Opéra bouffe

L’art de garder deux fers au feu ! Alors même que, dans un suspense insoutenable, Mohsen Dalloul tentait de rabibocher les deuxième et troisième cerbères de la République, en les goinfrant de cerises hors saison à 25 000 LL le kilo, voilà maintenant qu’on passe à autre chose : rameuter chez nous en mars prochain les frérots, en évitant soigneusement qu’ils s’en mettent plein la gueule sous nos cieux agités. C’est fou ce qu’une bête réunion entre chefs d’État alliés peut prendre chez les Arabes des proportions dantesques. À croire que ces gens-là ne peuvent tout simplement pas avoir entre eux des amitiés normales ou des contentieux ordinaires. Quand ils sont en phase, c’est automatiquement «historique» avec des destins scotchés à la limite du roulement de pelle ; et quand ils ne sont pas d’accord, ça se termine dans les injures et le pugilat. Là où ailleurs un chef d’État se contenterait d’une rupture des relations, en cas de litige avec un partenaire étranger, faut que dans nos contrées, il le kidnappe et le passe à la tronçonneuse... Résultat, tu te retrouves dans la situation d’un grand pontife de Parlement obligé de serrer la main à un trucideur d’imam. Je te laisse imaginer un sommet européen en Chiraquie où viendrait parader Sylvio Berlusconnerie, lequel aurait enlevé puis découpé le cardinal Lustiger en rondelles de saucisson. Mais, bon, Isitiz Nabeuh et l’agité du bocal libyen s’y feront. À la limite, Mohsen Dalloul se fendra d’un nouveau kilo de cerises en les nourrissant à sa table. Quant au sommet arabe, il aura bien lieu à Beyrouth. On s’y réunira, s’y engueulera, puis comme d’habitude on y bouffera. En se postillonnant réciproquement «les-derniers-problèmes-de-l’heure-à-la-lumière-des-derniers-développements». Les hôteliers et traiteurs de la ville savourent déjà leur revanche : à défaut de sommet francophone, ils investissent déjà dans les mangeailles arabophones. Gaby NASR