Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSES

Dar el-Fatwa consent à mettre - de l’eau dans son vin

Dérogeant au consensus national de retenue, les ulémas s’étaient distingués, depuis le déclenchement des opérations américaines en Afghanistan, par la virulence de leurs attaques contre les États-Unis. Cette campagne a culminé avec les tirades en flèche du mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, déclarant que «nous n’acceptons pas qu’un peuple musulman innocent soit égorgé par les États-Unis d’Amérique, comme cela se produit en Afghanistan». Le chef du gouvernement s’en est alarmé : n’allait-on pas provoquer, par des proclamations aussi enflammées, des déchirures au sein d’une société libanaise composite qui a plus que jamais besoin de rester unie ? Circonstance aggravante aux yeux de M. Hariri : c’est devant un aréopage d’officiels représentant les trois présidents, mais aussi de dignitaires religieux mahométans et de personnalités chrétiennes diverses, que le mufti s’était exprimé. En effet, une réception protocolaire de félicitations avait été organisée à Dar el-Fatwa à l’occasion de la fête de l’Ascension du Prophète (al-Issraa’wal Miiraj). Le président du Conseil s’est donc hâté de convoquer, mardi dernier, les pôles religieux sunnites. Pour leur rappeler à la fois les nécessités de la stabilité intérieure et le danger qu’il y aurait à servir les desseins de l’ennemi israélien par des positions ultras. Auparavant, M. Hariri avait notifié le mufti de son mécontentement, par le truchement d’un émissaire. Fermement, quoique de manière officieuse, il avait prié cheikh Kabbani de ne pas outrepasser les lignes tracées par l’État. En affirmant, au risque de paraître brider les libertés constitutionnelles qui lui sont chères en temps ordinaire, que dans une phase aussi délicate, nul ne peut se permettre de déborder les limites fixées par le pouvoir. Qui est seul en charge de la défense des intérêts bien compris du pays, face aux défis cruciaux de l’heure. En réalité, il convient de le souligner, le mufti a résisté autant que faire se peut, aussi longtemps que possible, à la montée des pressions exercées par les cadres religieux et par d’autres figures sunnites, indignées par les attaques américaines contre le peuple afghan. Et surpris qu’il n’y ait pas de réaction conséquente de la part de Dar el-Fatwa. Le mufti a fini par répondre à ces appels de la base. S’y voyant en quelque sorte autorisé par l’attitude négative adoptée à l’encontre de la Syrie par le secrétaire d’État adjoint US, M. Richard Armitage, qui a mis en garde Damas au sujet de son soutien présumé au terrorisme. Cheikh Kabbani s’est donc résolu à intervenir. Et il l’a fait d’une façon à couper court à toute surenchère possible. D’abord en saisissant une occasion purement protocolaire, symbolique de la coexistence. En pensant, visiblement à tort, qu’en ayant à ses côtés des figures de proue religieuses mahométanes, des personnalités chrétiennes et des officiels, sa proclamation bénéficierait d’une sorte de couverture nationale. Ce qui ne pouvait pas être le cas, du moment qu’il a tenu un discours anti-américain d’une sévérité de ton insurpassable. Finalement, le président Rafic Hariri, qui bénéficie comme on sait d’atouts majeurs au sein de sa communauté, a réussi à convaincre les ulémas de calmer le jeu. Ils lui ont promis de ne plus dévier de la ligne prudente voulue par l’État et que respecte la quasi-totalité des forces politiques du pays. Et pour bien souligner sa bonne foi, Dar el-Fatwa doit, en principe, organiser ce vendredi même à demeure une réunion spirituelle multiconfessionnelle, pour publier un manifeste commun. Libanais. C’est-à-dire prenant en compte les souffrances du peuple afghan innocent, sans oublier les victimes du terrorisme mondial ni l’exemple de fraternité humaine que ce pays offre à tous.
Dérogeant au consensus national de retenue, les ulémas s’étaient distingués, depuis le déclenchement des opérations américaines en Afghanistan, par la virulence de leurs attaques contre les États-Unis. Cette campagne a culminé avec les tirades en flèche du mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, déclarant que «nous n’acceptons pas qu’un peuple...