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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le chef du PSP fait le tour de la table avec « L’Orient-Le Jour » - Joumblatt : Nous sommes dans un monde - d’osmose entre SR et vie politique…

Que tous les peine-à-jouir se rasseyent : il n’a pas changé de cap. Il fait simplement ce qu’il a à faire, ce qu’il ne peut pas éviter de faire : prendre en compte la nouvelle donne. La crise de l’UL et la réaction naturelle de ses ministres dont l’avis n’a pas été pris en compte, lui et le chef de l’État, et le Premier ministre, la vie politique locale – ses ministres ne démissionneront pas, les relations libano-syriennes, l’après-11 septembre, et… les Services. Avec L’Orient-Le Jour, Walid Joumblatt a fait le tour de la table. Égal à lui-même comme depuis plus d’un an, l’homme qui porte sur ses seules épaules les espoirs d’un (très) grand nombre de Libanais à qui un vrai Liban manque plus que tout, a aujourd’hui – il le dit avec un grand éclat de rire – un nouveau cheval de bataille : l’écologie. Et c’est inestimable, la liberté. La liberté de manœuvre. De quoi continuer à donner à ses concitoyens quelque chose qui ressemble de près à de l’espoir. L’alarme qui sonne et l’incompétence de Mrad La question la plus souvent posée après le 11 septembre : comment faire pour ressusciter la vie politique libanaise ? On a l’impression depuis hier (depuis la mini-crise de l’UL, la décision de vos ministres de geler leurs affaires) que c’est désormais chose faite. Même si cette résurrection s’est faite, semble-t-il, dans le mauvais sens… «Il faut reprendre du souffle. Samir Frangié et Kornet Chehwane, les autres… Il faut redéfinir. C’est une nouvelle conjoncture politique depuis le 11 septembre, et ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile du tout». Prenons justement ce qui s’est passé hier. On a le sentiment que la décision de vos ministres dépasse la nomination du doyen druze. «De loin». Le sujet vous agace c’est visible. Vous voulez éviter que les nominations à venir – et on pense aux fonctionnaires de première catégorie – connaissent les mêmes couacs ? «C’est un détail. Parce que je suis bien entendu limité aux nominations druzes. Je n’ai pas le droit de nommer une personne non druze. Et encore…». Est-ce que tout cela est un début de crise politique – dont le but est un remaniement ministériel ? «Non. On sonne l’alarme. En espérant que l’on pourra rectifier le tir dans d’autres domaines. C’est une université qui tombe en lambeaux. Déjà, nous étions contre la nomination du recteur de l’UL (Ibrahim Kobeissi). Et le ministre de tutelle de cette université (Abdel-Rahim Mrad) n’est pas compétent». C’est donc une crise strictement limitée à l’université ? «Oui». Et vous ne réclamez plus un remaniement ministériel ? «Ce n’est pas moi qui peut faire un remaniement. D’accord, je l’ai souhaité. Mais après ? Ça ne donne rien. Personne ne m’a écouté». Et si l’on s’attarde sur les navettes effectués par moult officiers entre Émile Lahoud et Rafic Hariri, et sur les nombreux tête-à-tête entre ce dernier et Jamil el-Sayyed, on serait en mesure de se demander si la troïka, que les Libanais et vous-mêmes accus(i)ez de tous les maux, n’est pas un concept un peu dépassé, obsolète maintenant. Dépassé par les Services. «Après le camouflet essuyé à la Chambre par les députés et par Rafic Hariri, avec le fameux code de procédure pénale, le Premier ministre a perdu toute latitude au niveau de ses manœuvres politiques. C’est sa faute, ce n’est pas la mienne». C’est un constat d’échec que vous faites là ? «Non, ce n’est pas un échec politique. Il a décidé de ne pas continuer la bataille et l’échec c’était cette fameuse loi. Lorsque j’ai renormalisé ma relation avec les Syriens et avec le chef de l’État avant le 11 septembre, ce que je faisais n’était pas une médiation. Et ce que j’ai bien compris de la part des Syriens, c’est que, dans ce processus de normalisation, Jamil el-Sayyed peut jouer un rôle. Rafic Hariri a boudé au début, et puis après il a accepté». Vous lui reprochez d’avoir accepté ? «Non pas du tout. Pas question de reprocher. Je constate les faits, comme ils sont. Rafic Hariri lance de grands slogans, et nous, on espère. Mais tout cela ne débouche sur rien». Comment est votre relation aujourd’hui avec lui ? «Elle est bonne. Je ne peux pas décider le départ de mes ministres du gouvernement. Ça ne vaut pas la peine». Pourquoi vous n’en profitez pas pour crever