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CINÉMA - Business et paillettes, ou la plus grande fête du 7e art au monde Le rideau se lève mercredi à Cannes

Art et stars, films et fêtes, business et paillettes, le rideau se lèvera mercredi sur le plus grand raout de cinéma au monde, sur la Croisette qui, pendant douze jours, va vivre au rythme, fébrile, du Festival de Cannes. De Hollywood à Bollywood, en passant par Israël et la Palestine, de Hiroshima jusqu’au Rio de la Plata, tous les cinémas de la planète s’offrent aux quelque 35 000 accrédités, dont 4 000 journalistes, qui vont envahir la baie de Cannes. Outre les 22 candidats à la Palme d’or, dont quatre Français, qui sera décernée le 26 mai par le jury présidé par le cinéaste américain David Lynch, près de 80 films vont être projetés dans les différentes sections, officielle ou parallèles, comme la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique. Le Liban présent Et au Marché international du film, le premier au monde, ce sont quelques 700 films qui vont être proposés aux acheteurs de la planète. Un festival comme Cannes ne serait rien sans le glamour et pour les 200 000 curieux, cinéphiles et fans, attirés par les lumières scintillantes du festival, il y a l’espoir d’apercevoir les stars monter les célèbres marches du «bunker», rebaptisé palais. Après avoir accueilli pour la première fois Woody Allen, venu présenter Hollywood Ending en ouverture le 15 mai, cette 55e édition verra défiler Sharon Stone (tous les jours, puisqu’elle est jurée), Cameron Diaz, Catherine Deneuve, Leonardo Di Caprio, Charles Aznavour, Patricia Kaas, Jeremy Irons, Antonio Banderas, Laetitia Casta et, bien sûr, la maîtresse de cérémonie Virginie Ledoyen. En lice pour le trophée suprême, figurent le doyen incontesté du cinéma mondial, le Portugais Manoel de Oliveira, 93 ans, et des tout juste trentenaires comme l’Américain Paul Thomas Anderson et le Chinois Jia Zhang Ke. Une majorité sont des habitués dont le Canadien David Cronenberg, ancien président du jury, les Britanniques Ken Loach, Mike Leigh (déjà Palme d’or pour Secrets et mensonges) et Michael Winterbottom, le Finlandais Aki Kaurismaki, les frères belges Luc et Jean-Pierre Dardenne («palmés» pour Rosetta), le Russe Alexandre Sokurov, l’Iranien Aki Kaurismaki ou Roman Polanski. Mais il y a aussi des films venus de Cuba, d’Afrique (Mali, Mauritanie, Tchad), du bassin méditerranéen, de l’Algérie à la Turquie en passant par le Liban et, pour la première fois, la Syrie. Cannes est la confrontation œcuménique de «blockbusters» hollywoodiens, comme Star Wars : Episode II – L’attaque des clones, qui va déferler sur les écrans de près d’une cinquantaine de pays la semaine prochaine et d’un premier film à 300 000 dollars du Bangladesh, nouveau venu sur les terres cannoises. Tremplin pour le succès ou enfer, huées et damnation, le festival est à la fois courtisé et craint. Après avoir lancé en 2001 Le Seigneur des anneaux avec un «promo-réel» de 20 minutes, Cannes présente cette année 20 minutes d’un autre film très attendu, Gangs of New York de Martin Scorsese, par ailleurs président du jury des courts métrages et de la Cinéfondation. Comme chaque année, le festival aura sa pincée de souffre : l’an dernier, c’était La pianiste avec Isabelle Huppert qui a terminé sur le podium avec le prix d’interprétation, cette année l’Italienne Monica Bellucci annonce «la guerre sur la Croisette» avec Irréversible de Gaspar Noé, entre Orange Mécanique et Salo de Pasolini. Quant à la Quinzaine des réalisateurs, elle présente Polissons et galipettes, une collection de films anonymes pornographiques du début du siècle, et Sex is Comedy de Catherine Breillat, réalisatrice du sulfureux Romance. Les 22 films en compétition pour la Palme d’or Voici la liste des 22 films en compétition pour la Palme d’or à l’occasion du 55e Festival international du film de Cannes qui se tient du 15 au 26 mai : – Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson (USA) ; –L’Ora di religione de Marco Bellochio (Italie) ; – Spider de David Cronenberg (Canada) ; – Le fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne (Belgique) ; – Kedma de Amos Gitaï (Israël) ; – Chihwaseon (Ivre de femmes et de peinture) de IM Kwon-taek (Corée du Sud) ; – Ren Xiao Yao (Unknown Pleasures) de