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Actualités - ANALYSE

Les consommateurs feront les frais de l’opération

Encourager la concurrence pour initier une baisse des prix et revigorer une économie défaillante est une initiative louable. À condition, bien sûr, qu’elle soit fondée sur une étude sérieuse du marché. «Nous voulons créer une ambiance de concurrence légale à l’ombre d’une loi qui protège le consommateur et qui assure une baisse des prix des biens et une amélioration de leur qualité», disait lundi le ministre de l’Économie devant un parterre d’hommes d’affaires, en parlant du projet de suppression de la protection dont bénéficient les agences exclusives. Mais rien n’est moins sûr : la concurrence existe et en l’absence d’un agent agréé, le consommateur risque de perdre l’assurance de la qualité et de la sécurité d’un produit. Ce qui fait peur dans la décision du gouvernement, c’est son caractère sibyllin. Le projet se limite à la définition que le ministre de l’Économie lui a donnée, indentique d’ailleurs à celle que son collègue des Finances a avancée à la presse. Pourtant, ce que le consommateur libanais voudrait surtout savoir, c’est comment l’abolition de la protection des exclusivités pourra favoriser une concurrence déjà existante et induire une baisse des prix sans que la qualité des produits ou le service après-vente, assuré par les agents, ne s’en ressente. Pas un mot sur ce point. «Le gouvernement ne se rend pas compte des conséquences de sa décision sur certains secteurs comme ceux des équipements médicaux, des appareils ménagers et des voitures», affirme un homme d’affaires. Dans ces trois domaines, ce qu’un consommateur ordinaire recherche, c’est la qualité et un bon rapport qualité/prix aussi. Avec l’ouverture envisagée et la disparition des agents, qui peut défendre les droits du consommateur en cas de mise en circulation sur le marché local de stocks d’équipements acquis auprès d’un sous-agent étranger, présentant des défauts mineurs ou graves, réparés à la va-vite et proposés comme provenant directement du fabricant ? C’est là où le bât blesse. Le gouvernement ne songe même pas à établir un réseau de contrôle. Qu’est-ce qui l’aurait sinon empêché d’en parler ? Prenons l’exemple du secteur automobile : que se passera-t-il en cas de rappel d’un véhicule présentant un problème technique ? Lorsque le cas se présente, au Liban ou ailleurs, l’agent distributeur prend contact avec son client, reprend le véhicule déficient, le répare aux frais du fournissseur, conformément aux normes qu’il établit, avant de le rendre à l’automobiliste, explique un membre de l’Association des importateurs de voitures. Qui assumera cette tâche, après la révision de la loi sur les agences exclusives ? Mystère. Le problème posé se rapporte à la sécurité du consommateur qu’est l’automobiliste, parce que avec l’abolition de la protection des exclusivités, il sera difficile de «retrouver la piste d’un client quand on ignore d’où il a acheté sa voiture, de s’assurer de la présence des pièces et des outils adéquats, ainsi que de la spécialisation de la main- d’œuvre et de vérifier que le travail accompli est conforme aux exigences du fournisseur», souligne cet importateur qui rejette l’argumentation officielle sur la baisse des prix. Pour deux raisons. La première se rapporte à la concurrence entre les marques qui «elle seule peut induire une baisse des prix» et qui dure depuis des années, contraignant les 32 agents importateurs, qui représentent 61 marques, à réduire sans cesse leurs marges de bénéfices et à offrir de nombreux avantages aux acheteurs. Il ne faut pas oublier non plus la concurrence avec le marché de voitures de seconde main. La deuxième raison se rapporte aux règles qui régissent le marché de l’automobile : «Une usine ne peut pas avoir plus d’un représentant par pays pour défendre son image. Avec l’abolition de l’exclusivité, un Libanais qui achètera des voitures auprès d’un agent d’un pays de la région paiera un prix supérieur à celui qu’il obtiendrait du fabricant et ne pourra pas assurer sur le marché local les garanties et le service après-vente fournis par l’agent. De plus, le prix de vente, fixé par le constructeur, est le même dans une région déterminée, comme le Moyen-Orient. La différence de prix entre le Liban et Dubaï par exemple s’explique seulement par le montant des taxes, notamment douanières, qui vont jusqu’à 75 % au Liban», explique l’importateur qui arrive à la conclusion selon laquelle «toute baisse de prix se fera au détriment du consommateur». Il insiste sur les investissements qui vont être réduits – alors qu’ils permettent aujourd’hui aux agents d’assurer un service de qualité exigé d’ailleurs par le fournisseur – dans un marché où la protection sera levée et sur l’effet domino de telles mesures qui entraîneront une suppression d’emplois ainsi qu’un affaiblissement du secteur publicitaire, fortement secoué d’ailleurs par la crise économique. Le marché de l’automobile fait vivre près de 700 familles, sans compter les sous-agences régionales qui pourraient être fermées. Sur le plan publicitaire, on voit mal un importateur faire la publicité d’un produit distribué par un concurrent. En prétendant vouloir voler au secours d’une population dont les difficultés socio-économiques ne cessent de croître, le gouvernement peut-il se permettre de faire preuve d’ameuteurisme et de porter un coup supplémentaire aux secteurs économiques ? Tilda ABOU RIZK
Encourager la concurrence pour initier une baisse des prix et revigorer une économie défaillante est une initiative louable. À condition, bien sûr, qu’elle soit fondée sur une étude sérieuse du marché. «Nous voulons créer une ambiance de concurrence légale à l’ombre d’une loi qui protège le consommateur et qui assure une baisse des prix des biens et une amélioration...