Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

procès - Réquisitoire et plaidoiries, avant la délibération et le verdict, la journée du tribunal militaire a été longue Trois et quatre ans de prison pour Hindi, Younès et Bassil (photos)

Cinq heures d’attente et toujours pas de verdict. La nuit est tombée depuis longtemps, froide et triste et, dans la petite cour devant le tribunal militaire, les visages s’allongent, l’angoisse grandit. Mmes Hindi, Younès, Bassil, Keyrouz et les parents des inculpés ont les nerfs à fleur de peau. Chacun commence à évoquer le pire et le pire c’est que ce soir-là, la justice ne soit pas au rendez-vous... 22h30, le jugement tombe enfin, comme un couperet : trois ans pour Toufic Hindi et Habib Younès, quatre ans pour Bassil et pour tous les autres, cela varie entre l’acquittement, l’arrêt des poursuites et une amende. Le choc est si grand que nul ne songe à lire les attendus. Les militaires ont fini leur travail, pour plusieurs familles, la peine commence. La journée a pourtant été longue, pleine d’émotions contradictoires selon l’identité de l’orateur. La dernière audience des procès Hindi et Younès ne ressemble pas aux autres. Dans le box, les inculpés dans les deux affaires se lèvent, s’asseyent, s’accoudent sur les barreaux, regardent l’assistance, essayant de ne pas penser que leur sort se jouera dans quelques heures. Toufic Hindi paraît encore plus amaigri que lors des précédentes audiences, comme si soudain le poids des sept derniers mois de détention se fait plus lourd. Antoine Bassil a l’air triste, comme déjà écrasé, et Habib Younès, tout en essayant de paraître serein, ne parvient pas à cacher totalement son anxiété. Élie Keyrouz tente de s’intéresser aux subtilités juridiques et Salmane Samaha écoute attentivement, paraissant sans doute le moins vulnérable de tous. «S’il n’y a plus au Liban qu’un seul membre des FL, ce sera lui», commente un de ses proches, mi-admiratif mi-inquiet. Seule Claudie Hajjar reste fidèle à elle-même, assistant à l’audience comme s’il s’agissait d’un spectacle, avec détachement et un rien d’amusement, mais surtout beaucoup de courage. Les quatre autres, Joseph Tok, Oussama Ayoub, Jamal Nasser et Antoine Saba Chalfoun ont plutôt l’air de figurants, entraînés malgré eux dans ces affaires. L’audience s’ouvre sur Me Antoine Chmorr qui plaide pour Antoine Bassil, dans le dossier Bassil-Younès. Pour l’avocat, Bassil n’était qu’un journaliste et tout ce qu’il a pu faire était lié à son travail. De plus, Oded Zaraï n’était pour que lui que Karam Zaarour, un collègue et un ami, juif ayant la nationalité américaine. Me Chmorr évoque ensuite les mauvais traitements subis par son client pendant l’enquête des services de renseignements et précise que de toute façon, les Forces libanaises n’avaient pas besoin de Bassil pour avoir leurs entrées avec les Israéliens si elles étaient tentées de s’adresser à eux. Une petite pause et le tribunal entame le procès Hindi-Bassil. C’est au tour du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire Samir Sidki de prendre la parole. Lisant difficilement, l’élocution un peu monotone, le représentant du parquet accable les inculpés, reprenant les principaux points de l’acte d’accusation et ajoutant quelques faits de son cru. Ayant compris que la référence à un voyage effectué par Hindi à Paris en 1995 pour y rencontrer Zaraï et Lubrani ne pouvait être crédible puisque le passeport du conseiller de Samir Geagea ne montre aucun tampon cette année-là, il situe le voyage en 1994. Il dresse aussi le portrait de Bassil, un parfait collaborateur, formé par Zaraï et recruté par ce dernier pour travailler au Jerusalem