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Actualités - BIOGRAPHIES

LIRE EN FRANÇAIS ET EN MUSIQUE 2001 - Linda Lê : Le goût du désespoir…

Linda Lê a les yeux et les cheveux noirs. Comme la trame de ses romans. Mais contrairement à l’image que l’on peut se faire en lisant ses livres à l’univers glauque et ténébreux, Linda Lê n’a rien de la femme fatale, de la «cruella» qui promène son désenchantement de roman en roman. Lorsqu’on la rencontre (chez elle, à Paris, dans son petit salon au décor moderne et épuré), on est surpris par sa silhouette frêle, son allure juvénile, en jeans, baskets et pull noir tout simples, ses cheveux sages, lisses et longs. Cette jeune femme de 36 ans, qui dépeint dans ses livres des mondes d’outre-tombe, des atmosphères sombres, douloureuses et fantasmagoriques, n’a rien de la diva de la damnation. Même si à travers ses mots – qu’elle cherche et qui sortent comme dans un souffle tellement elle parle dans un murmure – on distingue une fêlure profonde. Même si ses yeux opaques reflètent, au détour d’une phrase, sa vision désespérée du monde. Son dernier ouvrage, Les Aubes, (Éditions Bourgois), écrit sous forme de confession d’un jeune homme qui a perdu la vue après une tentative de suicide, laisse percevoir vers la fin – après des passages d’une grande noirceur – une lueur d’espoir. Présage d’une réconciliation avec la vie ? Comme si Linda Lê était elle-même à l’aube d’une nouvelle écriture, délestée des traumatismes qui ont imprégné ses textes d’une encre plus que noire. C’est que tous ses précédent romans (Les évangiles du crime, Voix, Tu écriras sur le bonheur, Lettres mortes) évoquaient, d’une manière ou d’une autre, deux ébranlements majeurs dans sa vie. Le premier concerne la mort du père, seul et loin, ce qui a valu à l’auteur un sentiment de culpabilité qu’elle traîne comme un boulet. Le second est dû à une passion pour un homme cruel et égoïste qui l’a mené aux confins de la folie. Ces deux blessures de la vie, Linda Lê les a reconverties en matière à littérature. «J’ai le sentiment que toute littérature consiste à redonner la parole aux morts», dit-elle. À travers les fictions étranges qu’elle élabore, Linda Lê s’est ainsi attelée à un vrai travail de catharsis. Même si elle affirme «ne pas croire réellement à l’utilité de l’écriture comme thérapie». Elle reconnaît le pouvoir des mots – «un texte peut bouleverser le monde» – mais évoque leurs limites «dans la tourmente, la douleur, l’agression, les mots ne répondent plus», soutient celle pour qui la littérature est le seul refuge. Chroniqueuse Linda Lê a quitté le Vietnam à l’âge de 14 ans. Exilée depuis en France, elle a le sentiment «d’être de nulle part. Je n’appartiens plus à mon pays natal. Je suis étrangère dans le pays où je vis. La seule appartenance que je revendique est celle de l’écriture en français. C’est le seul domaine dans lequel je me retranche pour échapper au sentiment de solitude», dit-elle. Comment nourrit-elle son imaginaire ? «À travers les histoires qu’on me raconte, l’observation des gens dans la rue, les livres…». Les livres sont un rayon que cette chroniqueuse littéraire (notamment au magazine Elle où elle tient une rubrique intitulée «Dans les poches de Linda Lê»), connaît bien. Elle a aussi longtemps signé les préfaces de la collection Biblio en Livres de poche des Éditions Hachette. «Ça m’a fait découvrir un nombre impressionnant d’auteurs. Et beaucoup d’auteurs étrangers contemporains». Parmi les écrivains que cette jeune femme à la vaste culture cite, autant dans ses livres, qu’au cours de la conversation : Proust, Gide et un Libanais, Pharès Chidiac. «Un homme de lettres du XIXe dont j’ai lu “La jambe sur la jambe”, un roman traduit de l’arabe, qui m’a beaucoup marquée». Du Liban, où elle est invitée au Salon «Lire en français et en musique 2001» (au Beirut Hall, du 9 au 18 novembre), elle se représente des cèdres, la tombe de Gibran Khalil Gibran, des éléments tirés du récit de Jean Grenier Un été au Liban. Mélancolique et éthérée, un peu énigmatique aussi, Linda Lê est à l’image des personnages de ses romans : subrepticement complexe.
Linda Lê a les yeux et les cheveux noirs. Comme la trame de ses romans. Mais contrairement à l’image que l’on peut se faire en lisant ses livres à l’univers glauque et ténébreux, Linda Lê n’a rien de la femme fatale, de la «cruella» qui promène son désenchantement de roman en roman. Lorsqu’on la rencontre (chez elle, à Paris, dans son petit salon au décor moderne...