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Actualités - CHRONOLOGIES

Législation - Sous la houlette du CIPC, le projet de loi sur les mineurs est désormais prêt - Protéger les jeunes délinquants et la société, un défi difficile

Y a-t-il un avenir pour les mineurs délinquants, ces jeunes qui ont un pied dans l’enfance et un autre dans ce que le monde des adultes offre de plus laid ? Depuis des années, magistrats et associations sociales se penchent sur la question, avec un objectif double : aider les ados en difficulté et protéger la société. Le décret-loi de 1983 a, en son temps, essayé de trouver des solutions, mais aujourd’hui, sur une initiative de l’ancien ministre de la Justice Bahige Tabbarah, une commission de magistrats et d’experts, en collaboration avec le Centre international de prévention du crime (CIPC), a établi un nouveau projet de loi. Le projet, qui n’a pas encore été voté par le Parlement, se veut très moderne. Mme Renate Winter, ancien membre du CIPC et aujourd’hui juge à la Cour internationale, a suivi de très près l’élaboration du projet. Elle affirme aujourd’hui qu’au moins six pays arabes attendent son adoption par le Liban pour revoir leur propre législation. Mme Winter, ainsi que les experts du CIPC en mission au Liban, Mme Sylvie Slodzian, MM. Jean-Marc Granger et Georges Piguet, défendent d’ailleurs le projet avec passion. Pour eux, il s’agit d’une grande avancée dans le domaine de la protection des mineurs, même si au Liban, de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer le projet. Les voix discordantes viennent essentiellement de certaines associations sociales qui s’occupent des mineurs en conflit avec la loi, comme on dit désormais. Il s’agit notamment de l’UPEL (l’Union pour la protection de l’enfant) à laquelle la loi de 83 donnait un monopole au sujet des mineurs en faute. Les défenseurs du projet affirment justement que l’opposition de l’UPEL serait probablement due au fait que cette association perd dans le nouveau projet le monopole qu’elle avait avec les enfants délinquants. Le projet prévoit la centralisation de toute l’activité de protection de l’enfant au sein du département des mineurs, au ministère de la Justice. Ce département devrait faire appel aux associations pour l’aider dans sa mission. Ce qui signifie aussi que le département des mineurs a un droit de regard sur l’action des associations. Ce qui n’est sans doute pas du goût de ces dernières. On peut tout de même se demander comment, à l’ère des privatisations, on cherche à centraliser l’action sociale auprès des mineurs en la plaçant sous la seule responsabilité du ministère de la Justice. À cela, Mme Winter répond que même dans les pays les plus privatisés du monde, la justice reste entre les mains de l’État. Sans oublier le fait que les responsabilités du département des mineurs au sein du ministère se limitent à la coordination de l’action des ONG. D’autres griefs sont aussi avancés, auxquels les experts du CIPC répondent sans détour. On reproche par exemple au projet de consacrer l’aile pour les mineurs à la prison de Roumié, alors que la tendance générale, depuis la signature de la Convention sur les droits de l’enfant et les règles de Pékin, est d’éliminer l’idée de sanction au profit de la réhabilitation. Un magistrat, membre de la commission qui a préparé le projet de loi, reconnaît que la prison pour mineurs délinquants est maintenue, car, selon lui, la société libanaise n’est pas mûre pour l’abolition totale du principe de punition pour les criminels, fussent-ils mineurs. M. Georges Piguet, directeur du centre fermé de Valmont (Suisse), précise que la Suisse est le seul pays au monde à avoir aboli la prison pour mineurs, la remplaçant par les «centres fermés». Mais de toute façon, selon Mme Winter, le projet maintient certes la prison de Roumié, mais s’il est adopté, elle ne devrait pas abriter plus de 50 pensionnaires (actuellement, il y en a 160), ceux qui ont réellement accompli des crimes graves. Pour les autres, le projet favorise les solutions alternatives et, toujours selon Mme Winter, c’est la grande innovation de ce projet, qui, tout en cherchant à aider au maximum les jeunes, tient aussi compte de la composition de la société libanaise. Parmi les solutions alternatives, il y aurait l’obligation de suivre une formation dans les centres créés pour cette fonction, le placement dans une famille d’accueil, le paiement d’une amende ou encore l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, etc. D’une part, la cinquantaine de pensionnaires de Roumié seront mieux suivis et, d’autre part, les autres mineurs délinquants éviteront la prison et leur réinsertion dans la société sera mieux assurée. Un des reproches adressés au projet porte sur le fait que la responsabilité pénale du mineur est retenue à partir de l’âge de 7 ans. Les parrains du projet expliquent qu’il fallait bien en passer par là pour faire échapper l’enfant aux tribunaux religieux. En prévoyant une responsabilité pénale dès l’âge de 7 ans, le projet lui permet de comparaître devant un juge pour enfants au lieu du tribunal religieux. Enfin, le projet réduit le délai de présence d’une assistante sociale à l’interrogatoire du mineur de 24 h à 6 h. Ainsi, lorsqu’un enfant est arrêté, la police a six heures pour contacter une assistante sociale... Naturellement, les experts du CIPC rejettent toutes les allusions laissant entendre que les noms des délinquants mineurs sont communiqués à Interpol. Pour eux, c’est une totale aberration, une idée impensable. Ils ne comprennent d’ailleurs pas qu’on puisse attaquer le projet avec des arguments pareils. Avec les magistrats et les autres membres de la commission, ils ont travaillé pendant trois ans sur le projet afin de trouver des solutions aux problèmes spécifiquement libanais, tout en respectant les droits de l’enfant. Une loi n’est d’ailleurs pas un Évangile et elle pourra toujours évoluer selon les besoins de la société. De toute façon, le programme du CIPC au Liban consiste – en plus de l’aide à l’élaboration d’une nouvelle loi – à former des membres de la police judiciaire pour enfants, de façon à créer une véritable brigade des mineurs, ainsi que le personnel des centres de réhabilitation. Il s’agit donc d’un projet complet qui vise à améliorer la situation des mineurs en difficulté. Le projet a, en tout cas, le mérite de faire bouger les choses et peut-être faut-il voir dans les critiques qui lui sont adressées le conflit latent entre l’Unicef et le CIPC, tous deux affiliés aux Nations unies, l’une chargée des problèmes de l’enfant dans tous les domaines, sauf le pénal, et l’autre justement chargé du pénal des mineurs...
Y a-t-il un avenir pour les mineurs délinquants, ces jeunes qui ont un pied dans l’enfance et un autre dans ce que le monde des adultes offre de plus laid ? Depuis des années, magistrats et associations sociales se penchent sur la question, avec un objectif double : aider les ados en difficulté et protéger la société. Le décret-loi de 1983 a, en son temps, essayé de trouver...