CORRESPONDANCE Chef Ramzi dans le « New York Times »(PHOTO)

WASHINGTON-Irène MOSALLI Que fait une famille libanaise qui, pour célébrer la fin du jeûne du ramadan, décide de substituer la dinde au mouton farci ? Elle cherche la recette dans un livre de cuisine du cru et ne trouve rien. Une voisine vient à la rescousse en hurlant par la fenêtre : «Ouvrez de suite la télé, chef Ramzi est en train d’en donner la recette !». Cette histoire est rapportée par le New York Times dans son édition du 7 janvier qui, sous la rubrique Beirut Journal, publie un article intitulé Le chef du petit écran ajoute de la saveur à la cuisine arabe. La toque en question n’est autre que celle qui coiffe Ramzi Chouéri qui, depuis 1994, trône avec le succès que l’on connaît derrière les fourneaux de la chaîne al-Moustakbal. Le journaliste du quotidien américain l’évoque en ces termes : «Ramzi Chouéri (30 ans) est le premier chef ayant un show télévisé et ayant changé la face de la cuisine arabe. Il jongle avec les recettes anciennes et les concocte d’une manière neuve… Il est devenu un phénomène régional. Son émission transmise en directe et par satellite est devenue un must de Mascate à Marrakech et au-delà. Son livre de cuisine en est à sa 10e édition, ou 160 000 exemplaires partis comme des petits pains : un chiffre énorme au Moyen-Orient, où un ouvrage vendu à 5 000 exemplaires est considéré comme un best-seller». Plus de mille émissions Pour dire la grande popularité de cette vedette libanaise des fourneaux, le New York Times relate l’épisode suivant. Un jour, une abeille est tombée dans un plat crémeux qu’il préparait. Il l’a enlevée en assurant de suite son audience qu’elle n’allait pas polluer l’aliment. Comme on peut s’adresser à lui en direct durant l’émission, il reçoit un appel d’une téléspectatrice séoudienne qui lui suggère, par précaution, de jeter sa préparation. Suit l’interférence d’une Soudanaise qui lui dit qu’il aurait pu ne pas enlever l’abeille, considérée par le Coran comme un insecte exceptionnellement propre. Sur ce, un Syrien entre en ligne et demande que l’on arrête ces considérations philosophiques et que l’on continue à cuisiner. Quant au chef Ramzi, cuisiner pour le petit écran ne consiste pas uniquement «à frire des oignons et de la viande. J’ai voulu faire un programme culturel sur les aliments et mijoter l’histoire des plats et des vieilles recettes libanaises». On apprend aussi qu’au départ, chef Ramzi ne comptait pas suivre cette voie. Son père avait créé al-Kafaat, institut professionnel pour les jeunes handicapés. Ramzi qui, durant la guerre, faisait des études de droit à l’Université de Lyon, avait mis à profit ses vacances d’été pour s’initier à la cuisine dans le but d’améliorer le département traiteur d’al-Kafaat. Aujourd’hui, il le dirige. «Il a rédigé son ouvrage culinaire, écrit le New York Times, pour répondre au besoin des Libanais qui, émergeant de la guerre, avaient des envies de recettes variées, (le sien en contient 824), locales et aussi de saveurs étrangères… Son épouse Tanya Jammous (24 ans, dentiste) le renvoie souvent de sa cuisine, pour à la fois mettre son propre grain de sel et aussi pour confectionner des plats plus diététiques». Dans ses projets : un livre de cuisine portant sur les vieilles recettes libanaises. Il paraîtra l’été prochain en trois langues : arabe, français et anglais. Après plus de mille émissions, chef Ramzi trouve que sa tâche la plus ardue est de convaincre les Arabes de soumettre leur palais à de nouveaux goûts. «Ils savent, dit-il, ce que leurs mères et leurs grands-mères faisaient. Ils ne veulent pas déroger à ces recettes sacrées. J’essaie de dire aux gens de n’être pas prisonniers de cette manière de faire et de laisser leur imagination travailler. Ils commencent à le faire».