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Actualités - ANALYSES

La lutte en coulisses tourne autour du volet économique

Le renard passe passe, chaque volet à son tour. Après le politique et le sécuritaire, c’est derechef l’économique qui est au centre du débat. C’est-à-dire de la lutte de pouvoir, plus ou moins sourde, que les dirigeants se livrent. Déjà, bien avant le départ en Sardaigne du président Rafic Hariri, bien avant même les rafles du 7 août, le camp réputé proche du régime avait rompu l’accord tacite sur le partage des domaines. En montant une attaque frontale contre l’action économique du gouvernement, jugée poussive, désorganisée. Et surtout mal orientée côté options de base. Cette première joute d’armes, qui prenait figure d’avertissement sans frais, était alors illustrée par les fortes critiques émanant de l’équipe hossiste précédente, l’ancien chef du gouvernement et son grand argentier y allant à tour de rôle de leur grain de gros sel. Pour dire en substance que non seulement les Trente n’ont pratiquement rien fait, en neuf mois, pour sortir le pays de l’ornière, mais aussi que leur choix se résume finalement à une piètre fuite en avant. Par un surendettement supplémentaire et par un programme de privatisations tout à fait palliatif, sans effets durables d’assainissement financier. Aujourd’hui, les loyalistes du haut du panier, c’est-à-dire proches du régime, soutiennent que la stratégie économique haririenne est tout simplement inexistante ! Ils se fondent sans doute sur des propos attribués au chef de l’État, selon lesquels chaque fois qu’il s’est enquis des étapes prévues, on lui aurait répondu que les plans par années, cela ne se voit que dans les économies dirigées ; et que dans un régime libéral, c’est au coup par coup que l’on doit procéder. Héritier d’un courant de pensée chehabiste scientiste, si l’on peut dire, le président de la République se serait étonné de cette désinvolture, à en croire les loyalistes de son camp. Mais, en réalité, il n’en a publiquement rien montré, continuant à soutenir le gouvernement Hariri dans ses projets, non seulement en paroles mais en actes. Comme dans les affaires du coup de balai à l’Information, de la MEA ou de l’éradication du haschisch. Il serait dès lors abusif de soupçonner le régime de vouloir empiéter sur les plates-bandes économiques du Sérail. Mais les seconds couteaux du camp qui se dit proche du régime n’hésitent pas pour leur part à tirer à boulets rouges sur le projet gouvernemental de redressement. Pour redresser la barre, le président du Conseil entend donc réduire les voix discordantes au silence, en mettant les bouchées doubles côté travail. Dans ses assises privées, il annonce la couleur : d’abord ne pas tomber dans le piège des provocations faciles. C’est-à-dire dépasser, sans un regard en arrière, la querelle et les événements des trois dernières semaines. Affirmant ensuite que ces remous «ne font en réalité que nous affermir dans notre détermination à aller de l’avant dans la réalisation de notre programme. Notre gouvernement ne sait pas ce que le mot découragement veut dire». On voit donc clairement que M. Hariri a en quelque sorte repris du poil de la bête, et s’est inspiré d’exemple, auprès du président Chirac pour qui, à l’instar de l’empereur, «impossible n’est pas français». Mieux encore, tout en déclarant la page des secousses tournée, le président du Conseil contre-déborde en quelque sorte sur le politico-sécuritaire, en déclarant fermement que «ce qui s’est produit n’aura aucun impact sur notre orientation, qui reste de faire appliquer la loi comme de veiller à ce que tout le monde respecte aussi bien la Constitution que les institutions». Une allusion évidente à l’ignorance délibérée dans laquelle on a tenu le Conseil des ministres au niveau des décisions de terrain. Cependant, à part ces prises de position de principe, qui sont du reste autant de mises en garde ouvertes, le chef du gouvernement évite d’analyser en détail les développements politiques. Il pense, indiquent ses proches, que le temps fera tout seul son œuvre de décantation, pour bien détacher le relief ou la nature du mouvement d’attaque lancé par certains, plus exactement par les services, contre l’ordre institutionnel établi. Ces considérations, M. Hariri n’en fait donc pas état pour le moment. Jugeant