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Actualités - INTERVIEWS

Salah Honein : La visite ne sera historique - que si elle consacre une ligne politique très claire

Il a été élu avec le maximum de voix le 27 août dernier à l’un des sièges maronites de Baabda-Aley. Proche de Bkerké et sur la liste de Walid Joumblatt. Et avec les 15 autres membres du Front de lutte nationale – le bloc parlementaire du chef du PSP qui regroupe également les députés du Chouf –, Salah Honein fait un travail en commun. Un travail politique, et un travail de terrain également. Unis et homogènes, dès le départ, dès la campagne électorale de l’été dernier, les 16 hommes s’activent notamment à parachever la réconciliation. Au sein de la Montagne. Une réconciliation «presque achevée» et que viendra couronner, demain et pour trois jours, la visite du patriarche maronite Nasrallah Sfeir à Aley, au Chouf et à Jezzine. Et c’est justement de cela, et de la réconciliation en général, que le député de Baabda a parlé dans un entretien avec L’Orient-Le Jour. Qu’est-ce que ça veut dire une réconciliation ? «Il existe un décret ministériel qui a dressé la liste exhaustive des “villages de la réconciliation”, et il n’est plus possible de toucher à ces villages. Vingt-deux villages qui ont connu de grands drames et vingt-deux dossiers – des revendications multiples – qu’il faut éplucher en détail. Préparer le terrain, arrondir les angles, régler tous les points de litige avant de commencer la réconciliation. Et c’est un très long processus, évidemment». Comment ça se passe concrètement ? L’État leur donne de l’argent ? Un travail se fait au niveau des mentalités, des hommes et des femmes des deux bords ? «Pratiquement, il y a un règlement financier. Le reste se fait en amont, au cours du processus de réconciliation. Chaque village est différent de l’autre, les points de litige et leur solution également». Quels sont les problèmes récurrents que l’on retrouve chez les habitants de la Montagne ? «Il y a souvent des procès en cours. Dont il faut en finir. Et puis des compensations financières pour les gens décédés». Justement, est-ce que l’on peut réconcilier des personnes entre elles – et a fortiori les habitants de la Montagne – uniquement en leur donnant de l’argent ? «Il ne faut pas oublier qu’à la base, c’est une décision politique. Les compensations financières aident à faire passer la pilule. Surtout que les gens ont besoin, en ce moment, d’argent. Mais je le répète : c’est avant tout une décision politique. Lorsqu’un leadership politique incite les habitants à aller dans une direction bien précise, lorsqu’il les convainc de tourner la page, c’est la plus grande partie du chemin qui est faite. Maintenant, ce que l’on veut, c’est que les gens de la Montagne réintègrent leurs foyers et puissent vivre, au quotidien, sans problèmes et sans histoires pas encore réglées». Leaderships politiques et acceptation de l’autre L’important, c’est la volonté donc. «Absolument et elle existe aussi bien chez les dirigeants que chez les habitants. Et prenons l’histoire de la Montagne druze. En 700 ans, il n’y a, en les additionnant, que cinq ou six ans de discordes. Au cours de la majorité de ces sept siècles, les deux communautés ont vécu ensemble harmonieusement. Il y a certes eu des problèmes, mais ce ne sont finalement que des petits points noirs sur un grand tableau blanc. À mon avis, la tendance naturelle est vers la réconciliation. C’est clair qu’au cours de la période postérieure aux drames, la situation est loin d’être évidente. Voilà pourquoi la décision politique est indispensable». Les habitants sont sincèrement heureux et désireux de se réconcilier ? «Évidemment. Il y a ces 700 ans d’histoire tout de même. Et les gens sont profondément conscients que personne n’a rien gagné du tout dans cette histoire, que ce qui s’est passé n’a jamais été quelque chose de noble. Que c’était une période de perdition absolue. Que la “normalité”, c’est la vie en commun. Ce que l’on demande c’est l’acceptation de l’autre et le droit à la différence. Que le seul moyen, c’est la coexistence. Et cette coexistence doit évoluer de telle sorte qu’elle devienne bénéfique à tout un chacun. Comme dans le passé : souvenez-vous de Bhamdoun, de Aley… On ne demande pas un amour-passion. Il faut un dialogue permanent. Que cette différence fondamentale qui existera toujours ne soit pas source de conflits.» Lorsque vous avez parlé de leadership politique, vous pensiez à Walid Joumblatt et au patriarche Sfeir ? «Chez les druzes, c’est bien