correspondance - À la Bibliothèque nationale - Tir groupé de 3 expositions - sur le monde arabe

Ses collections sont si riches que la BN peut se permettre, sans jamais donner l’impression de les épuiser, de nous offrir périodiquement des expositions sur le monde arabe. Voici même, et c’est une première, un tir groupé de trois manifestations, partagées entre les deux sites Richelieu (galerie Mazarine) et François-Mitterrand (Grande galerie). Du daguerréotype au « calotype » Le voyage en Orient en constitue un des thèmes, et il est vrai que la tentation est grande de sans cesse remettre celui-ci sur le tapis. Ce sont des images glanées entre 1840 et 1880 qui l’illustrent, correspondant à l’âge d’or de la photographie dans la région et œuvre d’une bonne trentaine de photographes dont plusieurs ont suivi l’itinéraire emprunté par Gustave Flaubert et Maxime Du Camp en 1848-1850. Un pionnier les avait précédés, le peintre, lithographe et historien de l’art Joseph-Philibert de Prangey qui, pour sa part, se lançait sur les traces de Chateaubriand autour du bassin méditerranéen. C’est la technique du daguerréotype qu’il utilisait, et le millier de plaques qu’il engrangea servirent à illustrer ses ouvrages sur l’art islamique. À partir de 1850, le «calotype» – négatif papier mis au point en 1841 – prit le relais, offrant des contours légèrement flous ainsi qu’un grain et un rendu qui convenaient parfaitement pour restituer les détails de l’architecture. Maxime Du Camp, qui finança son voyage d’Alexandrie à Beyrouth grâce à une mission archéologique du ministère de l’Instruction publique et ne fut photographe qu’à cette occasion, prit 200 «calotypes» en moins d’un an. Quant à l’Américain John B. Green, il en avait rapporté autant en 1854, plus mystérieux sans doute et plus propices à la rêverie, rassemblés dans son magnifique ouvrage sur Le Nil, paru dans un format géant à l’italienne. Félix Bonfils ne manque évidemment pas à l’appel, et il est vrai que son catalogue de 15 000 tirages – où figurent beaucoup de scènes de genre à partir de son installation à Beyrouth, en 1867 – fait de lui un acteur central de l’histoire de la photographie à cette époque. L’art du livre Se terminant par une évocation de quelques artistes arabes contemporains qui ont choisi de faire de la calligraphie leur source d’inspiration, la seconde exposition est centrée sur l’art du livre arabe dont elle présente les différentes facettes au cours d’une traversée à la fois chronologique et thématique. Celle-ci nous mène des manuscrits des Corans les plus anciens aux premiers exemples de livres imprimés au cours du XVIIIe siècle, le ralliement des Arabes à la technique nouvelle de l’imprimerie ne s’étant fait que tardivement, et après bien des réticences. Il dut en effet leur en coûter de renoncer à la magie dispensée par tous ces manuscrits aux somptueuses reliures dont ils goûtaient d’autant plus le contenu qu’il fallait parfois peiner à le déchiffrer. Le petit Idrisi Gros plan sur un très singulier géographe du XIIe siècle, la troisième exposition présente l’œuvre d’al-Idrisi qui fut appelé à la cour du roi de Sicile, le Normand Roger II, pour y élaborer un «atlas du monde connu» à cette époque. Premier géographe à avoir droit de cité en Europe, cet héritier d’une longue tradition cartographique réalisa une gigantesque et pointilleuse synthèse des travaux de ses devanciers, et Ibn Khaldoun lui-même devait par la suite reconnaître sa dette envers lui. On peut signaler pour l’anecdote qu’une version simplifiée de l’œuvre d’al-Idrisi fut rédigée en 1192 sous le titre Le petit Idrisi, preuve que le livre de poche n’est pas une invention contemporaine !