Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’arrangement conclu entre Baabda et Koraytem demeure minimal

Les ministres poussent un ouf de soulagement : trois semaines de crise de pouvoir, c’est beaucoup quand tout va si vite côté dégringolade. Mais, lucides, ils se demandent s’ils auront vraiment le temps de souffler. Et si les empoignades ne vont pas recommencer lors du prochain Conseil des ministres, ou du suivant. C’est que l’arrangement conclu à l’occasion des retrouvailles de Baabda n’est vraiment que minimal. On laisse de côté, encore une fois, les sujets qui fâchent. Quitte à s’en inventer bientôt d’autres. Ces cadres gouvernementaux, qui rappellent tant de feux mal éteints (dont ceux de la Saint-Jean, l’août dernier), pensent qu’il faut justement battre le fer pendant qu’il est chaud, c’est-à-dire profiter de la normalisation présente pour élaborer un contrat solide relationnel. Qui s’inspirerait de l’esprit (présumé) de la Constitution plutôt que de sa lettre, trop souvent mal calligraphiée. On sait en effet que c’est le flou des textes qui est la cause des tiraillements articulés sur les prérogatives. Mais on sait aussi, le législateur ne cesse de le répéter, que Taëf dégage une nette volonté de remplacer le pouvoir des personnes par celui des institutions. Plus précisément, que la décision, collégiale, doit appartenir au Conseil des ministres, non aux présidents et encore moins à la troïka. Partant de là, c’est le Conseil des ministres qui tranchera pour le cellulaire. Et c’est là qu’on voit que les rapports de force réels faussent le jeu institutionnel. Car le Conseil reflète dans sa composition les équations du camp dit taëfiste. Et se trouve truffé d’hommes-liges relevant de tel ou tel puissant du cru. Il fait dès lors peu de doute que la plate-forme retenue pour régler la question du cellulaire, et plus avant le programme des privatisations, sera entérinée par le Conseil pratiquement sans débat. Du moment qu’elle se trouve convenue, encore une fois, entre les trois présidents. On sait en effet que c’est M. Nabih Berry, avec le concours conciliateur actif de MM. Élias Murr, Khalil Hraoui et Abdel Rahim Mrad, qui est parvenu à convaincre les présidents Lahoud et Hariri de s’accorder. Sur un principe général à double alternative: cession totale, concession à terme ou adjudication d’exploitation annuelle au pourcentage. Cet éventail élémentaire avait été proposé dès le premier jour de la dispute. Mais les aspérités n’avaient pas encore été suffisamment poncées. Et pour arrondir les angles, il a fallu un voyage-express du médiateur, M. Berry, à Damas. D’où il est revenu, comme on le sait également, doté d’un viatique sous forme de semonces syriennes plutôt irritées à l’adresse des impénitents bretteurs locaux. L’effet de ces suaves exhortations a été quasi immédiat, comme nul ne l’ignore non plus, et le rabibochage s’est fait au lendemain même du retour de M. Berry. Pour sa part, M. Hraoui, qui s’est dépensé sans compter pour apaiser les tensions, tente toujours de dédramatiser la pièce jouée. Tout en se frottant les mains de ce que le climat soit redevenu excellent, il répète que les divergences de vues ne doivent pas être interprétées comme la preuve d’un conflit effectif entre les dirigeants. Sans expliquer pourquoi, dans cet esprit, la rupture a pu durer trois semaines, le ministre de la Défense indique qu’à son avis, il y aurait eu une sorte de malentendu. Dans ce sens que le dossier du cellulaire aurait été exposé devant le Conseil des ministres d’une manière assez confuse. Dès lors, ajoute-t-il, il faudra aborder la question sous l’angle d’une nécessaire clarté, pour arrêter des mécanismes opérationnels, des critères bien définis. Qui serviraient d’ailleurs de base théorique pour les autres privatisations envisagées. Le tout devant permettre, bien évidemment, de réduire sinon le capital du moins le service de la dette publique, ainsi que le déficit budgétaire. Controverse récurrente Ce programme, important bien évidemment, est loin de suffire pour résoudre les problèmes financiers et économiques du pays. C’est ce dont conviennent nombre de ministres. Qui, se référant aux avis d’experts, pensent que l’État devrait se serrer sérieusement la ceinture, comprimer les dépenses improductives. Et rogner même les salaires des fonctionnaires, moyennant l’application d’un système d’épargne obligatoire d’un maximum de 10 % portant sur une souscription décennale aux bons du Trésor. Ces fonds, prélevés sur le patrimoine financier des travailleurs de l’État, seraient judicieusement exploités à travers le compte spécial ouvert à la Banque du Liban pour la gestion de la dette publique. En tout cas, selon ces personnalités, il y a toujours moyen de couper de moitié la dilapidation effrénée à laquelle se livrent les administrations publiques et qui se chiffre selon eux à trois milliards de dollars par an. Les mêmes ministres ajoutent qu’il faudra sans doute aussi revoir à la baisse les projets de travaux publics dispendieux, routes, autoroutes ou ponts, ainsi que les frais médicaux à la charge de l’assistance publique. Ils proposent également que l’on débloque les crédits extérieurs octroyés au CDR qui n’a su qu’en faire. Bref, ces ministres, nostalgiques sans doute de l’ère Hoss, sont pour une politique d’austérité. Et ne se gênent pas pour critiquer la mentalité libérale des haririens qui, d’une façon générale, pensent qu’au contraire, l’État doit ouvrir les vannes pour irriguer le marché et l’économie. Comme quoi les dissonances ne se résument pas au couple présidentiel et opposent deux courants de pensée économique distincts. Dont les discussions byzantines peuvent prêter à d’amers sourires. Dans la mesure où l’État n’est pratiquement plus en mesure ni de dépenser ni de s’endetter encore plus à cette fin. Quoi qu’il en soit, et quels que soient les choix, rien ne peut se faire si la confiance n’est pas rétablie. Généralement ou au sein du pouvoir. C’est ce que reconnaissent volontiers les haririens, Qui ajoutent que leur chef ne prend jamais les choses sous l’angle personnel. Qu’il ne manque jamais de louer les prises de position nationales du régime. Et qu’il est prêt pour sa part à une saine cohabitation. Si tant est qu’il n’y a pas contradiction entre ces deux vocables. Enfin, en face, on s’appuie sur des témoignages concernant les orientations syriennes. Qui voudraient que la présidence de la République soit considérée comme une ligne rouge infranchissable. En d’autres termes que le président Émile Lahoud est bien à la tête, et la tête même, du pays. Que nul ne doit chercher à le contourner, à en contester l’autorité ou à ignorer ses avis. Mais les mêmes témoins précisent ensuite que la situation économique est elle aussi une ligne rouge aux yeux des Syriens. Qui condamnent dès lors les empoignades entre les dirigeants et ajoutent que les prérogatives constitutionnelles du gouvernement comme de l’Assemblée nationale doivent être respectées. En signifiant à tous qu’un changement ministériel est tout à fait hors de question pour le moment. Philippe ABI-AKL
Les ministres poussent un ouf de soulagement : trois semaines de crise de pouvoir, c’est beaucoup quand tout va si vite côté dégringolade. Mais, lucides, ils se demandent s’ils auront vraiment le temps de souffler. Et si les empoignades ne vont pas recommencer lors du prochain Conseil des ministres, ou du suivant. C’est que l’arrangement conclu à l’occasion des...