Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINIONS

Dégénérescence

Depuis quand le Liban a-t-il connu la démocratie ? Depuis quand le Liban est un pays démocrate ? Depuis quand le Liban a-t-il baigné dans autre chose que des ersatz de démocratie ? Des caricatures. Plurielles et différentes à chaque fois. Depuis quand le Liban a-t-il fait autre chose que prétendre appliquer la démocratie ? Depuis quand ce pays a-t-il pataugé dans autre chose que les apparences ? Alors à quoi bon s’offusquer ? À quoi bon s’étrangler ? À quoi bon continuer ? À quoi bon crier au scandale, parler de néostalinisme, demander qui donc gouverne… Sauf que c’est justement à cela qu’«ils» veulent arriver. Qu’un maximum de Libanais, à l’unisson, se demandent à quoi bon. Et cessent. D’y croire et de faire. Fantasmes inutiles : ils ne cesseront pas. Il y a un crime. Il y en a même deux. Il y a ceux qui les ont commis. Il y a ceux qui en profitent. Et ce n’est pas parce que le viol des libertés et de la démocratie est devenu un sport national pratiqué à temps plein par l’État et par ses hordes de James Bond de supermarché et de Rambo de troisième zone que l’on devrait se la boucler. Premier crime. Répéter, encore et encore. Un État qui emprisonne sa jeunesse parce qu’elle a des idées, des valeurs, quelles qu’elles soient, qu’elle les défend, qu’elle s’y accroche : c’est un État vicié. Blasphématoire. Dégénérescent. Et condamné à périr. L’histoire en est garante. Tout aussi grave que la rafle, son timing : le second crime. Digne des rafles grandissimes des temps passés, obscurs. Le lendemain ou presque d’une des plus belles choses que le Liban a connues depuis des décades. La ré-union de la montagne. Nasrallah Sfeir et Walid Joumblatt qui ont réécrit l’histoire. À croire que ce qui s’est passé ce week-end est venu contrecarrer les si beaux plans des hommes et des sbires de ce que l’on peut désormais appeler, sans risque d’un quelconque plagiat, le Second Pouvoir. Qui ? Le parquet. Les Services de renseignements. De sécurité. On sait combien l’État est prévoyant, combien il anticipe les desiderata de la «Syrie sœur». Des Services télécommandés par qui ? Pour quoi ? «L’intérêt national est au-dessus de tout». Émile Lahoud dixit. Sans commentaires. En voulant être honnête, objectif, l’on devient presque indulgent : l’État est malade. Diagnostic : paranoïa aiguë. Les 200 personnes arrêtées complotaient. Préparaient un putsch. Un soulèvement, une division. Mettaient en péril la sécurité de l’État. Le ministre de l’Intérieur, Élias Murr, lorsqu’il en aura marre de participer à cette mascarade, s’en ira cultiver son jardin et écrire des scenarii pour films de science-fiction. Et à supposer que ce soit vrai – mon Dieu, jouons ce sale jeu jusqu’au bout –, la moindre des intelligences, pour un État, est d’éviter les procès d’intention. Pourquoi ce pays a tellement de mal à être sérieux ? Crédible ? À qui profitent les crimes ? Le chef de l’État, il y a deux jours, qualifiait d’«historique» la «haute» réconciliation de la montagne. Le chef de l’État, chef de l’Exécutif… Ce qui s’est passé est en totale contradiction avec les mots d’Émile Lahoud. Et jette, malgré tout ce que l’on connaît de ses affinités, une sacrée déconsidération sur le locataire de Baabda. Le Premier ministre, quant à lui, a de très nombreux défauts, mais comment ne pas mettre à son crédit son allergie à la chose militaire, aux Services ? Ce qui s’est passé, c’est lui – aussi – et son gouvernement qui devront en rendre compte, en assumer les conséquences. Que va-t-il dire, que va-t-il faire ? Se taire ? Il sera complice. Dénoncer ? Le vice de forme, l’absurde total seront parfaits. Démissionner ? Et Nabih Berry, réfugié à Msayleh, qui se refuse à tout commentaire. Lui et son Parlement : voilà un possible frein à tout cela. C’est au Législatif maintenant de lever la voix. Un débat extraordinaire de politique générale doit impérativement avoir lieu. Et vite, très vite. Pourquoi cet État, en plus d’être en parfait accord avec les règles élémentaires du plus pur totalitarisme, se fait un point d’honneur d’être aussi bête ? On peut penser ce que l’on veut des aounistes ou des Forces libanaises, mais Toufic Hindi et Nadim Lteif sont, aujourd’hui, deux grands hommes. Et les vrais héros, admirables : les jeunes. Comme toujours. Admirable aussi : la position du patriarche. Admirable de pondération, de modération, de véracité. Force est de constater que cet homme est, aujourd’hui, irréprochable. Que peut-on faire pour crever l’abcès ? À l’époque de Fouad Chéhab, l’alliance tripartite Eddé-Gemayel-Chamoun avait réussi à en finir avec le Second Bureau. Qui, comparé au Second Pouvoir d’aujourd’hui, ressemble de plus en plus à un club de bridge pour dames élégantes. Que peut-on faire pour en finir avec une dégénérescence bien plus qu’accomplie, avec un pays, à ce point, bas de gamme ? Quelqu’un ira-t-il jusqu’à demander la désobéissance civile ?
Depuis quand le Liban a-t-il connu la démocratie ? Depuis quand le Liban est un pays démocrate ? Depuis quand le Liban a-t-il baigné dans autre chose que des ersatz de démocratie ? Des caricatures. Plurielles et différentes à chaque fois. Depuis quand le Liban a-t-il fait autre chose que prétendre appliquer la démocratie ? Depuis quand ce pays a-t-il pataugé dans autre chose...