La douche écossaise

Épître biblique, mais néanmoins faxée, d’un fils prodigue à son père (confesseur) : «Aberdeen, 26 septembre annus Dei 2001, Mes révérences, mon révérend ! Le sermon sur la montagne du patriarche, flanqué du bon samaritain, c’était épique ! À l’époque, j’en ai eu, à tort, comme des remords. Que j’ai regretté bientôt après, au moment des rafles. J’avais en somme, me disais-je, bien fait de partir gagner mon pain à la sueur d’un autre front que Chebaa. Mais maintenant, c’est une autre paire de manches. De ce côté de la Manche, ce n’est pas, ce n’est plus, tous les jours dimanche. Du moins pour les bruns métèques venus d’Orient ou même de chez les Aztèques. Padre mio, digne émule de Padre Pio, j’aurais dû vous écouter quand vous me prêchiez la patrie. J’ai voulu émigrer, je me retrouve immigré. Croyez-le, ce n’est pas du pareil au même. L’un espère une solution, l’autre tombe sur un gros problème. De rejet. J’ai cru qu’en Écosse, je serais bien compris (dans le service), à cause de cet esprit de clan que nous avons en partage. Justement, mon teint bistre trop uni ne fait pas assez tartan. Tartempion indésirable, poliment renvoyé de ma boîte (crânienne) high-tech où brusquement mes beaux diplômes ne valent plus un kopeck, je traîne le long d’un boulevard de regards torves, de persiflage rouquinisé, d’une succession de refus d’emploi. Et même, parfois, d’expulsions mal déguisées de magasins d’alimentation. Bref, mon père, je m’en vais revenir. C’est vrai que chez nous, il n’y a pas beaucoup d’avenir. Mais au moins, et au présent, si la situation y est mauvaise, on n’y subit pas. De douche écossaise».