l’abcès ? «Rien ne change». On vous empêche de créer une crise qui pourrait s’avérer salvatrice ? «Non. Je n’ai pas de contraintes. Je cherche à savoir comment m’orienter maintenant, à la lumière des nouvelles donnes régionales et internationales. Et je vous répète : je n’ai pas changé de cap. Mais on voit bien que notre action a été limitée à un seul groupe. Quand on réalise la manifestation ouvrière n’a réuni que 1 000 personnes plus 1 500 policiers. C’est malin, ça. Il n’y a plus de partis politiques libres, indépendants, il n’y a plus de syndicats». Le déjeuner de Moukhtara Vos ministres ont gelé leurs activités… «Non, ils ne les ont pas gelées. Pauvres ministres… Vous savez, le seul ministère qui m’intéresse est celui des Déplacés. Je ne veux pas que l’on dise que je bloque, maintenant, le retour des personnes déplacées. Quant au ministère de l’Information, il est loin de figurer pour l’instant parmi mes priorités. Enfin Fouad el-Saad est très bien, mais bien entendu toutes les études de réformes administratives qu’il fait vont tomber à l’eau. Parce que personne ne l’écoute». Vous continuez à soutenir Hariri ? «La question n’est pas là. Désormais, c’est grâce à la force d’inertie que l’on est là. Que tout le monde est là». Donc, vous subissez. Vous n’agissez pas. «On n’agit plus, non. En attendant de faire un nouveau langage politique, avec les partenaires d’hier. S’ils le veulent». Qui sont ces partenaires d’hier ? «Kornet Chehwane, Habib Sadek, etc». Pourquoi vous dites s’ils le veulent bien ? «Parce que je ne sais pas. Il faut que l’on se voit. On va se voir». Vous avez changé de cap depuis le 11 septembre ? «Non. Je n’ai pas changé de cap. Mais j’ai dit qu’il y a une nouvelle donne politique. À cause du 11 septembre. En même temps, il y avait déjà une donne politique antérieure, mais nous avons subi des échecs cuisants. Il y a eu un débat très vif, très intéressant, très animé, mais en fin de compte, ce sont les SR qui ont gagné». On en revient donc à la troïka : complètement dépassée ? «Écoutez, tout est question de style. Les SR sont là. Et on n’a pas pu définir cette frontière : où s’arrête le rôle des Services, où commence celui des civils». La frontière existe ? «Théoriquement oui. Sauf que maintenant, ils ont des excuses très, très valables. Valables entre guillemets évidemment. Et lorsque l’on demandera que leurs prérogatives soient limitées, ils nous diront d’aller voir ce qui se passe aux États-Unis, avec la nouvelle loi antiterroriste des Américains». Arrêtons-nous sur le déjeuner de samedi. On s’est égosillé, du côté de Baabda, en répétant que tout ceci n’est qu’une histoire de familles. Qu’est-ce que c’est, ce déjeuner ? Est-ce que vous avez mené à son maximum la logique du leader national de l’opposition qui ne cesse d’appeler au dialogue depuis plus d’un an ? Est-ce que vous avez viré de bord ? «Nous avons abouti au dialogue. Très bien. Maintenant il faut considérer les donnes du dialogue. À savoir : la façon d’administrer l’État, les libertés, va-t-on poser de nouveau la question des Syriens ? Je l’ai posée, cette question il y a longtemps. Je la repose aujourd’hui. Est-ce que le président peut améliorer les conditions de la présence syrienne au Liban. Arriver à un rééquilibrage ? Moi, je n’ai pas pu. Le peut-il lui ? Et puis arrêtons de gonfler à outrance ce déjeuner. Il m’a invité trois fois à déjeuner. C’est un interlocuteur qu’on ne peut pas dépasser. C’est l’interlocuteur avec lequel on pourrait rééquilibrer les relations libano-syriennes. C’est tout. Il n’y a aucune conspiration. Je ne suis plus le rempart des uns contre les autres. Ça suffit. Et quand je suis lâché, que je me sens seul, qu’est-ce que je fais ? Que je continue à être un rempart ? J’ai ma liberté de manœuvres. Et d’autres chats à fouetter». Rassurez la grande majorité des Libanais : vous appelez toujours à un rééquilibrage des relations entre Damas et Beyrouth ? «Oui, je le demande. Certainement». Et vous en êtes où par rapport à Bkerké ? «Le patriarche tient toujours le même langage. Mais il est seul aussi. Parce que fondamentalement, nous n’avons pas eu de partenaires musulmans». C’est la clé ? «Oui, bien sûr. Le seul qui aurait pu jouer un rôle de stabilisateur, c’est Rafic Hariri. C’est le Premier ministre. N’a-t-il pas voulu ? N’a-t-il pas pu ? Je ne sais pas…». La Syrie et l’après-11 septembre Un mot sur l’uniformisation, le clonage des partis chrétiens sur le mode ultraloyaliste ? Est-ce que c’est bon