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Actualités - CHRONOLOGIES

Régions - Les cultivateurs estiment que l’argent de la drogue peut contribuer à la réduction de la dette - La récolte de cannabis a commencé dans la Békaa

Les agriculteurs de la Békaa ont entamé il y a quelques jours la récolte du cannabis, en dépit de la décision du gouvernement d’empêcher les récoltes. Désespérés de voir se concrétiser l’aide étrangère promise pour stimuler les cultures de substitution, les cultivateurs de la Békaa affichent désormais leur détermination à relancer les cultures de drogue, même s’ils devaient «prendre les armes» parce qu’ils «n’accepteront jamais de revivre les années de misère que nous avons connues depuis 1992» (date à laquelle le gouvernement, à l’instigation de Damas, a décidé d’éradiquer les plantations de stupéfiants dans la Békaa). Nous reproduisons ci-dessous le reportage des deux correspondants de l’AFP Nayla Razzouk et Hikmat Shreif au sujet des conditions dans lesquelles la récolte de cannabis a repris ces derniers jours. Salim, agriculteur de taille imposante, un revolver à la ceinture, une mitrailleuse sur le siège arrière de la jeep, défie le monde entier en surveillant la récolte de son champ de cannabis, tapi dans les hauteurs de la Békaa. Malgré les mises en garde officielles, il ne semble craindre que la colère paternelle et s’enfuit la peur au ventre quand son vieux père lève sa canne en criant d’une voix tonitruante à son fils «quelle folie d’amener des journalistes» ! La colère du père monte lorsque Salim permet à un groupe de 15 étudiants de Beyrouth de se prélasser paisiblement à l’ombre des arbres qui séparent deux grandes plantations de cannabis verdoyantes. Des jeunes filles en minidébardeur, dont une Française et une Néerlandaise, et des jeunes hommes, un bandana bariolé noué sur la tête pour se protéger du soleil ardent, observent, en se passant des joints, les paysans qui fauchent les plants de plus d’un mètre. «Je n’ai jamais vu un endroit aussi beau de ma vie. Les champs sont verts, les montagnes magnifiques. C’est si paisible, on se croirait au paradis», s’exclame la Néerlandaise aux cheveux blonds, qui n’a pas voulu donner son nom. «À Amsterdam, nous fumons du haschisch en toute légalité, mais ce n’est pas intéressant de le faire dans des cafés-trottoirs. Il manque le paysage et l’hospitalité libanaise», ajoute-t-elle. Salim, qui espère s’enrichir en attirant des touristes, déclare que «le haschisch n’est pas nocif. Il est autorisé dans plusieurs pays occidentaux, et même utilisé à but médical». Mais le père de Salim a raison de se montrer prudent. La drogue est illégale au Liban et le gouvernement a déclaré le mois dernier que la récolte de cette année n’aurait pas lieu, mais que les destructions seront précédées par un programme de soutien économique aux agriculteurs. Le marché de la drogue, très prospère pendant la guerre, rapportait chaque année 4 milliards de dollars avant la campagne antidrogue de 1992, soutenue par la Syrie. Alors que l’aide étrangère promise, à travers un programme de substitution parrainé par les Nations unies, n’a jamais vraiment vu le jour et que la situation économique du pays s’effondrait, le marché des stupéfiants a retrouvé sa vigueur l’année dernière. Les cultures de drogue ont ressurgi, tout d’abord dans les endroits les plus éloignés, et ensuite même le long des routes. On estime désormais l’étendue des plantations de cannabis à plus de 45 000 hectares, soit 20 pour cent de la surface cultivée avant 1992. La culture de pavot d’opium s’étend sur 1 500 hectares. Les cultivateurs ont débuté les récoltes la semaine dernière, peu soucieux des menaces du gouvernement et des mises en garde internationales. «Quand nous aurons l’argent promis pour les cultures de substitution, nous commencerons à discuter. La Turquie et le Maroc ont obtenu beaucoup d’argent pour l’éradication progressive de la drogue, alors qu’au Liban l’éradication s’est faite sans contrepartie», a ajouté Mehdi, un autre agriculteur. «Nous n’accepterons jamais de revivre les années de misère que nous avons connues depuis 1992 et nous reprendrons les armes s’il le faut», a averti Mehdi, qui comme la plupart des membres des clans de la région possède un arsenal impressionnant. Alors que les autorités gardent le silence, Mehdi assimile les cultures de drogue à un trésor national. «Nous ne devrions pas fléchir sous la pression étrangère. La dette du Liban s’élève à plus de 25 milliards de dollars et l’argent de la drogue est la meilleure façon de la rembourser», affirme-t-il.
Les agriculteurs de la Békaa ont entamé il y a quelques jours la récolte du cannabis, en dépit de la décision du gouvernement d’empêcher les récoltes. Désespérés de voir se concrétiser l’aide étrangère promise pour stimuler les cultures de substitution, les cultivateurs de la Békaa affichent désormais leur détermination à relancer les cultures de drogue, même...