Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

LIBERTÉS - Aucune procédure n’a été respectée depuis le 7 août dernier - Les rafles, les interrogatoires et la détention… des violations en série

Praxis prime le texte. En d’autres termes, l’usage a pratiquement force de loi. Oui, les arrestations du 7 août dernier, les interrogatoires et la détention durant quinze jours de militants aounistes et FL n’ont pas été effectués conformément aux dispositions du code de procédure pénale, du code de justice militaire, ou de la loi sur l’organisation des Forces de sécurité. Ignorer la loi est une chose, la transgresser est tout autre. Et au Liban, au cours des deux dernières semaines, la loi a été transgressée. Le fait est dénoncé par plusieurs juristes du pays qui relèvent surtout «la désinvolture» avec laquelle les autorités concernées traitent le dossier. On n’a plus donc qu’à dresser l’inventaire des irrégularités commises. L’arrestation ne peut en aucun cas être effectuée par les services de renseignements, même si la sécurité de l’État est en jeu. D’ailleurs, pour arrêter quelqu’un ou le placer en garde à vue, on ne finira pas de le répéter assez : il faut un mandat d’amener ou de dépôt. Dans le cas des arrestations des deux dernières semaines, c’est ce dernier qui devait être de mise. «Un mandat de dépôt, émanant du procureur général, consiste à placer une personne 48 heures en garde à vue», indique le juriste Badaoui Abou Dib. «Au bout de ces deux jours, la personne est relâchée ou déférée devant le juge d’instruction qui peut émettre un mandat d’arrêt», explique-t-il. Ces 48 heures ne peuvent être renouvelées. Personne ne peut être arrêté sans mandat, sinon c’est «une séquestration de personnes». Perquisitionner les maisons sans mandat est une violation flagrante de la Constitution. «Normalement, le procureur de la République devrait signer un mandat à cet effet», indique Me Abou Dib. Qui sont les auxiliaires de justice ? Le juriste cite l’article 43 du code de procédure pénale : «Les officiers des FSI, les commissaires de police, les chefs de postes de police». Et selon, l’article 12 du code pénal : «Ceux qui aident le procureur de la République à exercer sa mission sont les administrateurs, les caïmacams, le directeur général de la police, le directeur de la Sûreté générale, le chef de la police judiciaire, le commissaire de la police, les inspecteurs de police, les officiers de gendarmerie , les chefs de gendarmerie, les moukhtars, les chefs des gardes maritimes et aériennes». Dans le même cadre, l’article 19 du code de justice militaire désigne, pour cette mission, la police judiciaire militaire qui est composée du commissaire au gouvernement et ses adjoints, du juge d’instruction près le tribunal militaire, de la police de l’armée et des officiers désignés à cet effet par le ministère de la Défense nationale sur proposition de l’autorité militaire supérieure qui n’est autre que le commandant en chef de l’armée. État de siège ou zone militaire Me Abou Dib cite également l’article 217 de la loi 17 sur l’organisation des FSI qui stipule que «les membres des FSI peuvent arrêter des personnes en exécution d’un jugement, d’une demande de justice, ou dans le cas de flagrant délit. Dans les deux premiers cas, ils doivent conduire la personne arrêtée à l’autorité judiciaire concernée dans un délai de 24 heures». Donc, les étudiants – qui ne devaient pas être arrêtés et qui ne devaient pas être physiquement agressés le 9 août dernier – devaient être conduits à la gendarmerie et non au ministère de la Défense. Conformément à la loi, les FSI, et non les services de renseignement, peuvent entrer dans une maison la nuit et hors des horaires officiels uniquement «en cas de danger (incendie, appel au secours), ou à la demande de l’autorité militaire quand l’état d’urgence est proclamé, ou encore si la région est en état de siège ou déclarée zone militaire». Et ce n’est qu’en cas de flagrant délit que l’on procède à des arrestations en pleine nuit ou hors des horaires du travail. L’avocat ne peut pas être sollicité durant les 48 heures de garde à vue