pour une vie politique saine, ça ? «Non. Ce n’est pas sain. On crée des partis pro-pouvoir, ça fait partie du jeu des SR. Et puis les partis soi-disant musulmans, ce n’est pas mieux. Nous sommes tous dans le même panier. De crabes». Où vous en êtes par rapport au Hezbollah ? Vous pensez qu’il a toujours une raison d’être militaire, après le 11 septembre ? «C’est limité à Chebaa. Et c’est risqué. Mais jusqu’à maintenant, ils se sont très bien comportés. Parce qu’ils savent très bien que l’enjeu est important, une espèce de ligne rouge». Vous pensez que le Liban peut répondre aux attentes de la communauté internationale – notamment concernant la résolution 1 373 de l’Onu ? «Nous ne sommes pas les seuls à être dans le même cas. Il y a la Russie, Israël, l’Arabie séoudite. Lentement, la nouvelle donne internationale va nous obliger à rentrer dans cette soi-disant norme». Et la Syrie ? «De nouveau, après le 11 septembre, on aura besoin de la Syrie. Surtout pour la question des fondamentalistes, des intégristes. C’est une donne sécuritaire. Mais pour régler la question, le sécuritaire n’est pas tout, loin de là. Il y a l’économique, le social. Comment développer les régions déshéritées sunnites : Akkar, Bab el-Tebbaneh, Tripoli». Comment vous expliquez le “oui mais” de Damas à Tony Blair ? «Les Syriens ont toujours eu une position à part. Ils ne peuvent pas se lancer dans une campagne antiterroriste sans contrepartie. Et là, le minimum, c’est le Golan». Le cadeau de la Syrie ne pourrait pas être une carte encore plus blanche au Liban ? «Je ne sais pas. C’est une possibilité». À l’époque des attentats du 11 septembre, vous avez réagi d’une façon assez surprenante. Vous avez été parmi les premiers à condamner fermement ce qui s’était passé, et puis vous avez eu des mots très durs à l’égard des Américains. «J’ai condamné le terrorisme en condamnant, à ma manière, la politique US. Et les Arabes qui pensent qu’il y aura une solution en Palestine ou que l’Occident va faire pression sur Israël sont un peu fous. L’histoire se répète. Et le minimum que daigne nous donner M. Pérès, c’est le retrait de 7 000 colons d’autour de Gaza, qui comporte un million d’habitants. Et qu’on envisagera beaucoup plus tard de parler du futur de Jérusalem qui sera complètement judaïsée». Le clash Bush-Sharon est visible maintenant, vous ne croyez pas ? «Il y a peut-être un clash de personnalités à très court terme, mais pas un clash stratégique. L’entraide israélo-US militaro-sécuritaire en Ouzbékistan ou en Turquie est très profonde : Israël est une base». Vous ne pensez pas que la clé de la lutte contre le terrorisme est le règlement de la crise du P-O ? «Nous n’avons pas de poids, un poids pour contrebalancer. Même le pétrole. Qu’elle soit contrôlée par un intégriste, un terroriste, ou un soi-disant modéré, il faut bien la vendre cette matière. Ces régimes sont intégrés dans l’économie occidentale. Et sur le plan du développpement et de la sécurité». Comment ça va finir tout cela ? «Ça finira quand les Arabes n’auront plus de pétrole…». Et Ben Laden ? C’est un mythe, non ? «C’est vrai que c’est un mythe dans le monde arabe. En Turquie, il paraît qu’on a interdit aux parents d’appeler leur nouveau-né Oussama. On a besoin d’un héros. C’est sans doute le mauvais, mais les Arabes ont besoin d’un héros, nous sommes tellement frustrés. C’est une haine contre nos dirigeants et contre les dirigeants arabes. Et pas une haine contre les Américains eux-mêmes. Mais c’est vrai que c’est grave. Ça ramène au débat fondamental : les libertés et la démocratie dans le monde arabe. Et pas uniquement au Liban». Quelle est votre bataille maintenant ? Si vous ne vous mettez pas quelque chose sous la dent, vous allez vous ennuyer. «Maintenant, c’est l’écologie. C’est très intéressant. Il y a les carrières. Les biens-fonds maritimes. Un projet de loi qui autoriserait n’importe qui à utiliser les fonds publics à outrance. En pleine crise entre les présidents, un projet de loi s’est glissé au Parlement. Comment ? Je ne sais pas. Posez la question au ministre des Travaux publics». Plutôt deux fois qu’une.
Que tous les peine-à-jouir se rasseyent : il n’a pas changé de cap. Il fait simplement ce qu’il a à faire, ce qu’il ne peut pas éviter de faire : prendre en compte la nouvelle donne. La crise de l’UL et la réaction naturelle de ses ministres dont l’avis n’a pas été pris en compte, lui et le chef de l’État, et le Premier ministre, la vie politique locale – ses...