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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Les attentats aux USA seront « lourds de conséquences pour le Liban » - Carlos Eddé : « Le moment n’est pas au découragement »

Carlos Eddé, président du Bloc national (BN) depuis plus d’un an, ne mâche pas ses mots. Le Amid est aujourd’hui plus que jamais fidèle aux positions de Raymond Eddé, qui ont fait du BN un parti constamment au-dessus des joutes politiciennes des 25 dernières années, une formation politique attachée aux libertés et aux droits de l’homme, forte d’avoir toujours refusé de prendre part au processus guerrier. Dans cet esprit, Carlos Eddé exprime sa consternation face aux attentats qui ont frappé les États-Unis. «C´est avec stupéfaction, appréhension et révolte que j´ai vu les scènes des attentats de mardi à la télévision. Les endroits touchés m´étaient particulièrement familiers, ayant vécu plus de trois ans à Washington et ayant fréquenté Wall Street dans mes activités professionnelles. Le BN réitère ses condoléances aux familles des victimes et condamne les actes de violence contre les innocents». «Les auteurs doivent absolument être poursuivis et traduits en justice», souligne-t-il, estimant que cet attentat «sera lourd de conséquences pour le Liban». Selon Carlos Eddé, il convient «d’ajouter une autre victime à la liste des disparus aux USA : le point de vue arabe dans la guerre des médias». «Depuis quelques années, lentement mais sûrement, l´opinion publique américaine et mondiale commençait à reconnaître l´injustice commise envers les Palestiniens et cela nous permettait d´entrevoir une solution plus équitable au plan régional. Hélas, la réaction de joie largement médiatisée de quelques Palestiniens est un désastre pour ce processus», indique-t-il. «Le soutien inconditionnel du gouvernement américain à Israël a provoqué le sentiment chez les Palestiniens que ces deux pays ne font qu´un et qu´ils assument la responsabilité de leurs malheurs. Cet attentat odieux nous rappelle de façon brutale que nul n´est invulnérable et que la seule garantie durable contre le terrorisme est une paix juste entre les peuples et non des accords entre responsables politiques», ajoute M. Eddé. Pour lui, «une autre conséquence que l´on peut prévoir de cet attentat est qu´il y aura un durcissement des appareils sécuritaires au détriment des libertés individuelles, en Occident et en Orient. Cet incident donnera aux militaires de notre région plus de pouvoir sous prétexte de démanteler toute opposition fondamentaliste et de maintenir la paix. De plus, les Israéliens peuvent profiter du climat psychologique de revanche qui leur est maintenant favorable pour attaquer toutes les organisations de résistance, et même envisager une campagne d´expulsion des Palestiniens. Cela pourrait entraîner un nouveau cycle de violences dont les conséquences seraient imprévisibles». Le volet local Selon le Amid, au Liban, «le dialogue au niveau politique a été remplacé ces dernières années par des prises de position de personnalités chapeautées par la Syrie». Il reproche au gouvernement de «ne pas offrir de solutions à la crise socio-économique» et «de ne pas répondre aux aspirations de souveraineté du peuple libanais». Commentant les rafles dans les rangs du courant aouniste et des Forces libanaises, il évoque «les pressions auxquelles a été soumis le procesus pour le dialogue, pour empêcher l’élargissement de formations politiques œuvrant pour la réconciliation nationale. Mais ce mouvement s’est poursuivi, culminant avec la visite historique du patriarche Sfeir dans la Montagne». Carlos Eddé met en doute la thèse du complot contre l´État avancée par différents responsables libanais, faisant le lien entre «les arrestations et la volonté de certaines parties de frapper ce processus de réconciliation». «C’est surtout la crédibilité libanaise et ce qui restait de la confiance des Libanais dans leurs institutions qui ont été les victimes des événements». «Depuis les élections, nous sommes en train de dénoncer la militarisation progressive du régime», souligne-t-il. «Les propos du président de la République, lors de la réunion avec une délégation du groupe de Kornet Chehwane, selon lesquels» l’armée est intouchable parce que nous vivons dans un pays du tiers-monde, «et le fait que systématiquement, dans tous ses discours, il fait l’apologie ou l’éloge de l’armée, sont inquiétants. L’armée est l’une des institutions libanaises. Il y en a d’autres, et chacune a son rôle à jouer et ses responsabilités à assumer. C’est à croire que l’armée est en train de devenir