Jia Zhang Ke (Chine) ; – Mies vailla Menneisyytta (L’homme sans passé) de Aki Kaurismaki (Finlande) ; – All or Nothing de Mike Leigh (G-B) – Sweet Sixteen de Ken Loach (G-B) – Ten de Abbas Kiarostami (Iran) – O principio da incerteza (Le principe de l’incertitude) de Manoel de Oliveira (Portugal) ; – The Pianist du réalisateur français Roman Polanski (production étrangère) ; – Russian Ark (L’Arche russe) de Alexandre Sokurov (Russie) ; – Intervention divine de Elia Suleiman (Palestinien) ; – 24 Hour Party People de Michael Winterbottom (G-B) ; – Bowling for Columbine, documentaire de Michael Moore (É-U) ; – About Schmidt de Alexander Payne (É-U) ; – L’adversaire de Nicole Garcia (France) ; – Marie-Jo et ses deux amours de Robert Guediguian (France) ; – Demonlover de Olivier Assayas (France) ; – Irréversible du Franco-Argentin Gaspar Noé (France) ; Voici la liste des films hors compétition et en séances spéciales : – Hollywood Ending de Woody Allen (ouverture) ; – And Now Ladies and Gentlemen de Claude Lelouch (clôture) ; – Spirit de Kelly Asbury et Lorna Cook (É-U, animation) ; – Devdas de Sanjay Leela Bhansali (Inde) ; – Ararat de Atom Egoyan (Canada) ; – Cidado de Deus de Fernando Meirelles (Brésil) ; – Murder by Numbers de Barbet Schroeder (É-U) ; – De l’autre côté de Chantal Akerman (Belgique) ; – René de Alain Cavalier (France) ; – Carlo Giuliani, ragazzo de Francesca Comencini (Italie) ; –The Kid Stays in the Picture de Nanette Burstein et Brett Morgen (É-U) ; – Être et avoir de Nicolas Philibert (France) ; – La dernière lettre de Frederick Wiseman (USA) ; – Kagami no onnatachi (Femmes en miroir) de Kiju Yoshida (Japon) ; – The Old Place de Jean-Luc Godard. « Hollywood Ending » en avant-première Cinéaste américain chéri du public français, Woody Allen a choisi le 55e festival de Cannes pour lever le voile sur son dernier film, «Hollywood Ending», satire du cinéma et comédie romantique. Sa présentation après-demain mercredi, en ouverture des festivités de la Croisette, coïncidera avec sa sortie en salles. Si Allen aime la France, il réserve généralement la primeur de ses productions à la Mostra de Venise. Une fois n’est pas coutume, il consent donc à offrir son dernier-né à Cannes (hors compétition, il est vrai). Mieux même, cet hypocondriaque né a accepté de faire le déplacement à Cannes où il sacrifiera à la traditionnelle montée des marches. Il n’aura toutefois pas à son bras sa partenaire à l’écran, Téa Leoni, excusée pour cause de maternité imminente. Woody Allen ne pouvait décemment refuser à Cannes la primeur de son dernier cru, une pochade sur l’industrie du cinéma dans laquelle il interprète le rôle d’un réalisateur maudit, ex-enfant prodige de la pellicule condamné à tourner des pubs pour survivre. Au retour d’un tournage écourté au Canada (il s’est fait virer) où il a affronté des tornades de neige pour mettre en scène un spot sur un déodorant, Val Waxman reçoit un coup de fil de son ex-épouse Ellie (Téa Leoni) qui lui propose de réaliser un film à gros budget. Clin d’œil à la France Ellie travaille pour son amant, le puissant producteur Hal Yeager (Treat Williams) qu’elle a réussi à convaincre que son ex était le seul à pouvoir mener à bien The City that Never Sleeps, une ode à sa cité favorite New York. Yeager n’est pas très chaud. D’abord en raison des liens passés entre Waxman et Ellie. Mais surtout parce que le génie du 24 images/seconde a une réputation d’enquiquineur de première, qu’il est le spécialiste du dépassement de budget et qu’à tout prendre Hollywood préfère un tâcheron qui rendra son travail dans les délais impartis à un génie aléatoire, capable de planter son monde parce qu’il a des divergences artistiques avec son producteur. Comme il n’a plus trop le choix, Waxman accepte de pactiser avec l’ennemi et signe avec Yeager. Le tournage vient à peine de commencer que le réalisateur perd la vue, sous l’effet d’un stress somatique. Il est hors de question d’abandonner : à l’instigation de son agent Al Hacks (Mark Rydell), Waxman fait comme si de rien n’était et poursuit le tournage... Avec son 44e long métrage, Woody Allen, 66 ans, retrouve la veine des films sur le cinéma comme Stardust Memories (1980) ou Coups de feu sur Broadway (1994). Il sera difficile de ne pas trouver de ressemblances entre les personnages de