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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Rajel wa mra » de Mohamed Driss, ce soir au Madina - Le yin et le yang

Il est bien dommage de se heurter à la barrière de la langue quand il s’agit d’une pièce si parfaitement orchestrée, côté mise en scène. Difficile à déchiffrer pour les oreilles non habituées à l’accent si prononcé et au débit accélére du Tunisien dialectal, Rajel wa mra de Mohamed Driss reste quand même un festin pour les pupilles et les tympans. Dans cette pièce, qui constitue une adaptation très libre de trois kyogens du grand maître Zéami – La femme et le brigand (Kintôzaémon) Le dieu de la pierre et Buaku – le metteur en scène s’est inspiré de l’esprit du nô et de la méthode de travail qui caractérise ce genre. Quitte à égrener des lieux communs, disons que la gestuelle est dynamique, le jeu rythmé et inspiré, l’esthétique étudiée et les costumes… beaux. En trois tableaux et vingt mouvements, la pièce dissèque les relations complexes d’un couple désuni malgré les prouesses d’une tierce et intéressée personne (qui forme le troisième côté du triangle classique). L’homme. Il est affligé de tous les défauts caractériels. Rustre, oisif, suffisant, misogyne… Il n’a confiance en personne. Encore moins en lui-même. Il épouse une femme par l’intermédiaire d’un agent matrimonial. Ne pouvant gérer une relation affective normale, il sombre dans l’alcool et dans la brutalité pour tenter de dominer sa partenaire. Celle-ci, excédée, le quitte. N’acceptant pas l’idée d’être abandonné par une femme, il pousse sa vindicte jusqu’à la tentative de meurtre. La femme : une écorchée vive qui espère fonder un foyer stable et connaître le bonheur avec l’homme que l’agent matrimonial lui a choisi. Toutefois, elle découvre qu’elle a affaire à un grand enfant qui ne sait ni ne peut lui donner amour et protection. Elle décide de s’en remettre à l’agent matrimonial, auteur de son mariage raté. L’entremetteur : un roublard mais aussi un vrai professionnel, fonctionnant à la fois comme agent matrimonial et comme conseiller. Il joue le rôle difficile de conciliateur entre ses clients sur qui il exerce une influence pas toujours honnête. Dans cette guerre des sexes, chacun lutte pour sa survie. Contradictions, sentiments destructeurs de haine et de vindicte. Dans ce couple , si je suis malheureux, c’est la faute à l’autre. Et le spectateur de se demander : comment une union entre un homme et une femme qui ne se connaissaient pas au préalable peut-elle fonctionner ? Comment une relation d’épanouissement pourrait-elle s’établir entre deux êtres pour qui le mariage n’est qu’une façade et une façon légale d’échapper à la solitude et à la misère ? Rajel wa mra, sans se complaire dans la radioscopie de la misère humaine, dévoile avec tendresse et légèreté, humour et cynisme les côtés touchants des personnages en conflit. À travers le voile ainsi que le jeu sur la transparence, la translucidité et l’opacité, le spectateur décrypte avec ses sens des univers contradictoires : le réel et l’imaginaire, l’apparent et le caché, le raisonnable et l’absurde, le sérieux et le dérisoire, le sacré et le profane... Le yin et le yang ou le masculin-féminin qui est en nous.
Il est bien dommage de se heurter à la barrière de la langue quand il s’agit d’une pièce si parfaitement orchestrée, côté mise en scène. Difficile à déchiffrer pour les oreilles non habituées à l’accent si prononcé et au débit accélére du Tunisien dialectal, Rajel wa mra de Mohamed Driss reste quand même un festin pour les pupilles et les tympans. Dans cette pièce, qui...