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Actualités - OPINIONS

L’épreuve du feu

Comment en douter ? La première guerre du troisième millénaire est déjà engagée. Et comme en 1917, comme en 1941, l’Amérique n’y va pas la fleur au fusil, le regard fixé sur une quelconque ligne bleue, forcée qu’elle est de se battre pour elle-même d’abord, pour les autres aussi, ceux-là qui étaient frileusement emmitouflés hier dans la quiète tiédeur d’une sécurité, d’une croissance qu’ils découvrent soudain dangereusement illusoires. Parce que les ondes de choc de ce mardi 11 septembre ne sont pas près de s’atténuer et parce que, nolens, volens, rien de ce qui est américain ne saurait nous être étranger, l’appréhension de ces lendemains qu’on nous prépare, et dont pour l’heure nous ignorons tout, est à la mesure de l’immense frayeur que le monde vient d’éprouver. Cette haine qui a motivé commanditaires autant qu’exécutants du double carnage de New York et de Washington, il serait bien difficile de ne pas y voir l’expression, monstrueusement déformée, d’une certaine envie. Depuis Caïn, on sait de quelle abomination l’homme est capable. On ignore toujours pourquoi, à quel moment, il se transforme en loup et sort des bois, prêt aux pires crimes. Il faut croire que, désespérant de rejoindre la cohorte des nations nanties – dont la richesse s’étale, d’une manière ô combien ostentatoire, un peu plus chaque jour– ou encore imperméables à tout système économique et donc de vie sociale fondamentalement différent des leurs, les «damnés de la terre» en viennent à vouloir tout détruire en même temps que leur vie. Dès lors, il faut craindre que, contre cette ultime forme de désespérance, les 40 milliards votés hier par le Congrès, de même que les pouvoirs élargis octroyés au président et le rappel de 50 000 réservistes de l’armée n’aient un effet limité. Détruire – à supposer que cela soit possible – le cerveau ayant accouché de la folle machination de cette semaine, et qui pourrait frapper à nouveau, demain peut-être en d’autres points du globe, n’empêchera pas l’hydre de renaître, plus vite qu’on ne le croit, plus malfaisante si possible. Sans doute jugera-t-on bon, pour le moral de populations encore traumatisées par les heures tragiques qu’elles viennent de vivre, d’entreprendre quelques expéditions punitives, en Afghanistan ou ailleurs. Le Pentagone, dit-on, s’est déjà attelé à élaborer des scénarios d’apocalypses à venir. Encore conviendrait-il de ne pas y mettre une hâte excessive. En ayant présente à l’esprit la désastreuse tentative de Jimmy Carter d’obtenir la libération des otages de l’ambassade US à Téhéran, ce qui lui avait coûté sa réélection en 1980… Le FBI mais aussi cette Central Intelligence Agency tant décriée ces temps-ci ont déjà à leur passif une trop longue liste de bévues pour se permettre de nouvelles erreurs qui pourraient leur porter le coup de grâce. Ce qui se prépare aujourd’hui – faut-il l’appréhender ou au contraire le souhaiter ? –, c’est bien, après le choc des civilisations, une guerre des mondes telle qu’aucun H. G. Wells ne l’a jamais imaginée. Depuis le début du siècle dernier, chaque président américain, ou presque, a eu sa croix à porter : Wilson, Roosevelt, Truman, Eisenhower, Kennedy... À chaque fois, il s’en est tiré avec plus ou moins de bonheur. Il vaudrait mieux pour nous tous que leur successeur puisse mener à bien la titanesque tâche qui l’attend. Certes, huit mois de présidence et sept années de vie publique, cela ne pèse pas bien lourd dans la balance qui sert à jauger l’homme censé être le plus puissant de la planète. Mais l’actuel locataire de la Maison-Blanche a su réunir autour de lui une équipe de premier plan, emmenée par le quatuor de choc Cheney-Rice-Powell-Rumsfeld. Et s’il n’a pas réussi, au plus fort de la tourmente, à trouver les accents qu’il faut pour apaiser la douleur de son peuple et rassurer le monde dit libre, c’est peut-être que l’heure est à l’action plutôt qu’aux paroles et que, somme toute, n’est pas JFK qui veut. Il reste par-dessus tout que dans la mission majeure qui l’attend, la première de son mandat, George W. Bush peut compter surtout sur cette Amérique, si courageuse et digne dans l’adversité, prompte à repartir, faisant corps derrière ses chefs. Une amérique qui reste un exemple pour tant d’autres nations...
Comment en douter ? La première guerre du troisième millénaire est déjà engagée. Et comme en 1917, comme en 1941, l’Amérique n’y va pas la fleur au fusil, le regard fixé sur une quelconque ligne bleue, forcée qu’elle est de se battre pour elle-même d’abord, pour les autres aussi, ceux-là qui étaient frileusement emmitouflés hier dans la quiète tiédeur d’une...