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Actualités - OPINIONS

Opinion - Pour une politique de l’éducation -

Pour bien dessiner une politique de l’éducation, il s’agit d’abord de poser clairement les problèmes dont souffre notre société actuelle, depuis l’indépendance, en passant par la guerre et ses errements, puis par la reconstruction qui a entraîné un profond déséquilibre des classes sociales. Il s’agit ensuite de définir la société que nous souhaitons voir s’établir, tout en gardant à l’esprit que la société de demain repose sur la jeunesse d’aujourd’hui. L’État de droit et des institutions est l’œuvre de citoyens capables d’abord de construire, puis d’entretenir, un tel État. C’est pourquoi l’éducation doit occuper une place primordiale dans la politique d’aujourd’hui. C’est une politique de longue haleine dont il faut, d’ores et déjà, poser les jalons. La politique que le pacte national a mis en place repose sur un contrat conclu entre partenaires confessionnels de manière à accorder à chaque confession son lot dans la participation de la gestion de l’État, tant sur le plan politique qu’administratif, garantissant une certaine indépendance intra-communautaire. Cette formule devait être provisoire pour évoluer vers plus d’égalité entre citoyens et moins de privilèges confessionnels, vers la consolidation du pouvoir démocratique. Mais, contrairement à ce qui était souhaité, cette indépendance intra-communautaire s’est développée aux dépens de l’État, touchant de nombreux secteurs, essentiellement celui qui nous intéresse ici : l’éducation. L’État s’est désisté de ce côté fondamental de ses obligations, ignorant ses devoirs élémentaires de lutte contre l’analphabétisme, ses responsabilités dans la formation du citoyen, négligeant le niveau de l’instruction, la qualité des programmes ou l’état des locaux. Les institutions privées, écoles et université, ont pris la relève, quelquefois même avec une subvention de l’État, creusant plus profondément le fossé entre elles et les institutions publiques. Les partenaires du pacte national étaient issus de familles le plus souvent féodales, mais ils savaient prendre en compte les intérêts de leurs concitoyens, respectant certaines limites, certaines règles du jeu et même une certaine éthique, dans le but de maintenir un équilibre permettant la viabilité du Liban. Malheureusement, les dissensions de l’éducation dans les diverses institutions, ont créé des individus ayant des conceptions de la patrie, de l’appartenance, de l’arabité totalement différentes. Nous avons assisté et continuons d’assister à une grande confusion : entre patrie et communauté ; entre libanisme et arabité ; entre foi et fanatisme ou sectarisme ; confusion entre bien public et bien privé ; confusion entre la personne du «zaïm» et l’Institution ; confusion entre le droit exigible et la faveur que l’on mendie, sans compter, souvent, avec une totale méconnaissance par le citoyen de ses droits. Tout cela ne pouvait qu’aboutir à un conflit qui s’est matérialisé par la guerre. Aujourd’hui, nous sommes devant une situation économique gravissime directement liée à l’absence de politique clairvoyante, politique qui a relégué au second plan le rapprochement des citoyens entre eux, base fondamentale pour la construction d’une vraie nation. Les citoyens, complètement démunis face à l’adversité, se sont repliés sur leurs communautés respectives, leur clan ou leur «zaïm» et cachent difficilement l’exacerbation de leur sectarisme ; la corruption entretenue par un clientélisme poussé à l’extrême paraît à première vue insurmontable. À côté de cela, une duplicité du langage, une analyse très superficielle de la situation ou la politique de l’autruche, ont empêché de faire face à la réalité et ont par conséquent escamoté les solutions aux vrais problèmes. La situation est-elle insoluble pour autant ?. Certes, le règlement de la crise économique est essentiel, vital ; mais faut-il attendre son règlement pour essayer de trouver des solutions à tous les autres problèmes ? Je pense que l’on peut, dès à présent, présenter un certain nombre d’idées, tout à fait réalisables, dans le but de rapprocher les citoyens entre eux, mais surtout de former le citoyen libanais qui remplacera des citoyens sectaires qui, même s’ils se côtoient, n’ont