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Actualités - CHRONOLOGIES

CORRESPONDANCE - « Va savoir », un divertimento - signé Rivette

Godard était le plus intellectuel des cinéastes de la Nouvelle vague, Resnais le plus novateur, Truffaut le plus affectif, Chabrol le plus sociologue, Rohmer le plus intrinsèquement Français. Et Rivette alors ? Disons, pour simplifier, qu’il était le plus... cinéphile. Truffaut – encore lui ! – me racontait qu’immanquablement, il allait voir un film par jour, et sans doute continue-t-il de le faire. Cela pour se tenir au courant de ce qui se tourne partout dans le monde, et sans craindre d’encombrer sa mémoire ou de subir des influences car son intime conviction devait être, dès l’origine, que tout ce qu’il pourrait bien entreprendre ne serait jamais que du Rivette. 15 pages de scénario De tous ses copains des Cahiers du Cinéma, il est le premier, en 1957, à tourner un long métrage, Paris nous appartient, lequel ne sortira qu’en 1960, devancé par Les cousins, Le beau Serge et Les 400 coups. Il n’est pas sans intérêt d’y revenir car, à cette époque où la pellicule se trouvait encore rationnée, le CNC (Centre national du cinéma) ne l’avait autorisé à réaliser qu’un court métrage. Or Paris nous appartient fait 140 minutes ! On peut voir là un signe. Qui annonce, par exemple, les 12 heures 30 minutes des 12 parties d’Out One (1971), dont il existe une version «compacte» de 4 heures. En fait, si les œuvres de Rivette donnent l’impression d’être extensibles ou réductibles sans dommage, c’est parce que leur préexiste une sorte de noyau dur, infrangible, permettant à leur auteur de multiples, sinon d’infinies digressions et combinaisons. Et c’est vrai de son dernier film, Va savoir, qui a un format praticable de 2 heures 40 minutes alors que le sous-tend un scénario de 15 pages seulement. Un scénario à partir duquel il a évidemment gambergé tout son soûl. N’avait-il pas intitulé un autre de ses films Merry-Go-Rond, et un autre encore «Divertimento» ? Oui, décidément, Rivette est d’humeur joueuse et ne cache pas qu’il aime à s’amuser. Personne ne semble y avoir pris garde, mais la vieille chanson de Peggy Le, Senza Fine, qui, délibérément utilisée à contre-emploi, accompagne le générique de fin, est peut-être une clé offerte au spectateur. Va savoir pourrait en effet se prolonger des heures durant et les personnages, qui se sont transformés sous nos yeux, continvent à se surprendre eux-mêmes et à nous surprendre. Un sac d’embrouilles Plutôt que l’artifice du film dans le film, c’est celui de la pièce de théâtre dans le film que Rivette a choisi, et celui-ci se révèle encore plus riche d’harmoniques puisque la pièce en question, Come tu mi vuoi (Comme tu me veux), nous jette d’emblée dans le dédale pirandellien. Une troupe de théâtre italienne la joue à Paris, l’occasion pour Camille (Jeanne Balibar) d’y revenir après trois ans d’absence. Elle vit aujourd’hui avec Ugo (Sergio Castellito) qui lui donne la réplique sur scène mais n’a pas oublié Pierre (Pascal Bonitzer), un professeur de philosophie qui fut le grand amour de sa vie. Si lui-même vit avec une femme de rêve (Marianne Basler), il ne l’a pas oubliée non plus. Un véritable sac d’embrouilles que viendront corser encore les héritiers d’un bibliophile aux mains desquels se trouve un inédit de Goldoni recherché par Ugo. Flirt sans conséquence, amour-passion, hystérie, jalousie taraudante, actes manqués, chassés-croisés, situations qui sécrètent leur suite logique ou leur antidote, rebondissements calqués sur les états d’âmes et les intermittences du cœur, tout cela se fond dans une narration à la fois rigoureuse, virtuose et fantasque : du pur Rivette, pour tout dire. Avec, parmi d’autres délectables morceaux de bravoure, le plus extravagant des duels – à la vodka ! – et le plus absurde des dîners en ville. Jeanne Balibar et Sergio Castellito : «Des personnages qui se transforment sous nos yeux».
Godard était le plus intellectuel des cinéastes de la Nouvelle vague, Resnais le plus novateur, Truffaut le plus affectif, Chabrol le plus sociologue, Rohmer le plus intrinsèquement Français. Et Rivette alors ? Disons, pour simplifier, qu’il était le plus... cinéphile. Truffaut – encore lui ! – me racontait qu’immanquablement, il allait voir un film par jour, et sans...