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Actualités - CHRONOLOGIES

Interview - L’animateur d’« Apostrophes » et de « Bouillon de culture » à Beyrouth pour la finale locale des « Dicos d’or » - Bernard Pivot : Il faut rester modeste face aux écrivains

Bernard Pivot a fait hier la dictée aux Libanais au Grand Sérail. Le célèbre animateur des émissions littéraires Apostrophes et Bouillon de culture a, depuis qu’il a pris une semi-retraite en juin dernier, plus de temps disponible pour ses autres activités, dont les fameuses dictées : les Dicos d’or. Il est ainsi venu à Beyrouth donner personnellement la dictée aux 97 concurrents (adultes et scolaires) sélectionnés aux éliminatoires de la compétition d’orthographe organisée par Le Monde édition Proche-Orient et la Banque Libano-Française. Et dont les deux lauréats (un adulte et un junior) seront invités à participer à la dictée finale du 12 janvier 2002 à Paris. Il a également fait une seconde dictée à un public «hors concours», sans doute motivé par la curiosité de rencontrer cette «institution littéraire du petit écran français», autant, sinon plus, que par la joie de vaincre les pièges de l’orthographe française. Rencontre expresse avec celui qui restera dans les mémoires comme «l’homme livres» de la télévision française. Même s’il a passé la main à Guillaume Durand, son successeur direct sur France 2 (avec une nouvelle émission littéraire, Campus), Pivot est incontestablement l’homme culture du petit écran français. L’animateur qui a inscrit l’univers de l’édition sur la grille des programmes télévisés. Ce qui représente une gageure en soi. Mais au bout de 28 ans d’antenne, même s’il continue de défendre «le rôle d’éducatrice et la mission de la télévision, qui doit certes informer et distraire, mais qui doit aussi cultiver. Il faut savoir s’arrêter», dit celui qui ne peut pas abandonner complètement les livres. Et qui a donc repris la chronique littéraire du Journal du dimanche. S’il met entre parenthèses «le métier de lire»*, Pivot n’en reste pas moins actif... à la télé. D’une part, il continue de composer et d’organiser les Dicos d’or. Et, d’autre part, à partir de janvier 2002, il va s’atteler à une nouvelle émission, mensuelle, «qui ne sera pas du tout une émission consacrée aux livres ni une émission de plateau. Elle n’a pas de titre encore, mais elle a un lien avec la francophonie. J’y ferai des portraits d’hommes et de femmes qui, pour quelque raison que ce soit : la politique, l’amour, les affinités, etc., ont choisi d’ajouter la culture et la langue françaises à leur culture et à leur langue originelles. Je ferai alternativement un tournage en France et un autre à l’étranger». Rhumes psychosomatiques Gageons qu’avec cette nouvelle émission, le bouillonnant animateur de bouillon de culture ne succombera pas aux «rhumes psychosomatiques» qui le terrassaient lors des grandes interviews avec des pointures comme Alexandre Soljenitsyne, Marguerite Yourcenar ou Marguerite Duras... «Le corps réagit d’une manière étonnante, raconte-t-il. J’avais des rhumes formidables et au moment où j’entrais en scène, le rhume s’arrêtait». Derrière sa face publique sereine, vivante et enthousiaste, Pivot cachait l’angoisse d’un journaliste perfectionniste et parfois le trac d’un lecteur admiratif. «Certes, il est plus difficile de réussir une interview de Marguerite Yourcenar ou de Soljenitsyne pendant une heure et demie que de s’entretenir avec un jeune écrivain pendant dix minutes sur son premier roman. Ce n’est pas le même exercice, ni le même risque, ni la même jouissance. Mais il faut savoir être dans de bonnes dispositions aussi bien pour interroger le jeune auteur que pour interroger l’écrivain célèbre et reconnu». C’est la grande leçon du style Pivot. La clé de son succès ? «Une stratégie que j’ai adoptée naturellement. Et que l’on pourrait résumer de la manière suivante : travailler, être modeste avec les écrivains, aimer les livres et en parler avec passion et avec un peu d’humour». Un quinté, somme toute, gagnant, qu’il conseille aux jeunes animateurs de la relève. «Je craignais qu’après mon départ, il n’y ait plus d’émissions littéraires. Le service public (France 2 et France 3) les a maintenues. J’en suis ravi, bien que je regrette l’heure tardive à laquelle ces émissions sont reléguées». À ses successeurs, il conseille surtout «d’être eux-mêmes, de faire l’émission qu’ils ont envie de faire. Si elle réussit, tant mieux, si elle échoue, tant pis. Quand j’ai commencé en 1973, avec Ouvrez les guillemets, je n’avais jamais fait de télévision. On m’a parachuté en direct dans une émission qui n’a même pas eu de répétition ou de maquette. Je me suis alors dit : ce n’est pas grave. Si je réussis, c’est tant mieux, si je ne réussis pas, c’est que je ne suis pas fait pour la télé, et je resterai un journaliste de presse écrite». Il leur recommande aussi de «travailler beaucoup, de ne pas céder à la facilité de survoler le livre et de se faire préparer des rapports de lecture par des assistants. Parce que le public, qui est plus malin qu’on ne le croit, s’aperçoit de la légèreté avec laquelle ce journaliste fait son travail et, par conséquent, il ne le suit plus». Hissé au rang de guide suprême en matière de lectures, l’animateur, qui consacrait par une simple invitation sur son plateau toute jeune plume de talent, affirme «être resté naturel et modeste». «Modeste parce que j’avais en face de moi des écrivains. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut être toujours d’accord avec ce qu’ils disent. Il m’est arrivé de faire des reproches et des réserves sur les ouvrages d’auteurs, mais je n’ai pas été arrogant avec eux». Courriériste Bernard Pivot reconnaît qu’il a donné dans ses émissions la priorité aux romans historiques et aux romans tout court. Et qu’il a négligé «la bédé, la science-fiction et le roman policier», trois genres qui ne passionnent pas, ce disciple de «Voltaire, de Diderot», mais aussi ce féru de «Paul-Louis Courrier, de San Antonio et de Gide». Estime-t-il qu’il a contribué à la création d’une forme nouvelle de critique littéraire ? «Non. J’ai toujours dit que je ne suis pas un critique littéraire, mais un “courriériste” littéraire. C’est un vieux terme qu’on n’emploie plus beaucoup et qui vient de coureur. Celui qui court Paris, celui qui va là où il y a une information, un commentaire, une enquête à faire. Autrefois dans les journaux, il y avait beaucoup de courriéristes qui allaient à domicile interroger les gens, souvent les comédiens, les metteurs en scène, les comédiennes... Même si je ne vais pas chez les gens, puisque c’est eux qui viennent sur mon plateau, au fond, j’ai le même métier, je suis courriériste, dans le sens où je suis quelqu’un qui pose des questions, qui a une curiosité et qui veut que cette curiosité soit satisfaite par des réponses. Et c’est ce que j’ai fait pendant vingt-huit ans à la télévision», dit en conclusion l’homme qui lisait quelque 250 livres par an ! * Il a publié récemment «Le métier de lire», un livre d’entretiens avec Pierre Nora, dans la collection Folio de Gallimard.
Bernard Pivot a fait hier la dictée aux Libanais au Grand Sérail. Le célèbre animateur des émissions littéraires Apostrophes et Bouillon de culture a, depuis qu’il a pris une semi-retraite en juin dernier, plus de temps disponible pour ses autres activités, dont les fameuses dictées : les Dicos d’or. Il est ainsi venu à Beyrouth donner personnellement la dictée aux 97...