La capture de Barghouthi va radicaliser le conflit

La capture par Israël du dirigeant palestinien Marwan Barghouthi et sa disparition de la scène politique vont radicaliser le conflit au profit des irréductibles partisans de la violence, estiment mardi des analystes palestiniens. Chef pour la Cisjordanie du mouvement du président Yasser Arafat, le Fateh, et un des hommes les plus recherchés par Israël, M. Barghouthi a été capturé lundi par l’armée israélienne à Ramallah (Cisjordanie). Il était une des figures-clés du soulèvement palestinien qui a éclaté il y a 18 mois, et «incarnait la tendance la plus nationaliste au sein du Fateh, prônant la résistance à l’occupation tout en croyant à un règlement politique avec Israël», souligne le professeur de sciences politiques Ali Jarbaoui. «Son arrestation s’ajoute à celle de 4 000 autres Palestiniens, dans le cadre de l’offensive militaire lancée par (le Premier ministre israélien Ariel) Sharon, et cette offensive elle-même aura un effet négatif sur l’intifada», a-t-il ajouté. L’intifada va continuer à évoluer vers un «mouvement de résistance, qui se concentrera sur des attentats à la bombe et des formes d’action plus extrêmes», a-t-il ajouté. Selon lui, le Premier ministre israélien tente ainsi de réaliser son projet de faire émerger une nouvelle direction palestinienne : «Sharon aimerait des dirigeants palestiniens sans lien politique avec la rue et les groupes militants palestiniens, contrairement à Marwan», a-t-il expliqué. M. Sharon a complètement isolé M. Arafat depuis qu’il a lancé une vaste offensive militaire en Cisjordanie, le 29 mars, et il a déclaré lundi sur CNN qu’il souhaite limiter ses contacts à d’autres dirigeants palestiniens. Il avait accusé le 8 avril M. Arafat d’avoir créé «un régime terroriste» et posé comme condition à la paix l’émergence d’une «direction palestinienne responsable qui prenne la responsabilité du pouvoir et s’engage à empêcher l’utilisation de ces territoires pour organiser des attentats contre ses voisins». Troisième dans les sondages Des analystes palestiniens estiment que M. Barghouthi, accusé par Israël d’avoir fait des groupes armés du Fateh «la plus meurtrière des organisations terroristes», avait une influence modératrice sur la politique intérieure et extérieure du mouvement. «Marwan est un poids lourd, et le troisième, dans les sondages de popularité, derrière Arafat et cheikh Ahmad Yassine (le chef spirituel du mouvement islamiste Hamas). Il a beaucoup investi dans le camp de la paix», rappelle l’analyste politique Ghassan al-Khatib. «Il ne fait pas partie de ceux qui s’opposent à l’existence d’Israël, et il est partisan de la paix contre un retrait israélien complet» des territoires occupés en 1967, a-t-il ajouté. «Au sein du Fateh, il a dénoncé les attitudes non démocratiques de Arafat, et en tant que membre du Conseil législatif, il s’est élevé contre la corruption au sein de l’Autorité palestinienne», ajoute M. Khatib. La parlementaire palestinienne Hanane Achraoui est également d’avis qu’avec cette capture, «un coup sévère a été porté aux Palestiniens qui luttent pour leur liberté tout en restant engagés en faveur de la paix et de la démocratie». «Sharon a démontré à nouveau un mépris total pour les vies, l’opinion publique et les droits palestiniens, sans se rendre compte des conséquences à long terme de ses actes», a-t-elle déclaré. L’activisme de M. Barghouthi, sa capacité à mobiliser la jeunesse palestinienne contre l’occupation israélienne sont perçus par beaucoup comme autant d’éléments contribuant à donner une direction à l’intidafa, tout en consolidant le pouvoir du président palestinien. «Barghouthi était sans nul doute très important pour Arafat et le Fateh. Il empêchait le Hamas de prendre le contrôle de la rue. Sans lui, l’intifada aurait été prise en otage», a ajouté M. Khatib.