que l’heure n’est ni aux règlements de comptes ni à la relance des polémiques, mais à la reprise de l’action sur le seul front qui compte vraiment pour les Libanais, la crise économique. Mais tout comme le deuxième rang des loyalistes proches du régime poursuit les escarmouches, les lieutenants de M. Hariri ne se cantonnent pas comme lui dans la réserve. Et multiplient les passes d’armes avec leurs contempteurs. En commençant par le plus facile, c’est-à-dire par s’étonner que certains prétendent ignorer l’existence et a fortiori la teneur du plan gouvernemental de redressement économique. Les haririens rappellent donc volontiers que ce programme, loin d’être confidentiel, a été approuvé en Conseil des ministres puis divulgué devant la Chambre dans le cadre de la déclaration ministérielle du cabinet. Dès le vote de confiance, ajoutent les haririens, le gouvernement a commencé à appliquer les premières tranches de son programme. Et personne ne s’était déclaré surpris, par exemple, par la réduction des tarifs douaniers ou l’allègement des impôts. Sur le plan du microclimat politique, les haririens se hâtent de rendre aux lahoudistes la monnaie de leur pièce. En affirmant que le partage des domaines, des chasses gardées, entre dirigeants n’est qu’une vue de l’esprit irréalisable ou même néfaste. Ce qui est une façon de dire à leurs vis-à-vis : «Si vous voulez nous contester l’exclusivité en matière économique, eh bien il vous faudra accepter que nous nous occupions comme vous du sécuritaire et du politique». Certes, ce n’est pas aussi franchement déclaré. Mais les haririens s’obstinent à répéter que la responsabilité est aussi partagée que commune, dans tous les volets, du moment que tout est dans tout et réciproquement. Cette tactique prophylactique, outre qu’elle rappelle insidieusement l’accord initial de non-agression entre les pouvoirs, offre un autre avantage. Celui de faire retomber, en cas de fiasco, la responsabilité sur le régime autant que sur le gouvernement. Ce qui se comprend d’autant mieux que les tiraillements en cours, et les bâtons dans les roues, peuvent certainement entraîner l’échec de la tentative haririenne de redressement économique. Car elle a besoin, pour réussir, de stabilité intérieure, de confiance et de crédit, au double sens du terme. Or on a déjà entendu l’ambassadeur français laisser glisser que le sommet de la francophonie, première étape des aides extérieures, pourrait être compromis par une réédition des libertés que le pouvoir ou d’autres prennent avec les libertés. Il est également évident que si ce sommet devait sauter, ce qui ne semble heureusement pas devoir être le cas, Paris II ne se tiendrait pas non plus. Quoi qu’il en soit, M. Hariri veut se ménager les meilleures conditions pour redémarrer utilement. Il insiste donc pour que le jeu se calme, que les comportements se normalisent, que les abus cessent. Et il souligne à l’envi que la Syrie n’a rien à voir avec ce qui s’est passé. Un peu moins tempérés, peut-être un peu moins prudents, des opposants qui, dans cette affaire, se rangent aux côtés du gouvernement soulignent qu’en politique, les coïncidences n’existent pas. Ils relèvent qu’à chaque tournée de M. Hariri, à chacune de ses initiatives ou de ses prises de position libérales ou libératrices, on s’arrange pour venir lui secouer le cocotier sous le nez. Tantôt du côté de Chebaa, tantôt par des rafles. Mais il garde, tout compte fait, des atouts majeurs dans sa manche. Économiquement, même son prédécesseur en convient, il est irremplaçable. Et politiquement, même les prosyriens l’avouent, il est incontournable. Il reste à souligner que le chef de l’État s’est résolument engagé pour sa part sur la voie d’un dialogue aussi positif que général. Et l’on doit en principe en tirer bon augure pour la phase à venir. Car en dépit de la pugnacité de leurs lieutenants, les pôles semblent déterminés à conclure une paix solide. Pour ne laisser place qu’au sauvetage économique.
Le renard passe passe, chaque volet à son tour. Après le politique et le sécuritaire, c’est derechef l’économique qui est au centre du débat. C’est-à-dire de la lutte de pouvoir, plus ou moins sourde, que les dirigeants se livrent. Déjà, bien avant le départ en Sardaigne du président Rafic Hariri, bien avant même les rafles du 7 août, le camp réputé proche du...