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Actualités - REPORTAGE

ARCHÉOLOGIE - Des sites remontant à la préhistoire fortifiés durant la période médiévale Les grottes, des postes militaires à enjeux stratégiques(PHOTOS)

La grotte a été pour l’homme le premier refuge, un lieu d’habitat, de sépulture, un sanctuaire et une forteresse. Son utilisation a changé au cours des siècles et des situations conflictuelles, et les vestiges conservés dans les différents niveaux archéologiques permettent une meilleure lecture de l’histoire. Les montagnes abruptes du Liban sont riches en grottes qui ont été utilisées tout au long des siècles pour diverses fonctions et qui ont subi des modifications à travers le temps. Si l’étude des vestiges remontant à plusieurs siècles nécessite des fouilles, les aménagements médiévaux sont eux apparents. Il s’agit souvent de fortifications apportées aux grottes à l’aide d’une grosse maçonnerie dont la datation varie entre le XIe et le XIIIe siècle. «Protéger les frontières intérieures des États latins, et en particulier assurer un contrôle des voies caravanières, était en fait une préoccupation majeure des Croisés, et elle a été attestée non seulement par la création d’une ceinture de sécurité formée de châteaux forts, de fortins et de tours mais aussi par la fortification des grottes situées généralement sur le versant ouest du Mont-Liban à des emplacements stratégiques», explique l’archéologue et chercheur Pierre Abi Aoun. Ces grottes sont situées en amont des voies de passage des caravanes reliant le littoral à l’intérieur. Ainsi voit-on, sur la route du Hermel, la grotte dite de Mar Maroun qui a certainement servi de poste militaire, ce qui est attesté par son architecture défensive et sa mention dans les chroniques des Croisés. Quant à l’ancienne «route du Cham», qui allait de Tripoli à la Békaa en passant par la vallée de la Qadicha et par les montages de Bécharré, elle était étroitement surveillée par les trois grottes fortifiées de Assi el-Hawqa, Assi el-Hadath et Delmass situées dans les hauteurs de Giobbet Bécharré. La route des caravanes reliant Beyrouth à la Békaa, par la vallée de Nahr Beyrouth, était pour sa part contrôlée par les militaires postés dans la grotte du Chir el-Rahb. Et pour la grande route de Saïda – Zahlé via Jezzine, la grotte de Chqif Tayroun n’était pas seulement un poste d’observation, mais aussi une «forteresse» pouvant abriter une centaine de soldats capables d’intervenir en cas d’urgence. Pour plus de sécurité et de surveillance, certains de ces postes d’observation étaient souvent «secondés» par d’autres situés sur le versant est du Mont-Liban et aménagés sur les versants angulaires des falaises. Ainsi, la grotte de Zilaya, l’unique grotte fortifiée aménagée sur le versant est du Mont-Liban, était reliée à celle de Chqif Tayroun. Toutes ces grottes fortifiées par les Croisés sont situées les unes en rapport visuel avec les autres et sont toujours dépendantes d’une forteresse. Car leur fonction première est de surveiller les voies des caravanes et d’avertir en cas d’urgence. L’équipement de la grotte «Ces grottes répondaient à des fonctions militaires différentes, souligne M. Abi Aoun. Les plus simples d’entre elles servaient de postes de guet et les plus grandes de postes de relais ou même de postes avancés. Si chacune est aménagée pour répondre aux besoins des militaires qui y vivent, elles sont cependant toutes protégées de façon identique», affirme M. Abi Aoun qui poursuit : «Le premier élément de défense est la non-accessibilité. Ces grottes sont perchées haut dans les falaises, le sentier y menant est étroit et malaisé, et un échafaudage en bois est nécessaire pour y entrer ou, défaut, l’utilisation de cordes s’impose. En outre, les grottes sont fortifiées par des murs épais taillés de meurtrières et bloquant leurs façades». Équipées aussi de l’intérieur, ces grottes renferment toutes des citernes d’eau sculptées dans le rocher et les plus grandes d’entre elles contiennent aussi des silos pour les réserves de céréales, comme ceux qu’on retrouve dans la grotte de Chqif Tayroun. Des graines de blé ont été retrouvées dans la grotte de Assi el-Hadath. Dans certaines grottes fortifiées, on a même construit un tannour (le four traditionnel). Le matériel archéologique datant de la période médiévale préservé dans ces sites est abondant ; les quelques ramassages de surface ont révélé l’existence de nombreuses pointes de flèches et des tessons de céramique. Par ailleurs, il est certain que la vie menée par les militaires postés dans ces cavernes ressemblait à celle des ermites. En fait, le manuscrit arabe écrit par un soldat mamelouk, découvert à Assi el-Hadath, montre le désarroi de cet homme ne supportant plus la solitude et demandant à être transféré dans un autre fort. «Sur le plan de la stratégie militaire, ces grottes fortifiées étaient de grande importance, note M. Abi Aoun. D’ailleurs, elles sont souvent mentionnées dans les traités de paix entre les Croisés et les Arabes, où il est très souvent question de partage de territoires». Si les citadelles et forteresses sont connues, ces grottes fortifiées le sont moins. Leur inaccessibilité les a préservées des destructions mais les a vouées à l’oubli. Les recherches et études systématiques, déjà entamées, sont multidisciplinaires, nécessitant un lien entre l’archéologie, l’histoire et la spéléologie. Joanne FARCHAKH
La grotte a été pour l’homme le premier refuge, un lieu d’habitat, de sépulture, un sanctuaire et une forteresse. Son utilisation a changé au cours des siècles et des situations conflictuelles, et les vestiges conservés dans les différents niveaux archéologiques permettent une meilleure lecture de l’histoire. Les montagnes abruptes du Liban sont riches en grottes qui ont été...