pratiquement aucun rapport les uns avec les autres. L’école est l’endroit idéal pour atteindre ce but et on peut déjà commencer à améliorer la qualité de l’enseignement, orienter les élèves selon les aptitudes ou les aspirations et combler les fossés qui les séparent les uns des autres. Je propose, à titre d’exemples, quelques idées que l’État pourrait appliquer : 1- unification des programmes dans les secteurs public et privé ; 2- enseignement de l’histoire des religions à tous les élèves, sous la rubrique culture, l’enseignement religieux proprement dit étant réservé aux lieux de culte respectifs ; 3- modernisation des méthodes afin que les programmes soient autant éducationnels que dispenseurs des connaissances ; 4- mise en place d’ateliers de groupes ; 5- renforcement de l’éducation civique en essayant d’allier les études théoriques à l’application dans le comportement quotidien et insistant sur l’apprentissage des valeurs démocratiques, sur les concepts de liberté, d’égalité, sur les principes moraux, l’acceptation de l’autre ; 6- planification pour une école publique gratuite et obligatoire ; mise en place de colloques réguliers pour les enseignants afin qu’ils puissent partager et profiter de leurs expériences respectives ; 8- encouragement des rencontres interscolaires, intercommunautaires, interrégionales avec élaboration de projets communs : projets artistiques, sportifs, culturels, de loisirs, en ayant soin de rapprocher ceux qui ont des goûts ou des aptitudes similaires au-delà de tout régionalisme ou confessionnalisme. Au lieu de nous considérer comme opposés et différents, notre regard et notre attention se porteront dans la même direction, ce qui permettra de tisser l’étoffe de la vraie citoyenneté, laquelle seule peut consacrer l’unité nationale ; 9- l’ouverture à toutes les idées positives qui vont dans le même sens, qu’elles viennent des éducateurs, des élèves, des spécialistes ou des citoyens qui s’y intéressent. Sur un autre plan, la politique de l’éducation devrait, d’une part, être axée sur les spécialités nécessaires aux besoins du pays ; à cet effet, il faut d’une part encourager et réhabiliter les études techniques, les moderniser, créer des branches spécialisées, et d’autre part fixer des objectifs à atteindre pour faire évoluer le pays, et donc favoriser une vraie recherche scientifique dans tous les domaines académiques. Notre pays conservera ainsi tout son potentiel humain. À ce propos, on ne saurait assez insister sur l’indépendance de l’Université libanaise du point de vue scientifique et surtout académique, tout en sachant qu’elle doit entretenir un rapport de coordination avec les diverses administrations et autres secteurs du pays pour pouvoir s’adapter aux besoins. Sans chercher à vouloir l’unifier ou la diviser, pour préserver tel ou tel acquis politique, il ne faut pas perdre de vue que le rôle de l’Université libanaise est de rechercher avant tout l’intérêt de l’étudiant dans la qualité de sa formation, tout en tenant compte de la situation économique actuelle ainsi que du contexte géographique du pays ou des distances à parcourir. Son rôle, non moindre, est également de rechercher l’intérêt du pays ; elle permet de refléter l’ambition du Liban de récupérer et de conserver son rôle académique, scientifique, culturel, prépondérant dans la région, mais aussi son rôle d’ouverture, d’humanisme par le respect des droits de l’homme et par son système démocratique. L’éducation reste le socle de la Nation. L’école est obligatoirement le reflet de la société. sa conception doit correspondre à notre conception de la société. Les résultats attendus sont fonction de l’orientation que nous lui donnons. À nous, citoyens, de voir si nous voulons réellement un Liban démocratique, unique et uni. Si tel est le cas, nous devons tous y participer et astreindre les décideurs à prendre les mesures nécessaires pour cela... Mais la vraie question reste : le voulons-nous ?
Pour bien dessiner une politique de l’éducation, il s’agit d’abord de poser clairement les problèmes dont souffre notre société actuelle, depuis l’indépendance, en passant par la guerre et ses errements, puis par la reconstruction qui a entraîné un profond déséquilibre des classes sociales. Il s’agit ensuite de définir la société que nous souhaitons voir...