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Actualités - CHRONOLOGIES

SOCIÉTÉ - Les cadeaux aux « femmes libres » : des préservatifs - À Abidjan, objectif « Génération sans sida »

En haut d’un escalier mal éclairé, aux marches suintantes d’humidité, Monesta et ses camarades vivent entassées dans de toutes petites chambres à l’arrière de l’immeuble du cinéma «Aboussouan», non loin du marché du quartier populaire et grouillant d’Adjamé, à Abidjan. «Bonjour les filles ! C’est pour les capotes !». Casquette «Génération sans sida» vissée sur la tête, Sibiri Beban fait irruption dans le couloir et les apostrophe. Pour le compte du Programme national de lutte contre le sida (PNLS) ivoirien, Sibiri arpente inlassablement les bas quartiers d’Abidjan pour le projet PPP, «Prévention, protection des femmes libres et leurs partenaires», en clair la sensibilisation des prostituées aux risques du VIH. Parfois Sibiri arrive avec des «cadeaux», toujours les mêmes, des préservatifs. Et aussi, il s’enquiert de chacune, a un petit mot gentil, peut prendre contact avec une «nouvelle». «Moi au début, je distribue les capotes, deux par deux, dit-il. Ça fait pas beaucoup, mais on peut donner une information générale avec. Mon premier objectif dans un nouvel endroit c’est ça : expliquer la maladie, expliquer les capotes et leur parler de Koumassi». Séropositivité en baisse Koumassi, un centre médical dans un autre quartier d’Abidjan, qui fonctionne avec une aide américaine, destiné plus particulièrement aux prostituées et à la prévention des MST. «Chaque semaine, on a la visite médicale. Il y a un car qui vient pour nous transporter. Ils donnent des capotes, il y a les soins, des examens». Le visage tatoué au henné, Fati, vénérable matrone nigérienne, règne sur une cour commune d’Adjamé où vivent et travaillent une dizaine de filles haoussa venues du Niger. «Ici, il n’y a pas de filles malades, assure-t-elle via un interprète. Si y’a pas de capotes, les filles sont pas d’accord. Beaucoup de garçons, ils veulent sans, mais à cause de la maladie je suis pas d’accord avec ça». Sibiri questionne. «Et si il donne 10 000 ? Et si il dit 50 000 ?» (de 100 à 500 francs français, soit près de 15 à 75 dollars). Cela signifie dix à cent fois plus qu’une «passe» habituellement à 500 ou 1 000 francs CFA (5 à 10 FF, 0,75 à 1,3 dollar). «Tu vas prendre l’argent qui est cher et si tu tombes malade, tu fais quoi ? Filles là, on se méfie, si tu es en bonne santé, tu va pas payer plus alors qu’il y a maladie...», répond Adisa, bruyamment approuvée par Fati et Sibiri. Sibiri parcourt ainsi quelque 80 lieux où vivent des prostituées, principalement des étrangères, à travers Abidjan. Il estime à 4 000 environ le nombre de filles avec lesquelles il est en contact et se rengorge d’avoir distribué «trois millions de capotes» en 2000. Dans un paysage de prévention du sida très critiqué, alors même que selon les chiffres officiels la Côte d’Ivoire est le pays le plus affecté d’Afrique de l’Ouest avec un taux de séroprévalence qui atteint, voire dépasse les 10 %, le programme PPP est considéré comme un des rares succès par les spécialistes. Les derniers chiffres ne seront disponibles qu’en janvier, mais selon Sibiri, le taux de séropositivité est en baisse parmi les prostituées touchées par le programme.
En haut d’un escalier mal éclairé, aux marches suintantes d’humidité, Monesta et ses camarades vivent entassées dans de toutes petites chambres à l’arrière de l’immeuble du cinéma «Aboussouan», non loin du marché du quartier populaire et grouillant d’Adjamé, à Abidjan. «Bonjour les filles ! C’est pour les capotes !». Casquette «Génération sans sida»...