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Actualités - BOOK REVIEWS

Vient de paraître - Ara Topjian : une vie sous le signe de la poésie

D’un volume «hugolien», mais aussi à l’inspiration «hugolienne» et jetant des embranchements entre contemplations, remous de cœur, écho du siècle et sourires lorsque l’enfant paraît, Poèmes de ma vie (édition imprimerie Sepian-381 pages) d’Ara Topjian est de ces rachitiques et hermétiques plaquettes de poésie, joliment relié et à la couverture en cuir bleu de nuit, renfermant avec une volupté romantique l’univers sonore et clair des rimes bien sonnantes. Musicalité toute en douceur, avec un arrière-fond jailli de l’innocence de l’enfance, enrobant des images empreintes de lumière, de tristesse, de joie et par-dessus tout vibrantes de sensibilité et de vie. Bien sûr la sempiternelle question : pourquoi un livre de poésie ? Pour sauvegarder le rêve, l’espoir, le goût du beau, des phrases ciselées comme un joyau et l’énoncé, l’étonnant raccourci des idées. Il n’y avait qu’un poète pour nous expliquer que la terre est une orange bleue... Pour être plus clair, afin de s’exprimer dans un monde pris d’assaut par l’informatique, les sciences et les machines... Ara Topjian, en loyal et parfait ami de la francophonie (heureuse coïncidence littéraire pour cet amant de la langue de Racine), a «commis» ce foisonnant album de famille où se pressent souvenirs, confidences, réflexions, descriptions, sensations, impressions. Un peu désuet ? Peut-être et sans nul doute (plus personne presque n’écrit plus comme cela, malgré une bonne maîtrise, à part un cercle restreint d’initiés !), mais il y a là certainement une bonne part de labeur à ajuster ces alexandrains ou quatrains serrés et tendus comme mailles, bien plus qu’une inspiration aux humeurs vagabondes pour une écriture dominée par une imagination fertile, indocile et libérée des contraintes d’une rigoureuse prosodie classique. Français impeccable et emploi subtil du verbe pour des poèmes dédiés d’abord à la France (qui a tant fait pour les Arméniens, souligne l’auteur), à sa mère, à sa femme et à ses enfants. Dans une vaste panoplie (et un registre abondamment varié) de thèmes abordés qui va du vol d’un papillon à la vue d’une sombre prostituée en passant par toute sorte de personnages (un coiffeur, un ivrogne, un boucher...) ou de grâce et force animalière (un moineau, un aigle...), cette poésie à la mélancolie souvent lamartinienne, à la sensualité vaguement musséenne, est de toute façon très fin XIXe siècle. D’ailleurs, de Verlaine à François Coppée en passant par Francis Jammes les hommages déclarés abondent. Teintée d’un brin de pessimisme, animée de grandes et inflexibles valeurs morales, coulée dans une expression élaborée et une versification sans faille, cette poésie, reflet amplificateur et lyrique d’une vie, est la voix, il est vrai un peu en écart de la tonitruance de notre époque, d’un idéaliste doublé d’un poète à la sensibilité vive, à l’écoute de lui-même et des autres. Extrait Il est bel et bien radin, il s’ignore ; Les autres sont d’ignobles malfaiteurs ; Il pratique le seul culte de l’or, Et la dépense le rend créateur. Ses yeux perçants, toujours inquisiteurs, Fouillent gens et choses à empocher ; De ses doigts crochus, il va tâtonner Un objet brillant, gisant en chemin. Il mange peu, car il n’a jamais faim. Dehors, il est vêtu de presque rien. Il ne dort guère, toujours alarmé. Il parle peu, craint de se dépenser. Il bouge à peine pour ne pas s’user, Et ne reçoit personne : il est rusé. Et s’il pouvait, il vivrait bien sans fin ; L’enterrement coûte, comme le pain. Son seul plaisir est de palper son or, Qu’il compte caché, rempli de terreur.
D’un volume «hugolien», mais aussi à l’inspiration «hugolienne» et jetant des embranchements entre contemplations, remous de cœur, écho du siècle et sourires lorsque l’enfant paraît, Poèmes de ma vie (édition imprimerie Sepian-381 pages) d’Ara Topjian est de ces rachitiques et hermétiques plaquettes de poésie, joliment relié et à la couverture en cuir bleu de...