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Actualités - ANALYSES

C’est plutôt Joumblatt qui coagule une large coalition - Le projet Berry de front national balayé par les événements

Frères ennemis de toujours, tantôt à couteaux tirés et tantôt copains, derniers seigneurs de la guerre encore au pinacle, MM. Nabih Berry et Walid Joumblatt continuent l’un et l’autre à tenter de se donner une dimension nationale. Ce qui en fait deux concurrents, peut-être involontaires, mais aussi déterminés l’un que l’autre. Même s’ils ne cherchent pas la confrontation directe, leurs objectifs en font des rivaux aux yeux des professionnels. Qui attribuent, dans le décompte des points, le dernier round au leader du PSP. En effet, c’est M. Berry qui a lancé l’idée d’un large front national. Et c’est M. Joumblatt qui a groupé mille figures de proue au Carlton. Mais le match est loin d’être terminé. Car rien ne dit que la giga-rencontre du palace beyrouthin aille plus loin que la défense des libertés et du système démocratique. C’est-à-dire que nul ne pense que des forces aussi disparates peuvent fusionner au sein d’un parti unique. Rien ne dit non plus que M. Berry ne soit pas en mesure de relancer son projet de regroupement, puisqu’en se mettant un peu de côté, en jouant même les conciliateurs, il a su éviter de se faire des ennemis dans l’un ou l’autre camp. Mais pour le moment, il se retrouve un peu isolé, coupé de son rêve de front national. Un rassemblement destiné à réguler, sous son vigilant contrôle, le gros de la vie politique locale. Pour prévenir les dérapages, marginaliser pour de bon les extrémistes de tout bord et faire triompher un modérantisme de bon aloi. L’esprit même de cette initiative, qui est donc de mettre un peu tout le monde au pas (de l’oie), a été dès le début vivement critiqué par des démocrates endurcis de l’Ouest comme de l’Est. Ils y ont vu une tentative d’étouffer la vie politique du pays et d’ôter au paysage le charme que lui donnent ses reliefs accidentés. L’on a donc pu comparer le président de la Chambre à un entrepreneur de carrière, sans jeu de mots, qui nivelle les collines. Un procès d’intention peut-être injuste au fond. Car on ne voit pas quel mal il peut y avoir à doter le pays d’un front national élargi gommant les césures confessionnelles ou régionales. Une façon d’opérer ce brassage cher à Taëf indépendamment du découpage des circonscriptions électorales, par la bande si l’on peut dire. La bande à Berry, persiflent ses contempteurs. En tout cas, le président de la Chambre s’était lancé avec enthousiasme dans l’aventure. Après avoir annoncé son projet, il en avait touché un mot au Hezbollah, autre frère ennemi. Puis il s’était adressé au président Hariri et à M. Joumblatt, lors de la rencontre à trois de Kantari. Le leader du PSP avait alors prudemment répondu que cette forte idée méritait d’être étudiée en profondeur, à tête reposée, longuement. Façon polie d’en renvoyer l’exécution aux calendes grecques. En tout cas, dès ce moment-là, M. Berry avait eu le mérite de rassembler tous ses bons amis, ou presque, dans un espace de critique et de rejet. En effet, des ultras proches de Baabda avaient de suite réagi avec un haut-le-corps. En déclarant tout de go que tout responsable devait, avant d’endosser la toge de consul, assumer d’abord ses fonctions spécifiques dans le périmètre tracé par la Constitution. Autrement dit, que chacun ferait mieux de cultiver son jardin au lieu de lorgner celui d’autrui et de piétiner ses plates-bandes. Un conseil que ce camp si frileux au sujet du départage des zones d’influence semble avoir lui-même oublié lors des derniers événements. Qui avaient entre autres pour but de redonner du punch au régime, aux dépens directs des prérogatives du Conseil des ministres comme de la Chambre. En tout cas pour le moment, les proches de M. Berry indiquent que le projet de front national n’est plus d’actualité. En précisant, sans fausse honte, que s’obstiner sur cette voie pourrait être interprété comme une orientation agressive. Mais contre qui ? «Contre les uns ou les autres», répondent évasivement ces sources. Qui finissent quand même par relever que «le président Berry, en tant que pôle du pouvoir, tient à entretenir les meilleures relations possibles avec le président de la République». Comme quoi les récentes secousses ont changé bien des choses au niveau des rapports de forces traditionnels. Pour se consoler un peu, d’autres parlementaires qui apprécient Amal sans en faire partie remarquent avec détachement que «la tempête d’été a emporté bien d’autres projets politiques. Ainsi, non seulement le pacte tripartite de Kantari est révolu, mais encore MM. Hariri et Joumblatt, qui semblaient déjà si proches l’un de l’autre, sont maintenant séparés. Et quand le président du Conseil s’incline devant la volonté du régime, il n’y a pas de raison que le chef du Législatif n’en fasse pas autant. M. Joumblatt, qui, pour sa part, n’a pas de portefeuille ministériel et encore moins de présidence, peut s’en démarquer. Mais vue sous cet angle de pouvoir, sa position est au moins aussi isolée que celle de M. Berry». Ce n’est pas vraiment ce que pensent les participants au congrès du Carlton, ministres et députés en tête, qui ont applaudi M. Joumblatt à tout rompre. Cela étant, un vétéran des pas perdus de la Chambre est convaincu que M. Berry «qui oscille peut-être un peu actuellement saura rebondir. Il a plusieurs atouts dans sa manche, il ne faut pas l’oublier. Il peut en effet faire la pluie et le beau temps place de l’éttoile. Et lui aussi, comme M. Hariri, peut conférer à tout moment avec le président Assad. De plus, M. Berry est certainement mieux perçu à Baabda à l’heure actuelle que M. Hariri». D’autant que ce dernier est en voyage. Et que les absents ont toujours tort. Mais il est également certain que l’indécision, dans une phase décisive, est rarement payante. Alors les professionnels du cru attendent avec curiosité de voir comment M. Berry, qui a manifestement perdu des plumes dans une bataille à laquelle il n’a même pas participé, va se repositionner sur l’échiquier local.
Frères ennemis de toujours, tantôt à couteaux tirés et tantôt copains, derniers seigneurs de la guerre encore au pinacle, MM. Nabih Berry et Walid Joumblatt continuent l’un et l’autre à tenter de se donner une dimension nationale. Ce qui en fait deux concurrents, peut-être involontaires, mais aussi déterminés l’un que l’autre. Même s’ils ne cherchent pas la...