Val et du réalisateur. Sous couvert de comédie, Val/Woody en profite pour dresser un portrait cinglant du monde du cinéma : agent cauteleux, producteur carnassier, hâlé ou lifté. Au passage, il règle aussi son compte aux prétentions d’un certain cinéma «intello». La chute du film à cet égard, tout à la fois clin d’œil et coup de pied de l’âne au public français, fera sans doute rire jaune les tenants de l’exception culturelle, dont l’Hexagone est le héraut. Cannes entre dans l’ère numérique «On y est allé assez franchement», dit Thierry Frémaux en évoquant l’entrée officielle du Festival de Cannes dans l’ère de la projection numérique avec, notamment, Star Wars de George Lucas, présenté dans la nuit du 16 au 17 mai : «Un festival doit donner aux auteurs la possibilité du choix du mode de projection». «L’an dernier, déjà, deux ou trois personnes nous l’avaient demandé», ajoute-t-il. En numérique également, seront projetés Spirit, l’Étalon des plaines, un film d’animation du studio américain DreamWorks et L’Arche russe, un plan séquence de 90 minutes d’Alexandre Sokurov, indique le délégué artistique du festival. «Mais on n’a pas pris L’Arche russe pour ça. On l’a pris parce que c’est un beau film, outre que c’est un tour de force», s’empresse-t-il d’ajouter. «Sur le numérique, on sent frémir pas mal de choses, au tournage, à la conservation, à la restauration même des films du patrimoine, et puis à la projection, précise Frémeaux. On a un partenaire, Barco, qui nous a fait des démonstrations très convaincantes, y compris pour des films en 35mm transférés en numérique. Dieu sait que j’ai l’œil et que je suis un amoureux de la pellicule mais il faudrait être de mauvaise foi pour dire que ce n’est pas pareil». Cependant, souligne Thierry Frémeaux, «sur la cinquantaine de films qu’on montre, il y en aura quatre ou cinq. Ce n’est pas un raz de marée. Mais il fallait que Cannes soit parmi les premiers à proposer cette possibilité». Le premier film projeté en numérique sera Histoires de festival de Gilles Jacob, un film de montage qui fait revivre en 26 minutes les origines et les moments légendaires de la manifestation depuis sa création en 1946. C’est le premier chapitre d’un triptyque, présenté avant Hollywood Ending de Woody Allen, le 15 mai. Il y aura aussi, précise Thierry Frémaux, des films du patrimoine projetés en copie numérique dans la salle Bunuel, au Palais des Festivals, comme Pépé le Moko de Julien Duvivier, avec Jean Gabin, restauré par StudioCanal. Ce film de 1937 vit d’ailleurs une nouvelle vie aux États-Unis où il est ressorti le 3 mars. George Lucas, qui a réalisé directement Star Wars en numérique avec la caméra Sony 24P, et son producteur Rick McCallum évoqueront les capacités du cinéma numérique, tant dans le processus de création que dans le domaine de la projection. Aux États-Unis, le dernier volet de la saga intergalactique sera projeté en numérique dans un peu plus de 20 salles alors que le cinéaste en espérait une centaine, ce mode de diffusion étant en effet très onéreux. Le jury : six réalisateurs et trois actrices Le jury du festival, présidé par le réalisateur américain David Lynch, Palme d’or pour Sailor et Lula, compte neuf membres, dont six réalisateurs et trois actrices: – La star américaine Sharon Stone (Total Recall, Basic Instinct, Casino, Gloria). – La star du cinéma hong-kongais d’origine malaisienne Michelle Yeoh (Miss Malaisie en 1983, James Bond Girl dans Tomorrow Never Dies et experte en arts martiaux dans Tiger and Dragon) . – La comédienne et productrice indonésienne Christine Hakim (Feuille sur l’oreiller). – Le cinéaste américain David Lynch (prix de la mise en scène et César pour Mulholland Drive). – Le cinéaste danois Bille August (deux fois Palme d’or à Cannes pour Pelle le conquérant et, il y a dix ans, pour Les meilleures intentions). – Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz (Généalogie d’un crime, Le temps retrouvé). – Le cinéaste brésilien Walter Salles (Ours d’or à Berlin avec Central do Brasil) . – Le cinéaste français Claude Miller (La Meilleure façon de marcher, Garde à vue, Mortelle randonnée, L’effrontée et La classe de neige, prix du jury). – Le cinéaste français Régis Wargnier (Je suis le seigneur du château, Indochine, Est-Ouest) – Martin Scorsese, Palme d’or en 1976 pour