Post. ce qui lui vaut une rectification du président du tribunal, le brigadier Maher Safieddine, dont les petits yeux ne cessent de scruter la salle. Jerusalem Report, lance-t-il au représentant du parquet qui poursuit son laborieux réquisitoire. Hindi écoute, effaré. Bassil est assommé et Younès n’en croit pas ses oreilles... Pour lui, Hindi voulait solliciter les Israéliens pour tenter d’obtenir la libération de Samir Geagea et surtout couper la voie à Fouad Malek, en passe de prendre le contrôle des FL. La rivalité avec Malek sera aussi évoquée par Me Boutros Harb, mais cette fois pour montrer comment toute l’affaire montée contre Hindi avait pour but de laisser la voie libre à Malek, plus conciliant avec les autorités. La plaidoirie de Harb est une petite merveille et, après l’avoir écoutée, l’assistance se dit que le tribunal ne peut y rester insensible. D’autant que le brigadier Safieddine reprend, face à Me Harb, ses habituelles plaisanteries et retrouve un engageant sourire. L’avocat axe son argumentation sur les lacunes du dossier et les irrégularités de procédure. Il s’écrie même : «J’avais espéré que le procureur reconnaisse dans son réquisitoire les faiblesses de l’accusation et renonce à requérir des peines contre les inculpés. Il lui suffisait pour cela de regarder le passeport du Dr Hini, ou même de reprendre le calendrier des interrogatoires et l’état de santé de mon client». Harb rappelle enfin cette fameuse cassette des aveux présumés de Hindi, précisant l’avoir réclamée à plusieurs reprises. «Mais bien sûr qu’elle ne devait jamais être remise au tribunal, car on verrait très vite qu’il s’agit d’un montage. On verrait aussi comment le procureur général Addoum s’est énervé lorsque Hindi a refusé de reconnaître les faits qui lui étaient imputés en s’écriant : «Pourquoi m’avez-vous amené ici ?». Selon Me Harb, Addoum ne savait pas qu’il y avait une caméra, mais inquiet de ce qui se disait, il avait voulu voir Hindi et toute l’opération a été alors arrangée, mais contrairement à ce qu’on attendait, Hindi n’a pas fait d’aveux, alors il a fallu tout recommencer... «Ce dossier est une tache noire pour la justice libanaise. Devant le tribunal, il y a une statue avec une balance et une épée, je crains qu’on n’enlève la balance pour que l’épée reste toute seule», conclut l’avocat. Me Joseph Nehmé plaide aussi pour Hindi, au nom de l’amitié, mais aussi du droit. Rarement plaidoirie a été aussi émouvante et digne. Après avoir évoqué le procès de Jésus et les propos de Ponce Pilate «Voici l’homme», avant de le condamner et de s’en laver les mains, Me Nehmé dresse le portrait de Toufic Hindi, qui après avoir milité dans les rangs de l’extrême gauche, devient le conseiller de Samir Geagea, pour trouver une formule qui garantisse l’entente des Libanais. Pour lui, au sein des FL, Hindi est resté hostile à Israël et il a toujours cherché à effacer les traces de l’ancienne coopération de cette formation avec l’État hébreu. «C’est un homme d’institutions, de consensus et de dialogue, opposé aux manifestations et à l’action sur le terrain». Me Nehmé relève à son tour les grosses erreurs de l’acte d’accusation, notamment l’absence de logique dans l’évocation de certains faits, l’intervention de Hindi auprès de Zaraï et de Lubrani pour obtenir l’élection à la présidence de Farès Boueiz, alors ministre des Affaires étrangères, moyennant la très modeste somme de 2 500 dollars... « Sortir ce soir si possible... » Me Khodr Haraké lui, défend Jamal Nasser, ce jeune homme accusé d’avoir fait des affaires avec Oded Zaraï qu’il connaissait sous le nom de Abdel Karim. Avec une belle éloquence, Me Haraké, qui a écrit sa