Rechercher
Rechercher

Actualités - RENCONTRE

FINANCES - L’ancien ministre propose un plan pour réduire de moitié le service de la dette Corm : « Il faut baisser les taux d’intérêt pour sortir de la crise »

Georges Corm a un point commun avec le Premier ministre Rafic Hariri : il est résolument opposé à la dévaluation de la livre préconisée par le Fonds monétaire international. Et, malgré la détérioration inexorable de la situation économique et financière du Liban, qu’il attribue «à l’inaction, aux mesures désordonnées, lentes et incomplètes qui ne traitent pas le fond du problème», l’ancien ministre des Finances ne croit pas à la fatalité de la crise qui menacerait le système bancaire et entraînerait une dévaluation de la livre. Pour «briser le cercle vicieux de l’endettement qui étouffe l’économie», il propose donc un plan de sortie de la crise qui permettrait de réduire de moitié le service de la dette au bout d’un an, sans recourir à une augmentation trop forte des taxes, à l’exception de la TVA. Le plan de Georges Corm repose sur une variable essentielle, les taux d’intérêt, dont le niveau réel, tant sur le dollar que sur la livre, est insupportable pour le secteur privé, car il décourage ses investissements, et pour le secteur public, car il plombe son budget par un service de la dette exorbitant. Le scénario proposé par l’ancien ministre s’articule autour de deux axes : diminuer de 1 700 milliards de livres le service de la dette et réaliser des économies budgétaires de 660 milliards de livres afin de réduire en un an le déficit budgétaire à moins de 30 % des dépenses, soit moins de 8 % du PIB, au lieu d’un niveau actuel supérieur à 50 % des dépenses (sans tenir compte de tous les arriérés de paiements). Le redressement ne doit pas s’accompagner d’une dévaluation, car une telle mesure risque au contraire d’aggraver le déficit, estime M. Corm, sans compter des effets sociaux dévastateurs dans un pays très fortement importateur. Selon lui, en effet, une dévaluation de la livre provoquerait une hausse du service de la dette en devises (qui a déjà beaucoup augmenté en 2001) dont l’ampleur serait équivalente voire supérieure aux gains sur le service de la dette en livres. La dévaluation risque en outre de provoquer une forte augmentation des taux d’intérêt sur la livre, entraînant à nouveau une augmentation du service de la dette en livres. Enfin, la dévaluation se traduirait par une augmentation automatique de certaines dépenses budgétaires liées aux importations, sans parler des ajustements de salaires auxquels le gouvernement devra procéder à plus ou moins long terme. Action concertée des banques Pour diminuer le service de la dette, l’ancien ministre pense que la Banque centrale et l’Association des banques pourraient mener une action concertée afin d’abaisser d’au moins 3 % les taux d’intérêt versés sur la livre et sur le dollar. Cette action ne sera possible que si l’État adopte en même temps le minimum de mesures d’assainissement des dépenses sans lesquelles il est difficile de demander aux banques une baisse des taux. L’économie réalisée serait de 903 milliards de livres. Selon Georges Corm, le Liban aurait dû profiter de la baisse mondiale considérable des taux d’intérêt. Il déplore qu’au contraire, les taux sur les émissions en dollars ont augmenté en 2001 par rapport à 1999 et 2000. Il n’est par ailleurs pas normal, dit-il, que la Banque du Liban offre du 8,5 % ou du 9 % sur les dépôts à trois ans en dollars effectués auprès d’elle par les banques libanaises. En fait, moyennant une pénalité qui ramène le taux à 7 %, les banques peuvent débloquer leurs fonds à tout moment, ce qui correspond à une rémunération effective des dépôts à vue de 5,25 % au-dessus du Libor. Une marge de 3 % ou de 3,5 % au-dessus du Libor pourrait être amplement suffisante pour conserver les capitaux aux Liban, estime M. Corm, si des mesures d’assainissement sont prise parallèlement, insiste-t-il, afin de rassurer les déposants par le début d’un plan cohérent de redressement financier. Baisser les taux suppose aussi de remplacer les trois dernière émissions conclues pour trois ans en dollars par d’autres emprunts souscrits par les banques libanaises à des rendements de 4 à 5 % supérieurs aux taux des bons du Trésor américain au lieu d’une marge actuelle de 8 %. Dans ce cas, les taux sur les bons en livres à deux ans pourront être fixés à 12 