un État dans l´État, qu’elle est inattaquable et qu’elle n’a de comptes à rendre personne, pas même à l’autorité suprême qu’est le peuple libanais», poursuit le Amid. Rappelant que Kornet Chehwane est né pour mettre fin à l’escalade confessionnelle, suite aux manifestations des Ahbaches et des accusations de trahison portées aux chrétiens, il met en relief les deux réserves émises par le BN sur le document des Assises : «Le retrait syrien doit se faire non pas conformément à l’accord de Taëf mais en fonction du Protocole d’Alexandrie, qui a déterminé la nature des relations entre les pays arabes. Nous souhaitions également que le retrait définitif syrien soit clairement affirmé et qu’il y ait un calendrier précis qui soit annoncé avec le redéploiement». Il souligne qu’un autre objectif du groupe était de «promouvoir le dialogue en réunissant le plus de personnalités possible, telles que Joumblatt ou Habib Sadek autour d’un dénominateur commun». «Il y aurait eu encore plus de personnalités si des pressions n’avaient pas été exercées sur nous, parce qu’il existe une volonté parmi les responsables libanais et syriens d’empêcher la formation d’un rassemblement libanais qui prendrait le destin du Liban dans ses mains». «De plus, ce rassemblement devait se tenir au niveau national. Or, de plus en plus, il est en train d’être assimilé à une formation chrétienne. Le BN, en tant que parti laïc, appuie le discours national du groupe mais préférerait voir la formation s’élargir en attirant vers elle des représentants des autres communautés», souligne-t-il. Patience et persévérance Concernant la dernière rencontre entre le groupe et la présidence de la République, Carlos Eddé estime que «quelles que soient les difficultés, et malgré les fins de non-recevoir adressées aux Libanais en réponse à des revendications légitimes, le moment n’est pas au découragement». En sortant de Dimane, à l’issue de sa réunion avec le patriarche Sfeir, Carlos Eddé avait livré sa vision de l’avenir, se disant «pessimiste à court terme et à moyen terme, mais optimiste à long terme». Que signifie cela ? «Je suis pessimiste à court et à moyen terme. Au plan régional, le conflit israélo-palestinien va empirer. Les Israéliens ont conscience à long terme que la démographie va avoir un sérieux impact sur leur société et les faucons qui sont au pouvoir tentent de trouver une solution à ce niveau-là», estime-t-il. «À moyen terme, le plan de redressement économique va passer inévitablement par des mesures dures et impopulaires et, avant que l’on puisse assainir la situation, il y aura une période de difficultés politiques et économiques. Il faut beaucoup de courage pour imposer de telles mesures pour redresser l’économie du pays», poursuit Carlos Eddé. Expliquant enfin son optimisme (relatif) à long terme, il évoque certains facteurs en pleine mutation dans le monde, qui changeront également la face du Liban : «L’impact technologique de la communication, d’abord. À partir du moment où beaucoup de personnes ont accès aux satellites et à l’Internet, il est très difficile de censurer la presse». «Cette avance technologique finira par éliminer ou diminuer le secret bancaire, qui est d’ailleurs progressivement violé dans deux catégories : le blanchiment d’argent pour la drogue et le blanchiment d’argent pour la corruption politique», estime-t-il. «Il y a aussi un changement dans les mentalités des gens. Les tribunaux internationaux sont de plus en plus en train d’intervenir dans les affaires locales. Si on prend l’exemple de certains leaders politiques comme Fujimori au Pérou, Milosevic en RFY, Menhem en Argentine ou Pinochet au Chili, ils ont aujourd’hui à répondre à la justice de leurs actes. Certains présidents qui ont été élus au suffrage universel comme Collor de Mello au Brésil ont été forcés à démissionner pour avoir abusé de leur pouvoir. Ce genre de choses ne se passe pas uniquement en France et aux États-Unis, mais se produit aussi dans les PVD. Ce vent de changement est en train de souffler de par le monde et il finira par atteindre le Liban», conclut-il. «J´avais énoncé ces propos avant l’attaque sur les États-Unis. Je continue à y croire, mais je pense que le “long terme” sera hélas bien plus long», conclut-il.
Carlos Eddé, président du Bloc national (BN) depuis plus d’un an, ne mâche pas ses mots. Le Amid est aujourd’hui plus que jamais fidèle aux positions de Raymond Eddé, qui ont fait du BN un parti constamment au-dessus des joutes politiciennes des 25 dernières années, une formation politique attachée aux libertés et aux droits de l’homme, forte d’avoir toujours refusé...