plaidoirie sur un cahier d’écolier, rappelle que deux des oncles de Nasser ont été tués par les Israéliens et que cette famille ne peut avoir de traîtres parmi ses membres. Nasser a été entraîné par son beau-frère à faire des affaires avec Abdel Karim sans connaître sa véritable identité et il n’aurait jamais pu penser que son beau-frère lui mijotait un sale coup. D’ailleurs, ces affaires n’ont pas été rentables, les maillots achetés à Zaraï n’ayant pas été vendus. Haraké conclut en disant : «Vivement que l’initiative de l’émir Abdallah aboutisse pour qu’on en finisse avec toutes ces histoires de collaboration et que la moitié des Libanais ne risque plus de se retrouver dans le box des accusés sur base d’un rapport des SR». Me Issam Karam est le seul à parvenir à dérider les membres du tribunal. Avec son habileté extrême, il distribue des plaisanteries bien étudiées afin d’alléger l’atmosphère et de retenir l’attention du tribunal. Il défend Salmane Samaha et Élie Keyrouz et son rôle est plutôt facile, les deux jeunes gens étant déjà mis en liberté provisoire ce qui signifie que l’accusation portée contre eux est légère. D’ailleurs, l’ancien bâtonnier réclame l’arrêt des poursuites contre eux, relevant que même s’ils avaient omis de révéler les contacts de Hindi avec Zaraï, il ne s’agit pas d’une complicité dans une atteinte à la Sûreté de l’État. Me Sleimane Lebbos rappelle qu’il avait soulevé une exception concernant justement les dossiers de Samaha et Keyrouz et Me Chmorr demande une fois de plus l’acquittement d’Antoine Bassil. Avant de lever l’audience pour délibérer avec ses collègues, le président Safieddine demande à chaque inculpé ce qu’il demande au tribunal. Il commence par Claudie Hajjar, qui ne comprend d’abord pas de quoi il s’agit. Ce qui irrite le président. Et avec beaucoup de candeur, elle lui sourit et lance : «Je demande la liberté». Habib Younès, lui, déclare n’avoir jamais rien demandé pour lui, mais il demande que son pays reste une idée et un espace de liberté. Toufic Hindi demande la même chose que Me Harb et ajoute : «Sortir ce soir, si possible». Salmane Samaha, avec le courage qui semble le caractériser s’écrie : «Je demande l’arrêt des poursuites contre moi pour que je puisse continuer à lutter pour la cause de mon pays». Élie Keyrouz demande que la justice et le droit triomphent et les autres, plus prosaïquement, se contentent de réclamer que leur innocence soit reconnue. Il est près de 17 heures et le tribunal se retire pour la délibération. Le magistrat Aouni Ramadan qui était malade la semaine dernière laisse entendre qu’il est encore fatigué (il porte d’ailleurs un gros pull sous sa robe de magistrat) et l’assistance est convaincue que la délibération ne sera pas trop longue. Les heures passent et rien ne vient. Toutes les hypothèses se mettent à circuler, alors que avocats, proches et journalistes attendent sur les bancs posés devant le tribunal. Mais tout le monde sent que la longue attente n’annonce rien de bon. Lorsque à 22h30 le président s’apprête à lire le verdict, l’assistance sait déjà qu’il sera lourd. Claude Hindi laisse exploser sa colère, Mireille Younès s’évanouit. Le processus déclenché le 7 août n’a finalement pas eu un happy end et Me Chmorr prépare déjà son pourvoi en cassation... Scarlett HADDAD
Cinq heures d’attente et toujours pas de verdict. La nuit est tombée depuis longtemps, froide et triste et, dans la petite cour devant le tribunal militaire, les visages s’allongent, l’angoisse grandit. Mmes Hindi, Younès, Bassil, Keyrouz et les parents des inculpés ont les nerfs à fleur de peau. Chacun commence à évoquer le pire et le pire c’est que ce soir-là, la...