ou 12,5 % au lieu de 16,6 % actuellement. Une autre possibilité serait de réviser les taux tous les six mois en fonction de la performance budgétaire. Le plan de l’ancien ministre prévoit également d’échanger une partie des bons du Trésor en livres à deux ans détenus par la Caisse nationale de Sécurité sociale et l’Institut de garantie des dépôts (2 500 milliards de livres) par des bons en dollars à 7 ans portant un intérêt de 7 %, ce qui représenterait une économie de 175 milliards de livres et préserverait dans tous les cas la valeur des avoirs de ces deux institutions. La centralisation des comptes de toutes les entités publiques et des municipalités permettrait aussi une meilleure gestion des liquidités de l’État, ce qui entraînerait une réduction de la dette de 700 milliards de livres représentant une économie de 102 milliards de livres. Une meilleure gestion des réserves en or de la Banque centrale (sans vente de ce stock) apporterait 150 à 200 milliards de livres de recettes supplémentaires. Enfin, si les opérations de privatisation en cours amènent des recettes d’au moins 2 500 milliards de livres, le service de la dette pourra diminuer de 363 milliards de livres. Économie de 2 363 milliards de livres L’ensemble de ces mesures, explique Georges Corm, représentent une économie de 1 700 milliards de livres sur le service de la dette, soit une réduction de 40,5 %. Il faut parallèlement entreprendre des mesures d’économies budgétaires d’un montant total de 660 milliards de livres, poursuit l’ancien ministre des Finances. Ces économies ne peuvent excéder 10 % des dépenses du budget, dans la conjoncture actuelle, afin d’éviter des conséquences sociales difficiles, précise-t-il, ou un arrêt des dépenses d’investissement. Elles peuvent être réalisées en augmentant les prélèvements de retraites sur les salaires civils et militaires (70 milliards de livres d’économie) ou en diminuant par exemple diverses subventions (40 milliards de livres). Une révision de la part d’impôts redistribuée aux municipalités peut également apporter une économie de 150 milliards de livres. À cet égard, M. Corm propose de transférer certaines charges aux municipalités (enseignement primaire et aides sociales) ou de réduire le pourcentage des impôts transférés aux municipalités qui passera de 10 % actuellement à 5 %. L’ensemble des réductions possibles est détaillé dans l’encadré ci-joint. Au total, les économies réalisées par la réduction du service de la dette et une meilleure gestion des dépenses représentent 2 363 milliards de livres. Si on y ajoute des recettes supplémentaires dues à l’introduction de la TVA pour un montant de 700 milliards de livres, la réduction du déficit est de 3 063 milliards de livres. Celui-ci représentera alors 27,14 % des dépenses, soit moins de 8 % du PIB. Sibylle RIZK Scénario de sortie de crise En milliards de livres Réduction du service de la dette Dette Service de la dette Total dette intérieure 29 000 4 205 Unification des comptes du secteur public -700 -102 Réduction d’intérêts sur les BT à deux ans -903 Baisse des intérêts après conversion des bons de la CNSS et de l’Institut de garantie des dépôts -175 Recettes privatisations -2 500 -363 Total dette après économies 25 800 -1 543 Intérêt sur réserves en or de 4 000 milliards de livres -160 Total économies sur le service de la dette 1 703 Service de la dette après réductions 2 502 Autres réductions Part des impôts aux municipalités 150 Augmentation des prélèvements de retraite 70 Économie dans les offices d’électricité 100 Amélioration du contrôle du ministère de la Santé 50 Réforme du service militaire 75 Réforme des pensions militaires 100 Économies du personnel civil 20 Subventions 40 Économies à la présidence du Conseil des ministres 30 Autres économies 25 Total 660 Total des dépenses avant économies 9 500 Total après économies (y compris réduction du service de la dette) 7 137 Total des recettes avant TVA 4 500 Recettes de la TVA 700 Total recettes 5 200 Déficit 1 937 En pourcentage des dépenses 27,14 %
Georges Corm a un point commun avec le Premier ministre Rafic Hariri : il est résolument opposé à la dévaluation de la livre préconisée par le Fonds monétaire international. Et, malgré la détérioration inexorable de la situation économique et financière du Liban, qu’il attribue «à l’inaction, aux mesures désordonnées, lentes et incomplètes qui ne traitent pas le...