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Actualités - CHRONOLOGIE

Archéologie - L’atelier de travail de l’Unesco adopte une série de recommandations Le trafic illicite des biens culturels entre conventions et réalités (PHOTOS)

Depuis plus d’une décennie, le trafic et le commerce des biens culturels sont devenus monnaie courante dans les ventes aux enchères partout au monde. Les prix exorbitants payés pour ces objets sur les marchés internationaux de l’art ont intensifié de manière effroyable les fouilles clandestines et l’exportation illicite des objets archéologiques et artistiques. Conscients des menaces qui pèsent sur leurs patrimoines, et convaincus de la nécessité de sa sauvegarde, des responsables de treize pays arabes se sont retrouvés, au bureau régional de l’Unesco à Beyrouth, à la mi-février pour débattre ce problème. Cet atelier de travail portant sur «le trafic illicite des biens culturels», d’une durée de trois jours, a donné naissance à une série de recommandations en seize articles. Les premiers d’entre eux concernent les conventions internationales pour la protection des biens culturels. Il s’agit d’un appel lancé aux pays arabes pour ratifier les conventions de l’Unesco de 1954 et 1970 portant sur «la protection des biens culturels en cas de conflits armés». À ce titre, il est important de souligner que si certains pays arabes n’ont pas encore signé ces conventions, l’ensemble d’entre eux n’a pas ratifié celle de l’Unidroit portant sur «les biens culturels volés ou illicitement exportés», réalisée à Rome en juin 1995. Les représentants des ces pays ont d’ailleurs demandé dans les recommandations de nouvelles clarifications sur cette convention afin de la présenter aux parlements de leurs pays respectifs. Cette convention établie par l’Institut international pour l’unification du droit privé (l’Unidroit) comble les lacunes de celle de 1970 et protége «tous les biens culturels qui revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art, la science». (art 2). Et elle estime que tout bien culturel issu de fouilles clandestines ou autorisées «mais illicitement retenu est considéré comme volé» (art 3) ce qui donne aux pays, possesseurs originaires de cet objet, le droit de réclamer sa restilution. D’ailleurs, ce sont les demandes de restitution qui ont été largement discutées dans cet atelier de travail. Car selon l’article 3 de cette convention, «une action de restitution d’un bien culturel faisant partie intégrante d’un monument ou d’un site archéologique identifiés ou faisant partie d’une collection publique n’est soumise à aucun délai de prescription autre que le délai de trois ans, à compter du moment où le demandeur a connu l’endroit où se trouvait le bien culturel et l’identité du possesseur et dans un délai de soixante-quinze ans à compter du moment du vol». Or pour les pays arabes, un grand nombre de leurs biens culturels ont été exportés durant les périodes ottomanes, de mandat ou de colonisation et qui souvent remontent à plus de soixante-quinze ans. Par conséquent, s’ils signent cette convention, d’une part, ils ne peuvent plus demander la restitution des leurs biens culturels exposés actuellement dans les grands musées européens et américains. Le droit de restitution d’objets exportés illicitement Les démarches traditionnelles pour la restitution des biens culturels, volés ou exportés illicitement, consistent à déclarer la disparition de l’objet, photos et fiches descriptives à l’appui, aux bureaux de l’Interpol et de l’ Organisation mondiale des douanes. Ces deux derniers se chargent alors d’informer leurs bureaux internationaux et de diffuser les photos et fiches des objets dans leurs différents moyens d’information. Ces démarches aboutissent, si les biens culturels volés ont été inventoriés et photographiés au préalable. Donc, il s’agit d’objets appartenant à de collections privées ou à des musées. D’ailleurs, c’est ainsi que le Liban a pu récupérer les statuettes d’enfants du temple d’Eshmoun volées du musée national durant la guerre pour être vendues en Suisse. Mais quelles sont les démarches à suivre pour les biens culturels non inventoriés ou photographiés et qui se vendent sur les marchés internationaux dans des ventes secrètes ou publiques ? Pour ces objets déterrés dans des fouilles clandestines et exportés illicitement en dehors de leur terre natale, les États n’avaient aucun droit de restitution jusqu’à la réalisation de la convention d’Unidroit. Cette dernière donne aux États le droit de récuprer ces objets s’ils portent des preuves «incontestables» sur l’origine de leur lieu de découverte. Pour cela, il faut qu’une inscription, précisant les noms d’une ville, divinité, ou roi, soit gravée sur le bien culturel. Toujours est-il que des objets portant de telles indications sont des denrées rares en archéologie et se vendent le plus souvent dans des ventes secrètes. En dehors de cette convention, et afin de ne pas avoir à entrer dans les dilemmes des demandes de restitution, les pays tentent de régler ce mal par voie législative. La plupart des pays arabes interdisent le commerce des antiquités, sanctionnent de lourdes amendes, d’emprisonnement ou même de mort, toute personne travaillant dans ce secteur. Ainsi, à titre d’exemple, la nouvelle loi des antiquités de la Syrie punit de vingt-cinq ans de prison toute saisie d’objets archéologiques volés, alors qu’en Irak en 1999, six trafiquants ont été pendus à Mossoul après avoir morcelé la tête d’un taureau ailé, en vue de l’exporter. Certes, les législations nationales et conventions internationales tentent de limiter le trafic illicite et de protéger les patrimoines culturels des pays, mais face aux pouvoirs d’achat et aux prix exorbitants des objets, quels moyens utiliser ? Le plus élémentaire serait celui d’exiger de tout possesseur de biens culturels le certificat des douanes légalisant son exportation de sa terre natale. Ce papier, non falsifié, légitimise la possession d’un bien culturel par un privé. Et si l’objet est illégalement exporté, il sera par conséquent, et selon la convention d’Unidroit, possible aux pays de les récuprer. Mais pour en arriver là, il faut que les pays «importateurs» de biens culturels aient signé cette convention. Ce qui malheureusement n’est pas le cas de certains d’entre eux, tels que la Grande-Bretagne et des États-Unis, où, ironie du sort, se trouvent les plus grandes galeries de ventes aux enchères de biens culturels dans le monde ! Comment expliquer toutefois le grand «rush» mondial pour l’achat des biens culturels et les prix exorbitants payés pour ces derniers ? Pour certains experts, il s’agit d’opération de blanchiment d’argent. Ces objets artistiques sont à valeur marchande garantie, voire même amplifie avec le temps. Alors, vouloir arrêter ce trafic est utopique, mais espérer le réduire peut être réalisable si les gouvernements coopèrent activement pour la sauvegarde de la mémoire culturelle de l’humanité. Ceci aurait été possible dans la République de Platon, mais dans un XXIe siècle régi par les lois du marché, faut-il en espérer tant ? Joanne FARCHAKH
Depuis plus d’une décennie, le trafic et le commerce des biens culturels sont devenus monnaie courante dans les ventes aux enchères partout au monde. Les prix exorbitants payés pour ces objets sur les marchés internationaux de l’art ont intensifié de manière effroyable les fouilles clandestines et l’exportation illicite des objets archéologiques et artistiques. Conscients des...