième phase, celle de la conception de l’habitat, l’architecte doit s’efforcer de satisfaire les sens de l’utilisateur. Ainsi, pour combler la vue, les espaces nobles de la maison seront dirigés vers la vue du paysage environnant la plus adéquate et les espaces diurnes et nocturnes déterminés selon la luminosité. L’architecture aura également à gérer la vue, en trouvant le bon équilibre entre « voir et être vu ». En ce qui concerne l’odorat, Mme Kosremelli explique qu’il s’agit à ce niveau de déterminer la position optimale de la cuisine par rapport aux autres pièces de la maison. Pour satisfaire l’ouïe, en minimisant la propagation du bruit, les pièces les plus bruyantes de la maison doivent être positionnées en fin de parcours par rapport au vent. L’architecte choisira également des matériaux pour les murs internes et externes susceptibles d’isoler autant que possible le bruit. « Le sens du toucher se manifeste par le confort corporel vis-à-vis du chaud et du froid », explique Mme Kosremelli qui ajoute que l’architecte doit positionner les espaces de façon à ce qu’ils soient ensoleillés en hiver et ombragés en été. Et de conclure qu’il est inévitable que les quatre sens soient comblés pour mieux satisfaire le cinquième sens, soit le goût. La réunion a été clôturée par une intervention de l’ambassadeur d’Italie, Giuseppe Cassini, qui a affirmé qu’à Beyrouth, « où j’ai passé quatre belles années, j’ai été dérangé par le bruit ». « L’ouïe est le sens le plus meurtri dans cette ville », indique l’ambassadeur qui a invité l’audience à penser à rendre l’habitat public aussi civilisé que celui privé. N.M.
Construire un habitat individuel ou collectif rime désormais avec le confort des sens de l’utilisateur de ces espaces, notamment son ouïe, d’où une nouvelle tendance à humaniser les édifices. « Les nouvelles sensibilités et exigences dans les projets contemporains » ont été longuement développées par M. Alberto Maria Prina, designer, et Mme Simone Kosremelli,...