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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - Nagi Souraty construit une structure où chaque acteur, chaque objet, pensé, travaillé est à sa place - Un accent de vérité

L’accent impur de Richard Millet, dans une mise en scène de Nagy Souraty, est à l’affiche du théâtre al-Madina, dans le cadre des activités de la francophonie. Un rectangle blanc pour aire de jeu. Des bancs, des rideaux, un drap recouvrant un canapé… Tous blancs. Un piano et une télévision complètent le décor. Géomètre de l’espace autant que metteur en scène, Nagi Souraty construit une structure où chaque acteur, chaque objet, pensé travaillé, est à sa place. La pièce a quelque chose des montagnes russes. Pas d’intrigue proprement dite. Quatre membres d’une famille typiquement libanaise gravitent autour du visiteur français (Charles Hervé Faucon) qui retourne au Liban après 30 ans d’absence. Et le grand-père, représenté par un fauteuil vide, brille par son absence. Mais on entend ses paroles (Rafic Ali Ahmad). En dépit de la clarté ambiante, des jeux de lumière et du blanc décor, ce sont cinq voix qui se cherchent dans le noir. La mère (Raymonde Gélalian, parfaite dans ce rôle) tient à sa francophonie. Une des filles, Nora (May Ogden Smith), étouffe de solitude et d’amour non consumé. Youssef (Etienne Kupélian) a la nostalgie de la guerre. L’autre fille, Nayla (Michèle Misk) s’exprime en métaphores. En fait, tout est crypté. Des histoires grottes, closes, oniriques, douces-amères, parfois inquiétantes, narrées dans une belle langue poétique et pleine de justesse. Des images se succèdent, comme tirées d’un album étrangement familier. Familières aussi, les phrases qui frappent là où le bât blesse. Déjà, le titre est une énigme à lui seul. L’accent peut-il être impur ? Est-il une richesse ou un handicap ? Porte-t-il atteinte à l’identité ? «Serions-nous impurs, nous qui passons une si grande partie de notre vie à travailler, à aimer, à rêver en français, oui, serions-nous impurs à cause de ce qui roule au fond de nos voix, cette eau souterraine, cette langue arabe dans laquelle nous sommes nés et qui affecte ou enrichit notre français selon qu’on accepte de se laisser féconder par plusieurs langues ou qu’on s’en tient à une seule…». Sentiments contradictoires, amour étouffé, questions sans réponses. Les souvenirs et la nostalgie du Beyrouth d’avant-guerre. L’immensité des rêves qui nous habitent et que nos vies mesquines et ternes réduisent comme peaux de chagrin. Le comique naissant du choc entre les actes et les discours, l’imprévisibilité des sentiments, le drôle et le pathétique de nos crises d’identité, et une conception toute personnelle, toute «tchékhovienne» du temps et de l’espace théâtral : quelque part entre l’artificiel et le naturel, entre la veille et le rêve. L’Accent impur est une pièce aussi mystérieuse que lumineuse, aussi désespérée que pleine d’espoir. Le Koullouna et la Marseillaise sont joués par Raymonde Gélalian ( la mère dans la pièce et prof de musique au Collège Protestant de son état) en guise de lever de rideau. Aux premières notes de l’hymne national libanais, les spectateurs se lèvent. On se trouve un peu pris au dépourvu lorsque la mélodie devient celle de l’hymne français. Les notes se mélangent et l’on se rend vite compte que les deux hymnes se ressemblent étrangement.... * Représentations du 18 au 21 octobre à 20h30, au théâtre al-Madina, Clemenceau. Tél. : 01-371 962/3/4
L’accent impur de Richard Millet, dans une mise en scène de Nagy Souraty, est à l’affiche du théâtre al-Madina, dans le cadre des activités de la francophonie. Un rectangle blanc pour aire de jeu. Des bancs, des rideaux, un drap recouvrant un canapé… Tous blancs. Un piano et une télévision complètent le décor. Géomètre de l’espace autant que metteur en scène,...