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Actualités - INTERVIEWS

Interview Express - Les rafles, un coup d’État à la libanaise, selon le chef du département de sciences politiques à l’AUB - Farid el-Khazen : On a voulu porter atteinte au consensus entre les Libanais

Pour Farid el-Khazen, membre du groupe de Kornet Chehwane, le dialogue fait partie d’une culture nécessaire et inhérente au Liban, depuis le Pacte national. Selon lui, le dialogue, dans son acception véritable, doit comprendre trois volets et réunir autour d’une table l’État et la société, le gouvernement et l’opposition, et les communautés libanaises. Cependant, note le chef de département de sciences politiques à l’American University of Beirut, «il n’y a pas eu un vrai dialogue, dans le sens où les éléments essentiels au dialogue n’ont pas été respectés. «Au niveau islamo-chrétien, le comité créé pour le dialogue a été restreint aux seuls représentants des communautés, sans participation de la société civile, ce qui fait que l’homogénéité a transformé ce comité en un petit club, et le dialogue en son sein en monologue. «Par ailleurs, le dialogue gouvernement-opposition suppose l’existence d’un système démocratique garantissant le respect des droits de l’homme, des élections compétitives, et une démocratie qui fonctionne bien. Or, tous ces éléments sont absents du Liban depuis 1990. La réconciliation nationale n’a pas eu lieu», estime-t-il. Interrogé sur les rafles opérées dans les rangs de l’opposition début août, Farid el-Khazen répond : «Il y a eu un coup d’État à la libanaise, puisque le coup d’État militaire classique est impossible au Liban». Selon lui, il s’agit «d’une réponse de l’État à l’initiative de nombreuses instances libanaises des différentes communautés, Kornet Chehwane, le Forum démocratique et Walid Joumblatt, d’initier un dialogue pour trouver une solution aux problèmes politiques et économiques». Concernant le dialogue État-société civile, il souligne : «Toute la société civile est visée par ce coup d’État d’une façon ou d’une autre». Et de poursuivre : «Le Liban est un pays influencé par son environnement régional. La Syrie est l’acteur le plus important sur la scène politique libanaise et l’influence de son système autoritaire sur le Liban ne saurait contribuer à créer des conditions favorables au dialogue. Ce qu’on importe de la Syrie depuis 1990 au point de vue politique et militaire n’aide pas à créer une culture de dialogue et de démocratie. Le système politique au Liban ressemble de plus en plus à un système autoritaire». Parallèlement, le professeur Khazen met l’accent sur la «mobilisation de la société civile libanaise, un consensus entre toutes les communautés sur l’application de l’accord de Taëf et la nécessité de l’appliquer, et sur l’hégémonie syrienne sur le Liban». «Il s’agit d’un consensus réel, avec une assise populaire, qui s’est traduit par l’accueil du patriarche au Chouf et qui porte sur des questions fondamentales. On a voulu freiner cet élan entre chrétiens et druzes», poursuit-il. Un «coup d’État à la libanaise», selon Farid el-Khazen, vise plusieurs objectifs, plusieurs forces à la fois : le Premier ministre Rafic Hariri, «renforcé par sa victoire écrasante aux élections», le discours politique qui reflète le consensus, la réconciliation, l’opposition, «du général Michel Aoun à Kornet Chehwane, en passant par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir», et «tous ceux que le pouvoir appelle, depuis la fin de la guerre les “extrémistes”, c’est-à-dire uniquement les chrétiens, plus particulièrement les Forces libanaises et les aounistes». À l’origine de ce coup d’État, selon lui, «des Libanais et la Syrie. C’est un mélange de SR et de militaires qui détiennent le pouvoir, les decision makers libanais, et la Syrie, le premier de ces decision makers au Liban». Neutraliser Kornet Chehwane Interrogé sur les projets occultes de scinder le groupe de Kornet Chehwane, le politologue répond : «C’est une façon de nous combattre. Il y a une volonté de nous diviser, parce que nous sommes le groupement chrétien le plus réussi jusqu’à présent. Mais nous sommes tous conscients de cette volonté de neutraliser le groupe, qui est la dernière alternative, à l’heure où quasiment tous les partis politiques sont dans la sphère de l’État, comme en Syrie. Mais à l’intérieur du groupe, il n’y a aucun conflit». Évoquant les accusations portées aux responsables FL de collaboration avec Israël et la connexion faite avec Kornet Chehwane, il a déclaré : «On cherche à nous neutraliser. Pensez-vous vraiment qu’Israël est disposé à collaborer encore avec quelqu’un au Liban, ce Liban qui lui a porté plus d’une fois la poisse et qui, pour Israël, est un bourbier à éviter absolument ? D’ailleurs, personne au Liban ne voit en Israël un allié», souligne-t-il. Sur la rencontre de Baabda avec le président Lahoud, il affirme que le but de Kornet Chehwane est d’avoir «un dialogue sérieux avec lui sur des questions fondamentales, pour aboutir à des résultats concrets», en avouant que «cela n’est pas facile». Il insiste sur le fait que le groupe «a campé sur ses positions fermes et n’a pas fait de compromis, qu’il n’y a pas eu de deal avec le président». Estimant qu’il se peut que le patriarche «soit actuellement pour un certain répit afin de réétudier et de réévaluer certaines choses», il souligne : «Le patriarche n’est pas le général Aoun. Nous avons le même objectif que Aoun, mais nous employons des moyens différents». Interrogé sur ce que l’on peut attendre du groupe concrètement, il n’écarte pas le recours aux manifestations «avec le début de l’année universitaire». «Mais je ne suis pas pour une escalade pour l’escalade : il y a des occasions qui peuvent se présenter», précise-t-il. Niant tout projet d’alliance politique entre Kornet Chehwane et Rafic Hariri ou son bloc, il conclut sur une note d’ouverture adressée à toutes les forces qui partagent les mêmes objectifs : «Il y a de la place pour tout le monde, et chacun doit avoir un rôle à assumer : le patriarche Sfeir, Kornet Chehwane ou le général Aoun». L’important, selon lui, est de comprendre qu’il serait positif, politiquement, qu’il n’ y ait pas une fusion totale entre ces groupes. Il réclame toutefois «une coordination sur les grandes lignes, sans critiques, ni hostilité», allusion aux propos tenus par le général Aoun concernant les assises de Kornet Chehwane, dans sa dernière conférence de presse.
Pour Farid el-Khazen, membre du groupe de Kornet Chehwane, le dialogue fait partie d’une culture nécessaire et inhérente au Liban, depuis le Pacte national. Selon lui, le dialogue, dans son acception véritable, doit comprendre trois volets et réunir autour d’une table l’État et la société, le gouvernement et l’opposition, et les communautés libanaises. Cependant, note...