Taxi Driver, préside le jury des courts métrages et de la Cinéfondation, entouré des actrices Judith Godrèche (France) et Tilda Swinton (G-B) et des réalisateurs Abbas Kiarostami (Iran) et Jan Schutte (Allemagne). Business, paillettes et euros à gogo Le 7e Art à Cannes n’oublie jamais qu’il est aussi une industrie : pendant dix jours, 700 films vont être présentés au Marché international du film, le premier du monde, lors de 1 400 projections en marge du festival. Sept mille participants, acheteurs, vendeurs, distributeurs, producteurs, provenant de 70 pays sont attendus sur la Croisette pour ce rendez-vous qui représente plus du tiers du volume d’affaires annuel, selon Jerôme Paillard, directeur délégué du MIF depuis sept ans. «La participation a augmenté de 10 % par rapport à l’an dernier. Il n’y a pas du tout d’effet post-11 septembre du côté des États-Unis. Il y a une forte progression sur l’Angleterre, la Scandinavie, l’Italie, constate-t-il. Le nombre de films proposés – 2000 – augmente aussi fortement; du projet encore à l’état de scénario, plus ou moins avancé, avec un minimum de “packaging”, un budget, le nom du réalisateur, un début de “cast”, aux films en production et aux films en boîte». De l’œuvre d’auteur à la série Z, en passant bien sûr par le X, on trouve tout au Palais et au Riviera, le centre d’affaires inauguré il y a deux ans qui dispose de huit salles de projection, dont deux équipées en numérique, et de 8000 m de surface d’exposition. La Plage des palmes, devant le Riviera, est le lieu de rendez-vous pour les déjeuners et accueille le soir un piano bar. «Ces deux sites sont devenus le principal point de ralliement des sociétés exposantes et sont occupés au maximum de leurs capacités, précise Jérôme Paillard, mais certaines sociétés préfèrent toujours l’ambiance plus feutrée et plus confidentielle des palaces, tels le Majestic, le Carlton et le Noga Hilton, ou des appartements de la Croisette». Sorties difficiles Jérôme Paillard observe que, cette année, la situation est «très contrastée. Des tas d’indicateurs sont bons et en même temps on sent une certaine inquiétude, surtout du côté des distributeurs européens, avec les difficultés, en France et en Allemagne, d’accès aux télévisions et des salles qui marchent très bien mais qui sont très saturées». «Les sorties sont donc difficiles. Les chaînes achètent moins de films, et surtout moins de films en dehors de leur quota. Elles achètent des films européens ou des très gros films américains, via les accords qu’elles ont avec les studios. Mais pour des films indépendants étrangers, c’est difficile. Il y a un appauvrissement de la diversité». Les grosses sociétés seront là, Miramax qui présente 20 minutes de Gangs of New York de Martin Scorsese, Good Machine dont on vient d’annoncer le rachat par Universal, Artisan, Summit, les studios évidemment. «C’est la particularité de Cannes, il y a tout le monde», dit Jérôme Paillard car «la complémentarité Festival-Marché est unique». Ce qui n’est pas le cas de l’American Film Market de Los Angeles et du MIFED de Milan. En revanche, le MIF n’est pas pour les «petits». «On essaie de les dissuader car Cannes est un marché très difficile. C’est pratiquement impossible pour un producteur venant avec son film sous le bras d’attirer l’attention, il va passer totalement inaperçu. L’essentiel des projections sont organisées par les grosses sociétés de vente qui organisent 30, 40, 50, 60 projections avec une force de frappe en termes de publicité, de communication, de rapports de force avec les distributeurs». «Un film qui n’existe pas avant Cannes ne peut pas commencer à exister à Cannes, sauf s’il est dans une sélection», comme ce fut le cas l’an dernier de No Man’s Land du Bosniaque de Danis Tanovic, primé au festival et couronné ensuite d’un Oscar, ou d’Atanarjuat, le film inuit qui a obtenu la Caméra d’or. «En dehors de ça, il n’y a pas d’espoir», dit Jérôme Paillard.
Art et stars, films et fêtes, business et paillettes, le rideau se lèvera mercredi sur le plus grand raout de cinéma au monde, sur la Croisette qui, pendant douze jours, va vivre au rythme, fébrile, du Festival de Cannes. De Hollywood à Bollywood, en passant par Israël et la Palestine, de Hiroshima jusqu’au Rio de la Plata, tous les cinémas de la planète s’offrent aux...