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Actualités - CHRONOLOGIES

HISTOIRE - Comment « la piste du champagne » a aidé la Résistance française - Le vin, nerf de la Deuxième Guerre mondiale

Dans l’ivresse des premiers temps de la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands, sûrs de la victoire, avaient tendance à commander des cargaisons de champagne avant même le début des opérations militaires. La Résistance française flaira cette «piste du champagne» et en avertit utilement Londres avant une offensive en Roumanie. L’anecdote est tirée de Wine and War (Le vin et la guerre), un ouvrage de deux journalistes américains vivant en France, Don et Petie Kladstrup. Quand éclate la guerre, le vin est «le trésor le plus précieux de la France», selon Edouard Daladier, homme politique français. Le vignoble fait vivre 20 % de la population. Mais avec l’occupation, les exploitants frappés par la crise ne peuvent bientôt qu’exporter aux conditions de l’Allemagne. Or si Hitler n’aimait pas le vin, le maréchal Hermann Goering adorait le bordeaux et il s’attela à piller les grands crus tout comme les objets d’art. Ministre des Affaires étrangères du Reich, Joachim von Ribbentropp s’intéressait aux vins français en connaisseur, ayant fait fortune dans le négoce des champagne. Bientôt outre les réquisitions pour la Wehrmacht et la Luftwaffe, les nazis envoyèrent des représentants chargés d’acheter à bas prix les récoltes, et que l’on surnomma vite en France les Weinfuehrer. En fait «les autorités allemandes firent une erreur : les Weinfuehrer étaient certes des spécialistes du vin, mais c’étaient aussi des amis de nombreux producteurs et marchands de vin», écrivent les Kladstrup. D’où le double jeu de plusieurs d’entre eux qui ménagèrent leurs collègues français. Araignées et poussière de tapis Bien vite la résistance passive s’organise. Des convois sont détournés. Des murs sont érigés à la hâte pour cacher les meilleures bouteilles dans les caves, les entrées étant rapidement vieillies avec des araignées. C’est le cas du fameux restaurant parisien La Tour d’Argent. Le magasin Chevalier fait distribuer de la poussière d’anciens tapis à des restaurateurs afin de «vieillir» de mauvais vins, ensuite présentés comme des grands crus vendus hors de prix aux officiers allemands. La résistance peut devenir aussi plus risquée : l’éleveur Robert Drouhin, en Bourgogne, va en prison. La famille de Rothschild bénéficie de protection près de Bordeaux, région où les Miailhes abritèrent des juifs dans les caves du Chateau Palmer. Des bases de maquisards sont établies dans les «crayères» (caves souterraines) de Piper Heidsick, dans le Champenois. Encore ému, Gaston Huet, viticulteur de Vouvray, au bord de la Loire, raconte aux auteurs, la fête du camp Oflag IV D, en Silésie, en 1943 : un connaisseur, Roger Ribaud, réussit à organiser une extraordinaire dégustation de vins de toute la France grâce aux colis que leurs familles envoyèrent pendant des mois aux officiers prisonniers, par ailleurs mal nourris. Francophiles, gastronomes, les Kladstrup brossent pour le public américain les grandes étapes de la guerre sous l’angle du vin – la débâcle imprévue, l’avènement du général Pétain d’abord populaire et qui se fit donner une partie des vignobles des Hospices de Beaune (Le Clos du maréchal), la collaboration, la montée de Charles de Gaulle et la Libération. Ils rappellent que des éléments de la 2e DB du général Leclerc gagnèrent la course vers Berchtesgaden, à la colère des Américains qui avaient débarqué en Provence : les Français furent les premiers à saisir (et goûter) la gigantesque cave de Hitler, un demi-million de bouteilles de grands vins stockées pour les hôtes du dictateur dans les rochers du Nid d’aigle de Bavière. Don et Petie Kladstrup ont affirmé qu’ils s’étaient fondés pour les trois quarts sur des interviews originales, notamment auprès de cinq dynasties familiales de viticulteurs de Bordeaux, de Bourgogne, d’Alsace, de Loire et de Champagne. Bien vendu aux États-Unis cette année (50 000 exemplaires pour la quatrième réimpression), l’ouvrage sera publié dans d’autres pays, dont la France (chez Plon en avril prochain), l’Allemagne (chez Klatt) et le Japon...
Dans l’ivresse des premiers temps de la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands, sûrs de la victoire, avaient tendance à commander des cargaisons de champagne avant même le début des opérations militaires. La Résistance française flaira cette «piste du champagne» et en avertit utilement Londres avant une offensive en Roumanie. L’anecdote est tirée de Wine and War (Le vin...