Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

IMPRESSION Résilience

«Ce qui ne me tue pas me renforce». C’est la devise des rescapés. Qu’ils le soient d’une enfance meurtrie dont ils bâtissent, sous les hématomes, la charpente d’une race d’adultes inaltérables, ou qu’ils soient nés, comme nous tous dans cette région du monde, dans des pays chaotiques, parmi la fureur, la mitraille, le sang et les larmes. Le pédopsychiatre Boris Cyrulnic s’est penché sur cette étonnante faculté des humains à triompher de leur fatalité. Il lui a attribué un terme de mécanique : résilience. C’est le nombre qui caractérise la résistance au choc des matériaux, cette faculté d’absorption qui les assouplit et les empêche de rompre. Et nous en avons absorbé, et nous en avons dégusté, nous tous qui sommes encore ici parce que le tireur embusqué ne nous a pas vus, parce que l’obus nous a manqués de près, que la mort nous a ignorés, ou que nous avons été coupés de nos racines, replantés loin de notre terreau naturel. Et nous sommes revenus, deux fois déracinés, et le passé nous rattrape encore, mais nous sommes là : résilients. Avec un regard neuf sur la vie et les choses, et la relativité du malheur : résilients. Avec une aptitude inégalée à voir le bonheur quand il y est, à l’accueillir dans l’instant où il passe : résilients. Avec nos ponts neufs, notre centre-ville de toutes les fêtes, les commerces qui foisonnent malgré l’acuité de la crise économique et le coût exorbitant de la dette publique. Avec notre compassion atavique, notre souci de l’autre, en badauds ou en bénévoles, la solidité de notre tissu social malgré l’acharnement de la guerre à le dissoudre. Avec la magie de «ma’alech» qui renvoie de lendemain en lendemain et à jamais le souci du moment. Résilients, encore, et dans ce mot tous les roseaux que nous sommes, pliés sous l’adversité comme sous un orage qui passe, rebondissant à défaut de casser. Résilients avec ce sentiment que tout peut nous arriver tant que nous pouvons encore redresser la tête et sentir la terre sous nos pieds. C’était une tradition de potaches, l’échange de mots nouveaux dans les cours de récré. Puis quand on a bien troqué son argot et son verlan, remercié sa reum et son reup d’avoir été plutôt bons parents, après avoir écumé les dictionnaires en quête de tout ce qui ne se dit pas et se fait encore moins, vient un jour où l’on se reçoit par hasard un mot qui touche dans le mille. Qui réveille les vieilles blessures en même temps qu’il les panse. Résilience. Comme c’est vrai ! Fifi ABOUDIB
«Ce qui ne me tue pas me renforce». C’est la devise des rescapés. Qu’ils le soient d’une enfance meurtrie dont ils bâtissent, sous les hématomes, la charpente d’une race d’adultes inaltérables, ou qu’ils soient nés, comme nous tous dans cette région du monde, dans des pays chaotiques, parmi la fureur, la mitraille, le sang et les larmes. Le pédopsychiatre Boris...