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Actualités - OPINION

Une logique d’État qui promet une révision relationnelle

La visite du président Assad, bien que dans la plus grande discrétion, n’a pas surpris les professionnels du cru. Car les rencontres préliminaires intensifiées en étaient un indice suffisant. L’on a pris grand soin en effet à assurer le succès d’une démarche qui prétend offrir aux Arabes, avant leur prochain sommet, un modèle de relations bilatérales. Une démonstration qui n’est à vrai dire pas très difficile, tant les rapports entre les frères affiliés à la Ligue sont généralement branlants. Et tant le jumelage entre les deux pays voisins est solide depuis des décennies. Il est évident que le timing de la visite n’est pas sans rapport avec la situation régionale et, partant, avec le sommet. Mais il est également clair que l’événement est marquant sur le plan bilatéral. Par sa rareté d’abord : il faut remonter à 1970 et à M. Noureddine Atassi pour trouver trace d’une visite de chef d’État syrien à Beyrouth. Sans compter qu’à l’époque, Damas évitait de reconnaître clairement l’entité libanaise, ce qui n’a été fait qu’il y a une dizaine d’années lors de la conclusion du pacte dit de fraternité-coopération. Sur le fond, beaucoup d’observateurs lient le pas en avant effectué ostensiblement par M. Bachar el-Assad à sa volonté déclarée de normaliser les rapports avec l’ensemble des composantes du Liban. Une ouverture qui se traduit dans le domaine économique par des concessions syriennes qui semblent préluder à une révision du modus operandi qui régit les rapports politiques. Afin d’aboutir à un partenariat bien équilibré et, par là, authentiquement privilégié. Les nouvelles règles du jeu ? Veiller d’abord à la primauté de l’interaction institutionnelle, c’est-à-dire à la promotion d’un genre de complémentarité basé avant tout sur des relations d’État à État. Pour bien mettre en relief ce premier message, M. Assad a en effet tenu à une officialisation extrême de sa démarche. Il s’est entouré d’une délégation de haut niveau, a tenu à la signature de moult documents et à un rituel serré de prestations protocolaires. Il a dans cet esprit écarté la formule dite populiste, adoptée par exemple en 97 pour le pape, les tournées de liesse dans le pays visité. Il a de la sorte préféré venir par la voie des airs, plutôt que par la route. Et il a réaffirmé, dans le communiqué final, l’attachement de la Syrie à la souveraineté, à l’indépendance et à l’unité du Liban. Tout en veillant, pour montrer un effort de rééquilibrage dans les rapports, à ce que le Conseil supérieur mixte, créé il y a dix ans à Damas, tienne enfin une réunion au Liban. Du même coup, M. Assad réfute avec éclat les soupçons, voire les accusations, de certaines parties. Pour qui la Syrie ne reconnaîtrait la souveraineté libanaise que d’une façon tout à fait formelle, superficielle, car elle garde des arrière-pensées fusionnistes en tête. À preuve, maintenant démentie, que le chef de l’État syrien ne viendrait au Liban qu’à l’occasion d’un sommet, francophone ou arabe. Ponctuellement, les mêmes observateurs estiment que Damas veut détendre le climat politique au Liban, en contribuant également au traitement de la récession économique, par le moratoire qu’elle consent sur les créances qui lui sont dues et dont elle biffe d’ailleurs la moitié. Un exemple que les autorités locales mettraient à profit pour solliciter également l’assistance des pays arabes, lors du sommet organisé à Beyrouth. À ce propos, la visite de M. Assad vient aussi prouver que la Syrie ne souhaite pas le report et encore moins le torpillage de la conférence. Mais elle voudrait, au contraire, tirer profit de l’avantage du site, pour faire prévaloir son point de vue face à celui des modérés, Saoudiens en tête. D’autant plus aisément, sans doute, que la proposition Abdallah n’a rien d’officiel et n’a été communiquée à ce jour à aucune des capitales concernées autrement que par voie de presse. Ceci étant, les sources citées soutiennent que Damas est opposé à des confrontations interarabes, les divisions faisant du tort à toute le monde. Il ne chercherait donc pas à contrer de front le prince Abdallah, surtout que ce dernier ne réclame en somme pour commencer que le retrait israélien. Mais à rappeler des conditions essentielles pour une paix véritable, dont le règlement de la question des réfugiés palestiniens. Et les limites culturelles (au sens social du terme) de toute éventuelle normalisation des relations avec l’État hébreu. Il reste que l’ensemble des dossiers bilatéraux ou régionaux est si délicat que les dirigeants syriens et libanais ont préféré éluder le point de presse qui, généralement, clôt les rencontres entre chefs d’État. En évitant les questions embarrassantes, on s’épargne des réponses embarrassées. Philippe ABI-AKL
La visite du président Assad, bien que dans la plus grande discrétion, n’a pas surpris les professionnels du cru. Car les rencontres préliminaires intensifiées en étaient un indice suffisant. L’on a pris grand soin en effet à assurer le succès d’une démarche qui prétend offrir aux Arabes, avant leur prochain sommet, un modèle de relations bilatérales. Une...