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Actualités - OPINIONS

Opinion - Non-droit et principe de légalité

Depuis le 7 août 2001, le Liban se trouve dans une situation de non-droit où aucune des catégories juridiques dans les régimes démocratiques ou totalitaires ne peut être utilisée pour l’expliquer. On serait tenté de dire qu’il s’agit d’un «coup d’État» non proclamé, adapté à la structure libanaise où les coups d’État proclamés n’avaient été que télévisés. Or, ce n’est pas un coup d’État, car dans une telle opération, il y a un renversement de légalité et une tentative par les putschistes d’instituer une nouvelle légitimité. On ne peut non plus se prévaloir de la théorie des «circonstances exceptionnelles» qui, malgré ses limites, pourrait éventuellement expliquer de façon approximative trois actes inqualifiables : la diffusion publique et même télévisée d’un aveu avant tout jugement, le débordement du principe de la hiérarchie des actes juridiques selon le gouvernement lui-même et le revirement du Parlement en quelques jours, à propos d’une loi qu’il vient, après mûr examen, de voter. Aucun dirigeant n’a fait valoir la théorie juridique des circonstances exceptionnelles. Le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, a donné le qualificatif «politique» devant le Parlement le 13 août 2001 : «Il est inutile d’examiner la proposition de loi d’un point de vue juridique. Toute la Chambre est convaincue que l’amendement est injustifié. Ne nous leurrons pas. C’est une question strictement politique». Or, aux pires moments de la guerre au Liban, de 1975 à 1990, une tradition libanaise de constitutionnalisme a toujours prévalu, consistant, avec une imagination juridique très fertile, à élaborer dans les formes des textes ou à se prévaloir de lois existantes afin de proroger le mandat du Parlement, ajourner des élections législatives, substituer aux réunions conventionnelles du Conseil des ministres la procédure des décrets ambulants, élire de nouveaux présidents de la République au siège du Parlement ou dans d’autres sièges improvisés... Depuis le 7 août 2001, et selon le second rapport documentaire de l’Observatoire de la démocratie au Liban, programme entrepris par la fondation Joseph et Laure Moghaïzel en coopération avec l’Union européenne, il ne s’agit plus de fertilité à imaginer des expédients juridiques. Il y a manifestement et délibérément une situation de non-droit, inqualifiable au moyen des catégories juridiques connues. Il y a le «strictement politique», d’après la qualification du président Hariri, avec les dérives et les risques d’une telle aventure qui fait que le Liban, depuis le 7 août et jusqu’à nouvel ordre, n’est plus «l’exception libanaise», selon le thème de la grande conférence organisée à Paris les 12-15 juin 2001, et cela à deux mois environ du sommet de la francophonie qui doit se tenir à Beyrouth. Dans Beyrouth «mère des lois», selon l’adage romain, et dans un pays qui souffre d’une inflation de facultés de droit et de diplômés en droit, on comprend l’ampleur de la consternation et de la crise. Aux pires moments de la guerre, une légalité d’apparat continuait à régir le fonctionnement des institutions. Aujourd’hui, tout au niveau du fonctionnement du pouvoir devient permis. C’est la politique pure, le «strictement politique», en dehors de toute régulation protectrice des droits fondamentaux. L’avenir du Liban dépendra du temps nécessaire pour rétablir le principe de légalité, grâce à toutes les forces politiques actives dans le pays. À défaut, c’est l’effondrement de tout un patrimoine libanais forgé par des générations de pionniers.
Depuis le 7 août 2001, le Liban se trouve dans une situation de non-droit où aucune des catégories juridiques dans les régimes démocratiques ou totalitaires ne peut être utilisée pour l’expliquer. On serait tenté de dire qu’il s’agit d’un «coup d’État» non proclamé, adapté à la structure libanaise où les coups d’État proclamés n’avaient été que...