sûr Walid Joumblatt. Et il a maintenant un grand rayonnement au sein des autres communautés – la chrétienne notamment. Et de l’autre côté il y a bien sûr la volonté du patriarche – celui qui fédère tout le monde aujourd’hui, voyez Kornet Chehwane… – qui va dans le sens des préceptes chrétiens. Il y a aussi cette alliance qui s’est faite pendant les élections, au Chouf, et surtout à Baabda-Aley, inédite depuis 1991. Elle a créé une sorte de détente dans la Montagne. Ce qu’il y a de différent aujourd’hui, c’est que des hommes venant d’horizons politiques totalement différents se sont alliés vo-lon-tai-re-ment. Voilà ce qui a beaucoup rassuré les habitants.» Pour Salah Honein, aussi bien les druzes que les chrétiens sont persuadés et convaincus que les confrontations ne servent plus, aujourd’hui, à rien. Que seul le dialogue pourra résoudre tous les problèmes. Et c’est la première fois que cela se passe depuis 1972 : une alliance électorale qui survit aux élections et qui génère un travail et une vision politique commune et cohérente. Que les leaders sont les premiers à conforter, encourager, stimuler. Pour que, en ce qui concerne les réconciliations, même à Brih ou Kfarmatta, toutes les «tristesses» disparaissent. La polémique L’événement, incontestablement, c’est la tournée pastorale de Nasrallah Sfeir dans les cazas d’Aley, de Baabda, du Chouf et de Jezzine. Cette visite représente quoi pour vous ? Au-delà des mots dits, des clichés ? «C’est une visite essentiellement et profondément politique. Le patriarche va consacrer une ligne politique bien précise. Voilà comment je vois les choses, voilà comment les choses devraient être. Il y a aujourd’hui une ligne politique qui a trouvé sa source dans la Montagne. Chez Walid Joumblatt comme à Bkerké.» Et cette ligne-là peut-elle s’étendre à l’ensemble du territoire ? «Il le faut. Il faut que ce soit un exemple, un idéal. Une alliance de ce genre, une vision commune, une solidarité, la réconciliation nationale, le dialogue, l’ouverture, la libre décision retrouvée… Cette visite, c’est beaucoup plus cette consécration que du folklore.» Pourquoi cette visite a-t-elle autant tardé ? «Les conditions n’étaient pas présentes.» Quelles conditions ? «On revient à l’après-élections. Là où tout a commencé. Avec un revirement de situation, une nouvelle vision, une nouvelle volonté. Une vision politique qui devient de plus en plus concrète, cohérente, solide. Nous sommes de plus en plus solidaires autour de cette vision. Il fallait sans doute ce temps-là pour que l’on se dise que nous sommes tous dans la même direction. Aujourd’hui, la trajectoire de Walid Joumblatt et celle du patriarche Sfeir se sont retrouvées. Disons-le : comme un arc-en-ciel au-dessus de la montagne. Il faut maintenant voir plus loin, par-delà la montagne. Il faut un plan global, cohérent, pour tout le pays. Et qu’il y ait un suivi». Pourquoi y a-t-il eu toute cette polémique autour de la visite du patriarche ? Autour de ses escales notamment ? «Je ne veux pas rentrer dans tout cela. La seule chose que je voudrais que l’on retienne est la suivante : cette visite n’aura d’importance que si elle vient consacrer une réalité bien précise, une ligne politique, une réconciliation nationale, une coexistence. Si ce sont des visites protocolaires, elles n’auront aucun sens. Ce ne sera une visite historique – voilà ce à quoi nous voulons arriver – que si elle consacre une ligne politique bien claire. À la Montagne, depuis les élections, pendant et après les élections, il y avait une ligne politique bien claire, et un flou. Est-ce que nous allons consacrer un flou, ou bien une ligne politique qui rejoigne celle que nous prônons ? Il n’est pas question de protocole. Ce dernier va venir brouiller les esprits, les gens ne se retrouveront plus. N’hésitons pas à le répéter encore et encore : elle sera historique si elle vient consacrer une ligne politique très claire, très pure, très patriote.» Celle de Bkerké comme celle de Moukhtara. Même avec les petites divergences que peuvent ou que pourraient connaître ces deux «capitales» politiques. Dont acte. Et Salah Honein accompagnera le patriarche jusqu’à Jezzine. Évidemment.
Il a été élu avec le maximum de voix le 27 août dernier à l’un des sièges maronites de Baabda-Aley. Proche de Bkerké et sur la liste de Walid Joumblatt. Et avec les 15 autres membres du Front de lutte nationale – le bloc parlementaire du chef du PSP qui regroupe également les députés du Chouf –, Salah Honein fait un travail en commun. Un travail politique, et un travail...