de l’enquête et le premier interrogatoire se passe en dehors de sa présence, selon le code de procédure pénale toujours en vigueur. «Pendant ces 48 heures, si quelques éléments de preuve sont recueillis et quand toutes les règles sont respectées, on défère la personne devant le juge d’instruction, ou devant le juge pénal unique en matière de délit», ajoute-t-il. En matière de crime, la personne doit être déférée par le juge d’instruction devant la chambre de mise en accusation qui établit le réquisitoire. Aucune information – rien – ne doit filtrer de l’enquête. «C’est bien une violation de la loi et dans ce cas des mesures disciplinaires peuvent être prises à l’encontre des personnes qui ont dévoilé le secret de l’enquête», indique-t-il en ajoutant cependant que «dans certains cas, et dans la mesure où ces violations portent atteinte au droit de défense, l’enquête pourrait être annulée». Et de rappeler que «l’enquête est secrète et nul n’a le droit de dévoiler les dépositions des inculpés». Le procureur général et ses auxiliaires effectuent l’enquête. En aucun cas les services de renseignements, sinon l’enquête est nulle. «Et pour que ses auxiliaires puissent agir, le procureur général devrait délivrer une commission rogatoire précise», indique Me Abou Dib. Quand l’inculpé est déféré devant le juge d’instruction, il a le droit de nommer un avocat et de refuser de répondre aux questions du juge d’instruction en l’absence de son conseiller. Si un détenu se rétracte devant le tribunal en soulevant que sa déposition a été obtenue sous la torture, le tribunal se doit de vérifier si les allégations du détenu sont fondées. Accusations contraires à la démocratie Si la procédure de l’arrestation et de l’interrogatoire n’est pas respectée, l’inculpé peut avant son interrogatoire par les juges du fonds soulever ce qu’on appelle l’exception de nullité de l’enquête pour des irrégularités graves commises dans le cours de celle-ci. Aucun texte de loi ne prévoit le fait de bander les yeux des détenus. L’usage des menottes se fait uniquement au moment du transport des inculpés d’un endroit à l’autre. Sinon c’est une atteinte flagrante aux droits de l’homme. Le juriste cite l’article 225 du règlement de l’organisation des FSI qui stipule : «Quand les membres des FSI exercent leurs prérogatives de contrainte, ils devraient éviter toute violence qui n’est pas nécessaire». Quel article de la loi couvre l’accusation «d’appel au retrait syrien du Liban» ? «Tout est soumis à certains principes de droit qui ont autorité de texte législatif : il n’y a pas de peine sans texte et il n’y a pas de délit sans texte, et les lois pénales doivent être interprétées d’une façon restrictive». «C’est-à-dire on doit s’en tenir à la lettre et à l’esprit de la loi sans aller au-delà de ce que le texte a voulu dire ; et l’on ne peut pas raisonner en matière pénale par analogie», ajoute-t-il. Dans ce cadre donc, «l’appel au retrait des troupes syriennes du Liban» ne peut pas être assimilé à la loi interdisant le fait de «porter atteinte à un pays ami. C’est une interprétation extensive du texte de la loi surtout lorsqu’il est établi que ces actes n’ont pas amené la Syrie à rompre ses relations avec le Liban», souligne Me Abou Dib Et les actes d’accusations contre les personnes qui «propagent des idées politiques contre l’État et sa politique ? Ce sont des accusations contraires aux principes de la démocratie et de la liberté d’expression protégés par la Constitution et par les actes internationaux signés par le Liban», souligne en conclusion Me Abou Dib. Aucune procédure n’a été effectuée de façon légale depuis le 7 août dernier. Il reste au tribunal de se prononcer sur la nullité des enquêtes et de tout recommencer à zéro.
Praxis prime le texte. En d’autres termes, l’usage a pratiquement force de loi. Oui, les arrestations du 7 août dernier, les interrogatoires et la détention durant quinze jours de militants aounistes et FL n’ont pas été effectués conformément aux dispositions du code de procédure pénale, du code de justice militaire, ou de la loi sur l’organisation des Forces de...